Ce texte est la communication introductive à la table ronde sur la discussion à propos de la politisation des jeunes. Cette manifestation s'est tenue à l'IAV d'Aït Melloul juste avant les élections législatives dernières.Je vais partir d'une série de questionnements et je vais tenter d'adopter une démarche plus analytique qu'empirique (parce que je n'ai pas encore fais de recherche de terrain sur cette relation entre les jeunes et la politique). La première question, et à mon avis la plus fondamentale, est celle de remplir de sens ces deux catégories – Jeunes d'une part et politique de l'autre. Il faut d'abord s'entendre sur la signification à donner à ces deux vocables (et je ne dis pas concept) à savoir les jeunes ou la jeunesse et la politique ou plutôt le politique pour le dire plus largement. Qu'est-ce que donc être jeune aujourd'hui dans ce contexte particulier où tout ce qui se passe ailleurs nous concerne au premier chef ? Le processus de la mondialisation, la circulation des idées et des alter-idées nous oblige à réfléchir car le jeune d'hier atomisé, majoritairement de milieu rural n'est plus le jeune d'aujourd'hui plus socialisé aux NTIC, plus branché aux réseaux sociaux, plus informé sur ce qui se passe ici et ailleurs. Il faut d'emblée rejeter la définition selon laquelle un jeune serait reconnaissable à son âge (c'est la définition technique d'obédience démographique 18 – 25 ans) et disposerait des mêmes caractéristiques indifféremment des contextes, des cultures et des séquences historiques. Le sociologue Pierre Bourdieu a d'ailleurs dans un article fort provocateur a mis à mal cette définition. L'article en question porte le titre « La jeunesse n'est qu'un mot »… Je vous incite à le lire car disponible sur internet, vous la génération de cet outil extraordinaire qu'il faut consommer avec modération : http://www.homme-moderne.org/societe/socio/bourdieu/questions/jeuness.html Si la jeunesse n'est qu'un mot, c'est que c'est une tournure d'esprit, le fer de lance de la dynamisation sociale (la société marocaine est remarquablement jeune !), une capacité de rêver et d'imaginer une forme sociale plus audacieuse, la boulimie de changer les choses, l'état d'esprit de transgresser le convenu. Si vous avez ces caractéristiques, alors vous êtes jeunes malgré votre âge. Pour faire une transition, les jeunes et la politique c'est se hisser à la citoyenneté critique par la participation politique (le vote, le militantisme, l'implication dans la vie de cité…). Qu'est-ce que la politique alors ? C'est à la fois l'art de gouverner, de prendre des décisions, de trancher des problèmes et de proposer un modèle de gouvernance citoyen. C'est à la fois une vocation (aimer les autres, les servir conformément à ses convictions), mais également un métier, une profession dont il faut maîtriser les ficelles. Il peut s'agir de « vivre de la politique ». On parle alors de la professionnalisation de la politique avec tout ce que cela suppose en termes de reproduction des élites. Il revient aux partis politiques, aux syndicats et à toutes les institutions de s'ouvrir aux jeunes, que ce soit sous forme de quotas ou légiférer. C'est précisément pour combattre ce déterminisme qu'il est important de réfléchir pour qualifier la relation entre les jeunes et la politique dans le processus marocain. Qualifier les relations entre les jeunes et la politique Il est difficile de qualifier cette relation sans avoir préalablement mené des recherches empiriques sur le terrain. Mais nous pourrions proposer quelques éléments dans une démarche idéal-typique 1°/ Une relation de donnant-donnant : Les partis politiques peuvent développer une vraie stratégie d'enrôler les jeunes en leur sein, dans leurs instances, en leur réservant une place éligible au cours des élections. Les jeunes peuvent également apporter de la fraicheur à la vie politique dans un contexte marqué par le vieillissement du personnel politique. 2°/ Une relation de quasi rupture et de malaise reconnaissable à l'abstention, à la méfiance vis-à-vis de la politique. Là il appartient aux partis politiques, mais aussi aux pouvoirs publics de mener une politisation constante et spécifique aux jeunes. Et la politisation véritable commence par sonder les attentes des jeunes, leurs espoirs, leurs craintes et leurs représentations politiques. Je voudrais ici attirer l'attention sur le seul véritable travail de recherche qui a été mené dans ce sens est celui de P. Pascon sur la jeunesse rurale. Pour assurer la relève, les partis politiques qui concourent en théorie à la vie démocratique en participant aux élections se doivent d'appuyer l'action de leurs directions par des mouvements politiques similaires de jeunes… 3°/ Les jeunes sont mieux placés pour assurer leur propre représentation politique. On parle aujourd'hui de la mort des idéologies, de la fin des utopies parce que la politique s'est beaucoup professionnalisée. Les jeunes peuvent faire revivre la politique parce qu'ils connaissent mieux leur époque : on n'est jamais mieux servi que par soi-même, dit-on. Mais ce qu'il convient de souligner est que les jeunes méritent une représentation politique efficiente. Ils ne doivent être ni sujets, ni enjeux, mais des acteurs de leur propre destin… 4°/ Les urnes ou les mobilisations collectives, l'engagement associatif ou pour un idéal (les droits humains par exemple) sont autant de canaux qui participent de la socialisation politique. On ne fait pas la queue devant un cinéma qui ne passe pas de film : la socialisation électorale et politique des jeunes ne peut aboutir que dès lors que le jeune homme ou la jeune femme trouvera son compte dans l'offre programmatique des partis et dans les politiques publiques (le travail, l'emploi, le revenu, le statut, la garantie du vivre-ensemble si importante dans le contexte actuel). Autant de termes du jargon sociologique sur lesquels repose l'avenir d'une nation. Professeur de Sociologie Université Ibnou Zohr