Nizar Baraka réélu officiellement Secrétaire général de l'Istiqlal    Adoption du nouveau programme du parti de l'Istiqlal à l'issue du 18ème Congrès général    Ligue 1 / PSG-Le Havre : Oussama Targhaline retarde le sacre de Hakimi !    Botola D1 / HUSA-A.S. FAR: Les Militaires chutent à Agadir    Botola D2/J23 ( acte1): CODM, KACM et DHJ bénéficiaires !    Agriculture durable : l'ADA et le PNUD s'allient pour renforcer l'entrepreneuriat des jeunes    Conseil de sécurité: Le Mouvement des non-alignés salue les efforts de SM le Roi en faveur de la cause palestinienne    L'"opposant" algérien Said Bensedira arrêté à Paris    Vers un retrait de l'USM d'Alger du match retour face au RS Berkane ?    US Peace Corps Morocco celebrates 61 years of partnership    « Rawafid » : une soirée musicale envoûtante pour explorer les trésors sonores du Maroc    SIAM 2024 : Remise des prix de la 16e édition    OCP launches investor roadshow for up to $2 billion bond offering    France ready to finance a 3 GW power cable between Casablanca and Dakhla    L'ONMT met le football au cœur de sa stratégie de rayonnement de la destination Maroc    Mondial des clubs 2025. On connaît les 4 équipes africaines qualifiées    le Réal Madrid fonce vers un nouveau titre    la CAN 2023 très lucrative...    Eliesse Ben Seghir suspendu par la LFP    Banques : Voici le nombre de détenteurs de comptes au Maroc    Halima Makhrout: La logique de la preuve    La France prête à financer la liaison électrique qui liera Casablanca à Dakhla, une annonce majeure    SIAM : meilleures participations à la 16e édition    Agriculture durable : l'ADA et le PNUD s'allient pour renforcer l'entrepreneuriat des jeunes    Conseil de sécurité: le mouvement des non-alignés fait valoir les efforts royaux en faveur de la cause palestinienne    Nabila Hamani : portrait d'une magicienne du verbe classée au top des meilleures poétesses de sa génération    Burkina: adoption d'une loi relative aux assises nationales sur la transition    Rachid Benali : « L'agriculteur ne perçoit qu'entre 20 et 25% du prix payé par le consommateur»    PI: Une commission tripartite pour conduire le 18è congrès    Lutte contre la piraterie médiatique : l'ANME lance un appel à la conformité des prestataires    L'Humeur : Et hip et hop, rappons !    Mohamed Mhidia, portrait d'un Wali    Signature de deux mémorandums d'entente entre le Maroc et Djibouti dans le domaine de la santé et de la protection sociale    Pour un nouveau paradigme pour les relations économiques Maroc-France    La France a fait le choix stratégique de renforcer ses liens économiques avec le Maroc    L'OMS alerte sur l'exacerbation de la résistance antimicrobienne pendant le Covid    Interview. Paola Bacchetta: "Troublée par le mot "marabout", j'en ai fait des cauchemars"    Tanger: Fermeture définitive de la prison locale "Sat Village"    Salon d'Oujda : l'Oriental des livres    Interview. Rania Berrada : "La migration, c'est être prêt à se confronter aux rouages administratifs"    Attentat près de Moscou: Un nouveau suspect arrêté    Sommet social mondial: M. Hilale s'entretient à Genève avec les directeurs généraux des organisations internationales    Partenariat historique entre ARAMCO et la FIFA    Les têtes d'affiche du 26e Festival Jazz au Chellah dévoilées    Prévisions météorologiques pour le samedi 27 avril 2024    Promesse de fin de mandat : Akhannouch veut renforcer l'état social    Jazzablanca : le tourbillon rock-blues « Zucchero » pour une première apparition au Maroc    Lubna Azabal, étoile marocaine, à la tête du jury des courts-métrages et de La Cinef à Cannes    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Pauvre Culture
Publié dans Albayane le 24 - 07 - 2020

Pauvre Culture ! Etant donné qu'elle est la chose la moins partagée dans notre société, ne nous attendons pas à la voir soudain briller au-dessus de nos têtes et bénéficier de l'intérêt qu'elle mérite. Ministre après ministre, «la maison de Halima (la rêveuse) reste en l'état». Ca ronronne et l'escargot s'en va bavant ses sécrétions blanchâtres et translucides. Sans consistance. Sans importance. Car l'essentiel est ailleurs. Ailleurs, Monsieur le Ministre. Encore une fois, vous êtes l'espoir de milliers de créateurs et de professionnels de la Culture. De tout un peuple, en fait.
