Sous le signe de «l'administration marocaine et les défis de 2010», le colloque fait un diagnostic dramatique de l'état de la fonction publique au Maroc. Les projets de réforme sont ambitieux mais l'archaïsme et les pesanteurs du sous-développement sont criants. Pourtant les contraintes de la mondialisation et de la modernité exigent du courage et du volontarisme. Les représentants des différents départements, du secteur privé, des organisations de la société civile, ainsi que des chercheurs ont passé au crible les causes qui handicapent la mise en place d'un processus de réforme administrative effective, et partant, la réalisation des objectifs de la nouvelle vision déconcentrée et décentralisée de la gestion des affaires publiques. L'un des éléments principaux de leur diagnostic, est l'absence d'une vision commune d'un programme de réforme administrative au Maroc. Les projets communs à plusieurs départements ministériels pâtissent encore aux niveaux central et local, d'un manque flagrant de mécanismes de coordination. La déconcentration, déplore-t-on n'a pas encore atteint les objectifs qui lui sont assignés. Les principales attributions demeurent toujours confinées au niveau central, laissant les extérieurs des différents département sans grande portée sur le terrain de la pratique, alors que théoriquement la politique de déconcentration et de décentralisation les place au centre du processus de développement. De plus, les études menées, dont certaines à l'initiative du gouvernement, ont mis en évidence une tendance générale vers la pléthore des structures administratives, au moment où la volonté de l'Etat de déléguer certaines missions au secteur privé ou aux collectivités locales, ne s'est pas véritablement illustrée sur le terrain du fait de l'absence d'une vision générale quant au repositionnement de l'administration publique. Dans le milieu rural, la gestion administrative persiste a suivre le même modèle de fonctionnement que dans le milieu urbain, sans prendre ne considération les spécificités rurales ce qui limite la portée de la politique de déconcentration. L'une des tares principales reste encore l'altération de la confiance entre administrés et administration en raison le plus souvent du mal de la corruption qui a étendu ses tentacules dans bien des recoins de l'appareil administratif. Si la corruption conventionnelle est entourée de mesures préventives et répressives, d'autres comportements restent hors de portée directe de la loi, comme l'usage négatif du pouvoir discrétionnaire, l'instrumentalisation des fonctions à des fins politiques ou partisanes, l'exploitation illégale des biens publics, le favoritisme etc. Il va sans dire que la corruption continue de peser d'un poids immense sur l'économie nationale en privant le budget de l'Etat de recettes qui auraient pu être générées par les impôts, les douanes et d'autres structures essentielles dans l'alimentation des finances publiques. A ce niveau, déplorent les chercheurs, le rôle de la justice est en deçà des attentes et n'apporte pas une réplique suffisamment vigoureuse à l'ampleur du mal de la corruption dans l'administration publique. A cote de tout cela, rien que l'idée d'avoir affaire à l'administration plonge le citoyen dans un état d'anxiété face à la tonne de paperasse qui ne manquera pas de lui être demandée. Ce qui fausse dès le départ la relation administration-administré. Pourtant, depuis le temps où la complexité des procédures administratives est décriée, aucune vision globale et pratique d'une stratégie permettant d'alléger les procédures administratives n'a encore été dégagée. Ceux qui se sont penchés de près sur la problématique de la pléthore des effectifs dans l'administration marocaine, ont dégagé un autre constat. Les fonctionnaires marocains, qui représentent à peine 2,3 pc des la population, ne sont pas plus nombreux que dans d'autres pays. Ils sont plutôt mal distribués sur les plans administratif et géographique. Leurs qualifications ne répondent pas toujours aux défis qui les confrontent et ils sont pour la plupart assignés à des taches exécutives, alors que les volets de la planification et de la création sont relégués au second plan. Ces fonctionnaires sont souvent assujettis à des statuts qui ne répondent plus au développement connu par l'administration publique. Leur évaluation est trop souvent basée sur des critères subjectifs en l'absence de mécanismes précis pour déterminer leur niveau de rendement, au moment où leur salaire de base ne représente qu'une faible part de leur traitement, constitué parfois à hauteur de 70 pc d'indemnités. Ces dernières, d'ailleurs, ont été vidées de leur portée d'outils de motivation en étant automatiquement intégrées au traitement normal des fonctionnaires. Les fonctionnaires de l'administration publique, en butte à toutes ces entraves, ne peuvent pour le moment entrevoir de possibilités sérieuses de perfectionnement à travers des programmes de formation continue et sont souvent condamnés à évoluer lentement sur la simple base de l'ancienneté, ce qui assombrit tout avenir. Voici donc quelques unes des tares de l'administration marocaine dégagées par les participants au colloque national sur la réforme administrative. Remédier à ces maux ou du moins favoriser les conditions de leur traitement, reviendrait à poser les véritables jalons d'une réforme administrative effective.