Le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, Mohamed Benaïssa, est arrivé samedi matin à Alger et a regagné le Maroc en fin d'après-midi. Officiellement, cette visite a pour but de renforcer les relations entre les deux parties. Officieusement, le Sahara est au centre des discussions. Deux versions ont filtré de la visite de Mohamed Benaïssa en Algérie. L'une officielle, l'autre supposée sonder les véritables raisons de cette visite-éclair. En ce qui concerne les déclarations officielles, le ministre marocain des Affaires étrangères et de la Coopération a indiqué que sa «visite s'inscrit dans le cadre du renforcement des relations entre l'Algérie et le Maroc». Son homologue algérien, Abdelaziz Belkhadem, a précisé pour sa part que «les discussions ont porté sur les relations bilatérales aux planx économique et consulaire ainsi que sur la circulation des personnes, la concertation politique et l'édification institutionnelle de l'UMA». Cette rencontre entre les deux ministres a été précédée, vendredi, par un entretien téléphonique entre SM le Roi Mohammed VI et le président algérien, Abdelaziz Bouteflika. M. Benaïssa a été reçu au demeurant par le président algérien à qui il a transmis un message verbal de SM le Roi. A l'issue de cette visite, le Maroc et l'Algérie ont décidé de relancer les travaux des commissions mixtes, installées depuis un an. Ce groupe de travail se réunira deux fois au mois de juin. Il se penchera notamment sur la réouverture de la frontière terrestre, demeurée fermée depuis dix ans et annoncée comme imminente par des journaux algériens. L'échéance de cette réouverture n'est pas toutefois à l'ordre du jour. Elle aura «lieu au moment opportun», a précisé M. Benaïssa. La version officielle de la visite du ministre marocain des Affaires étrangères et de la Coopération a très peu intéressé la presse algérienne, les polisariens et nombre d'observateurs. De concert, ils y ont décelé un seul motif : le Sahara. Les supputations et hypothèses vont bon train. Il y a ceux qui évoquent un sommet entre le Maroc, l'Algérie, l'Espagne et France en vue de régler une fois pour toutes le conflit du Sahara. Et ceux qui mettent en garde l'Algérie contre une quelconque «défaillance» au sujet de son soutien aux thèses du polisario. Dans un éditorial intitulé «La quadrature du cercles», le journal L'Expression qualifie la question du Sahara de «vrai épouvantail», dressé – évidemment – par le Maroc. Cet «épouvantail» serait à l'origine de l'échec de «toutes les tentatives qui ont été menées pour normaliser les relations entre ces deux pays voisins». Le quotidien Le Matin a pour sa part choisi de laisser s'exprimer un officiel polisarien. Mohamed Sidati, qui se coiffe de la qualité de ministre conseiller chargé de l'Europe, a abondamment commenté la visite de M. Benaïssa en Algérie. «Le Maroc cherche encore une fois à saisir cette opportunité en vue de semer la confusion sur la position de l'Algérie vis-à-vis du conflit au Sahara occidental», dit-il. Il se rassure sur la constance de la position algérienne en citant le chef de la diplomatie algérienne, Abdelaziz Belkhadem. Le responsable polisarien «soupçonne», au reste, l'Espagne et la France d'«exclure le principal intéressé» et d'œuvrer en vue de trouver un règlement au dossier du Sahara entre le Maroc et l'Algérie. Ses propos sont relayés par le journal Le Jeune Indépendant qui dénonce les «pressions» faites sur l'Algérie pour négocier avec le Maroc. Cette publication qualifie de «softs» les pressions des Américains et pointe du doigt la France. Coïncidence heureuse : le ministre français des Affaires étrangères, Michel Barnier, a estimé samedi qu'un rapprochement entre Rabat et Alger était «nécessaire» pour trouver une solution au conflit du Sahara. «La solution d'une large autonomie du territoire doit être étudiée d'une manière imaginative et constructive pour tous», a-t-il ajouté. Sa voix est celle de la raison. Et la véritable «quadrature du cercle», c'est rêver à une normalisation entre le Maroc et l'Algérie et à l'édification du Maghreb, sans que les deux parties ne s'assoient autour d'une table pour parler du Sahara.