Chaque fois que la création est foudroyée par une quelconque pandémie, qu'elle soit virale, comme c'est le cas aujourd'hui, ou structurelle, comme toujours hélas, on sort «les sous». Histoire de panser les plaies au lieu d'un réveil des consciences tant de la part des pouvoirs publics que de la société civile, un sursaut qui mettrait cette belle Dame qu'on appelle Culture au centre des préoccupations du citoyen pour le bien-être et l'essor de la société, comme un gage de citoyenneté, de démocratie et de droits humains afin de conjurer définitivement cette fragilité chronique qui ne fait guère progresser, de manière substantielle et pérenne, l'expression culturelle dans notre pays.
Quand elle est mûrement réfléchie, soutenue, planifiée et célébrée comme il se doit, la Culture devient un sacre, celui de la beauté et de la lumière ; un hymne national qui résonne dans toutes les consciences, de ceux qui la gèrent comme de ceux qui la pratiquent.
Pauvre Culture ! Je regarde ces jeunes faisant grise mine devant ce petit virus qui a réussi à mettre au placard leur création et je ne peux m'empêcher d'avoir de la peine pour eux. Pour moi aussi. De n'avoir pu, moi qui ai milité toute ma vie pour la célébration de la Culture en tant que composante essentielle de notre politique nationale, convaincre tous ces responsables de l'importance des expressions culturelles et artistiques dans l'épanouissement de la personne humaine et par conséquent de leur fonction réparatrice. C'est conjoncturel, certes, comme partout dans le monde. Mais chez nous, c'est un autre problème.
La Culture mérite mieux que çà, mieux qu'une simple aide, financière et conjoncturelle. Ces artistes n'ont pas besoin d'une «aumône», d'une subvention dérisoire, pour toute une année. Même si, comme tout citoyen, cet artiste doit se nourrir, payer un loyer, faire vivre sa petite famille et vivre décemment pour mieux créer. C'est un droit des plus élémentaires. La Culture est un droit pour tout citoyen, celui qui en fait comme celui qui la consomme.
Gérer un département de la Culture dans toutes ses manifestations, créatives, sociales et économiques, est l'acte politique par excellence par lequel une nation affirme sa volonté de démocratisation, de justice sociale et de nourriture spirituelle.
Gérer la Culture par un travail de fonds, une réflexion profonde et pérenne, c'est faire acte de citoyenneté, c'est mettre la Culture au centre des préoccupations des citoyens, des créateurs, des gestionnaires autant que des consommateurs. Elle est l'affaire de tous et concerne tous les domaines de la culture, tous les lieux où elle se manifeste dans la quotidienneté des gens. Les théâtres autant que les centres culturels, les galeries de peinture, les maisons d'édition et les librairies devraient bénéficier d'une vision stratégique à long terme pour ne plus subir à chaque fois la précarité. En faire des lieux de vie, de proximité surtout, car c'est là encore un enjeu de démocratisation.
