A l'approche des élections municipales et régionales, le 22 mai, les socialistes espagnols traversent un des moments les plus délicats depuis leur retour au pouvoir en 2004. Au plan politique, les pronostics sont adverses et les sondages d'opinion sont favorables à la droite conservatrice. Au plan économique, le gouvernement a dû revoir ses prévisions à la baisse reconnaissant le recul du taux de croissance du Produit Intérieur Brut, une hausse du chômage et l'impossibilité pour l'entreprise de récupérer son rythme d'antan. Au plan des perceptions sociales, le dernier baromètre du Centre des Investigations Sociologiques (CIS) révèle l'état d'inquiétude qui s'empare de la société de plus en plus préoccupée pour la préservation de son bien-être. Tous ces facteurs interviennent en pleine précampagne électorale qui a été entamée la semaine dernière après l'annonce par José Luis Rodriguez Zapatero de sa décision de renoncer à un troisième mandat comme chef de gouvernement. Le Parti Populaire, convaincu de son triomphe aux prochaines échéances électorales, réclame des élections anticipées pour capitaliser immédiatement au maximum les intentions de vote en sa faveur de la majorité des Espagnols. L'opinion publique, qui veut être en marge de la guerre politique entre les deux grands partis, manifeste particulièrement son désarroi face à la persistance de la crise qui érode son pouvoir d'achat, lamine l'auto-estime des citoyens et hypothèque leurs projets immédiats. Cette préoccupation trouve sa justification dans des données macro-économiques rendues publiques soit par le gouvernement soit par des instances spécialisées de l'Union Européenne. D'ici à 2014, le scénario macroéconomique va évoluer sous un signe négatif. Dans un discours pragmatique, la deuxième-vice présidente du gouvernement et ministre de l'économie et des finances, Elena Salgado, a reconnu, la semaine dernière, lors d'une conférence de presse, que les prévisions de croissance du PIB en 2011 de 1,3% seront maintenues mais celles de 2012 et 2013 se réduiront de deux et trois dixièmes pour se situer respectivement à plus 2,3% et plus 2,4%. Ce panorama a été décrit en détails dans le « rapport sur la position cyclique de l'économie espagnole » qui a été remis aux gouvernements régionaux espagnols, un document indispensable dans l'élaboration de la loi de finances pour la préparation du cadre global de la politique fiscale. Il est présenté parallèlement au « Programme de Stabilité » et au « Programme National de Réformes » qui doivent être remis aux institutions de l'UE avant 30 avril. Dans ses prévisions, le gouvernement espère que le rythme de récupération économique, entamé en 2010, se prolongera en 2011 grâce à l'application des mesures de renforcement du régime fiscal de manière que le PIB augmente en moyenne de 1,3%. Ce scénario macroéconomique prend en considération le contexte international et son impact sur la politique monétaire européenne et l'évolution des indicateurs de l'économie nationale. Dans ce contexte, le PIB connaîtra une révision à la baisse en 2012 et 2013 à cause des hausses subies par les matières premières (carburant surtout) et les taux d'intérêt plus élevés. Ces deux facteurs interviennent dans la révision à la baisse de la contribution de la demande interne et du croissement économique au cours des prochains exercices. Il est fort probable que le secteur extérieur (exportations) compense cette baisse grâce aux gains en termes de compétitivité de l'entreprise espagnole au plan international. La consommation des ménages sera modérée, en 2011, sous l'effet du chômage qui affecte plus de 4,3 millions de personnes alors que les investissements dans l'immobilier vont se réduire drastiquement en comparaison avec les précédents exercices. Les mesures d'austérité fiscale vont également avoir des effets négatifs sur les travaux publics. Dans ce panorama, le marché du travail tardera à se récupérer puisque les estimations du gouvernement prévoient une légère amélioration qui interviendrait à la fin de 2011, de manière que le taux de chômage se situerait à 19,8%, soit cinq dixièmes de plus que les prévisions dans la loi de finances de 2011. Au moins, 35.000 emplois nets pourront être crées cette année. Pour le gouvernement, ce taux sera ramené en 2014 à 16%. Précisément, le chômage représente la principale préoccupation pour les 81,8% des Espagnols, selon le dernier baromètre du CIS, un institut officiel de recherche sociologique. Ce baromètre a confirmé, en outre, le climat pessimiste qui règne au sein de ménages espagnols. D'autant plus, pour 79,5% des espagnols l'économie traverse une situation « mauvaise ou très mauvaise ». Ce baromètre, qui se base sur une enquête réalisée en mars dernier, confirme les perceptions de l'opinion publique en février dernier, puisque seulement 1,7% des espagnols estiment que l'économie nationale est « bonne » ou « très bonne » au moment où 31% voient que la situation va s'aggraver, contre 20% qui pensent le contraire. De même, 58,8% se déclarent opposés à une retraire à l'âge de 67 ans. Toutefois, 20,2% des espagnols considèrent que la classe politique est un des principaux problèmes du pays et vient bien avant l'immigration qui préoccupe uniquement 10,4% des citoyens. Il paraît clair que contrairement à la campagne d'hostilité menée par les médias contre le Maroc en novembre et décembre dernier, ni le Sahara ni la situation à Laâyoune ne forment partie de l'éventail des problèmes qui préoccupent les Espagnols. En ce printemps de 2011, la société espagnole appréhende ainsi le futur avec préoccupation mais aussi avec résignation au moment où les deux grands partis (Parti Socialiste Ouvrier Espagnol et Parti Populaire) se disputent les sièges aux municipalités et aux parlements.