Les tensions aux frontières à leur comble Le chancelier allemand Olaf Scholz est attendu lundi à Kiev pour poursuivre les efforts diplomatiques en vue de désamorcer la menace « critique » d'invasion russe de l'Ukraine, susceptible de déclencher la pire crise en Europe depuis la Guerre froide. M. Scholz se rendra ensuite à Moscou mardi, sur les pas du président français Emmanuel Macron la semaine dernière, au moment où les Etats-Unis rappellent à l'envi que la Russie pourrait envahir l'Ukraine « à tout moment » et où les Occidentaux évacuent leurs ambassades. Souvent accusée d'être trop complaisante envers la Russie, l'Allemagne a haussé le ton dimanche. « Nous sommes au beau milieu d'un risque de conflit militaire, de guerre en Europe orientale, et c'est la Russie qui en porte la responsabilité », a déclaré le président allemand Frank-Walter Steinmeier. M. Scholz a de son côté prévenu que les sanctions occidentales seraient « immédiates » en cas d'invasion russe. Moscou « n'en a rien à foutre » des sanctions, avait prévenu sans ambages quelques heures plus tôt l'ambassadeur russe en Suède, Viktor Tatarintsev, dans un entretien au journal suédois Aftonbladet. La situation a atteint un point « critique », a estimé une source gouvernementale allemande. « Notre préoccupation a grandi (…) Nous pensons que la situation est critique, très dangereuse ». Les tensions sont à leur comble, avec 130.000 militaires russes massés à la frontière ukrainienne qui mènent des manoeuvres tous azimuts. Reste à savoir si cette escalade poussera l'Allemagne à revoir sa réticence quant aux livraisons d'armes en Ukraine et quant à l'avenir de Nord Stream 2, le gazoduc controversé construit pour acheminer sur son territoire du gaz russe en contournant l'Ukraine. Le chancelier allemand a assuré la semaine dernière que le gazoduc « n'irait pas de l'avant » en cas d'invasion. Dans un entretien téléphonique dimanche soir, le président américain Joe Biden et son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky sont convenus de poursuivre « diplomatie » et « dissuasion » face à Moscou. M. Zelensky a également invité M. Biden à venir à Kiev. « Je suis convaincu que votre visite à Kiev dans les prochains jours (…) serait un signal fort et contribuerait à stabiliser la situation », a déclaré le président ukrainien, selon ses services, au président américain. Washington n'a fait aucune référence à cette invitation dans son compte-rendu de la conversation, durant laquelle Joe Biden a de nouveau promis une réponse « rapide et résolue » des Etats-Unis, en coordination avec leurs alliés, en cas d'attaque russe. Le Premier ministre britannique Boris Johnson compte quant à lui se rendre dans les pays baltes et d'Europe du nord cette semaine pour poursuivre ses efforts diplomatiques. « Il y a encore une fenêtre d'opportunité pour la désescalade et la diplomatie, et le Premier ministre continuera de travailler sans relâche aux côtés de nos alliés pour amener la Russie à s'éloigner du gouffre », a déclaré un porte-parole de Downing Street. Moscou, qui a déjà annexé la Crimée en 2014, nie toute velléité agressive envers l'Ukraine, mais conditionne la désescalade à une série d'exigences, notamment l'assurance que Kiev n'intégrera jamais l'Otan. Une condition que les Occidentaux jugent inacceptable. De nombreux pays occidentaux ont prié leurs ressortissants de quitter l'Ukraine ou ont commencé à évacuer leurs ambassades. Et la compagnie néerlandaise KLM a suspendu jusqu'à nouvel ordre ses vols dans l'espace aérien ukrainien. A l'aéroport Boryspil de Kiev, l'entrepreneur marocain Aimrane Bouziane, 23 ans, était soulagé dimanche que son vol ait été maintenu. « Le choix le plus judicieux, c'est de quitter l'Ukraine maintenant », a-t-il estimé. « Oui, je pars à cause de la situation, parce que j'ai peur pour (m)a vie (…) Poutine pourrait envahir. Il l'a déjà fait, donc il peut le refaire ».