Se peut-il, Monsieur le Ministre ? On exporte nos artistes et nos intellectuels par paquets comme si notre balance culturelle était excédentaire. Une vraie politique culturelle est l'occasion de rendre visible ce qui, en principe, ne l'est pas, de mettre de l'ordre dans ce qui est d'habitude désordre, dirait l'autre. Notre déficit en matière d'éducation artistique et culturelle est énorme. Nous avons créé des établissements de formation dans différents métiers de la Culture dont les objectifs étaient clairs au départ. Et s'ils n'ont pas atteint ces objectifs – une activité théâtrale intense, un public nombreux et diversifié, des lecteurs en nombre croissant, etc., c'est justement à cause de cette politique bancale qui a prévalu jusqu'à présent malgré des efforts entrepris quelquefois par certains ministres férus de Culture.
Nous avons cruellement besoin de nos créateurs pour pallier à ces déficits. Le citoyen doit s'habituer à consommer – à se nourrir plutôt – des œuvres de l'esprit car c'est le seul moyen de le mener vers la lumière et l'engagement citoyen. C'est mettre l'action culturelle au centre du processus de la formation de la personnalité humaine. Il faudrait cesser de considérer le citoyen comme un handicapé, un mineur, même si l'un et l'autre font parfois des performances qui étonnent les plus valides et les plus matures d'entre nous. Cette infantilisation qui perdure est une insulte à l'intelligence humaine. A moins de vouloir à tout prix maintenir le citoyen dans l'ignorance et l'indigence culturelle pour mieux sévir et dominer.
Pauvre Culture ! Oui, on le sait. Personne n'est dupe. La littérature comme le théâtre ou toute autre forme d'expression culturelle et artistique dérangent car ils abordent les questions qui dérangent et titillent ainsi notre entendement. Antonio Gramsci l'avait compris quand il soutenait que «mener une bataille culturelle c'est gagner une bataille politique». Car pour lui, on le sait, la culture est «organiquement» liée au politique et, c'est là, bien entendu, qu'elle devient un danger pour ceux qui craignent la clarté des esprits et le sens critique que procure la Culture.
Les artistes et les écrivains ne font pas de politique mais par leur engagement dans la formation des esprits, la promotion des idées, des images et des expressions inédites, c'est-à-dire par l'éveil des sens, du regard et de l'imagination, leurs actes sont alors éminemment politiques. Et dans ce sens, Monsieur le Ministre, ils sont vos partenaires, parfois vos contradicteurs et d'autres fois vos soutiens inconditionnels. Et dans les deux cas, ils accompagnent votre réflexion politique concernant la Culture.
La Culture n'est pas un amusement, une chose superfétatoire que l'on ne doit pas prendre au sérieux. Elle est au centre de la construction de la personne humaine. Elle est ce qui reste quand tout disparaît selon l'une des multiples définitions de la Culture. Regardons autour de nous et nous nous rendrons vite compte de la justesse des doléances et du bien-fondé du cri alarmant de ceux qui défendent bec et ongles la Culture. Et qui affirment haut et fort que « la Culture est la solution». Par contre, ceux qui placent la Culture au dernier rang des préoccupations de nos politiques se trompent. La violence que l'on remarque dans les regards et cette laideur qui envahit nos espaces publics, nos comportements inciviques -Corona, mon amour-, témoignent à n'en pas douter de nos défaillances en matière d'éducation artistique et culturelle, même si cela fait sourire plus d'un. Para-i-t-il pas vous, Monsieur le Ministre. Espérons encore une fois.
Il y a une responsabilité énorme face à ce défi de la sensibilisation du citoyen, notamment les jeunes, à l'importance de la Culture et des Arts, d'en faire un enjeu politique, de faire une offre culturelle innovante dans une perspective autant socio-économique que d'éducation, un acte citoyen capable de participer au développement économique et social de notre pays. Hélas, malgré de nombreux efforts pour colmater les brèches, nous n'avons pas encore réussi ni à consolider fortement l'édifice ni à mettre l'action culturelle au centre des préoccupations de la majorité de la société marocaine, de mettre cet acte de citoyenneté au centre du nouveau modèle de développement si l'on veut réellement que la Culture puisse participer au développement économique et social de notre pays. Et comme disait Maurice Schuman, «la seule faute que le destin ne pardonne pas au peuple est l'imprudence à mépriser les rêves».


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.