Interdire la musique, les festivals et toutes les activités touristiques et culturelles. Telles sont les dernières fatwas du dirigeant du Mouvement unicité et réforme (MUR) et idéologue du Parti de la justice et du développement (PJD), Ahmed Raïssouni. Décidément, on ne peut plus accuser le Parti de la justice et du développement (PJD) de ne pas avoir un programme politique. Cet argument que certaines formations progressistes utilisaient contre la formation islamiste est désormais caduc. C'est un programme qui se caractérise par sa simplicité et la facilité d'application et que l'on peut résumer en une phrase : "interdire toute ouverture sur le monde et se renfermer dans une carcasse archaïque". Certes, c'est un programme très concis, mais il est d'une très grande portée. Ainsi, il suffit de l'appliquer à n'importe quel sujet d'actualité politique économique, culturelle ou sociale pour trouver la solution, conformément aux idéaux du parti et de ses dirigeants. C'est pour cela, que les détails de ce programme sont dévoilés à fur et à mesure et selon l'humeur de ses idéologues. Dans sa dernière sortie médiatique, le secrétaire général du Mouvement unicité et réforme (MUR) et le premier idéologue du parti, Ahmed Raïssouni a rendu public un autre chapitre de ce programme. Il s'agit de la politique que sa formation adopterait en matière de promotion touristique et culturelle du pays. Pour lui, il est impératif d'interdire tous les festivals et tous les événements culturels ou artistiques qui sont organisés à travers le Maroc. Ces activités sont, selon lui, des actes sataniques qui ne font qu'encourager la dépravation et créer un terrain propice à la propagation de la débauche. Cette idée a été développée par Raïssouni dans un article d'opinion qu'il a publié, mardi dernier, dans le quotidien arabophone du MUR Attajdid (le renouveau) et dont il est le directeur de la publication. Dans cet article, Raïssouni a énuméré tous les festivals dont il demande l'interdiction pour être des occasions qui se prêtent à la débauche. "Les festivals de la musique et de la danse et ce qui s'y passe sont devenus un déluge qui ne laisse rien derrière : le festival des musiques sacrées de Fès, le "Tanjazz" de Tanger, le festival d'Essaouira de la musique du monde, les Gnaouwas, le printemps des alizés qui a aussi lieu à Essaouira, Mawazines organisé à Rabat et Salé, le festival international de Rabat, le festival d'Alayta à Safi, celui des Abidate Rma à Khouribga et Oued Zem… et ainsi de suite, d'Essaidia et Al Hoceima à Ifran, Agadir et Laâyoun, en passant par tous les lycées, toutes les universités et tous les instituts", précisait-il. Après cette énumération exhaustive de tous les festivals culturels organisés dans le pays, l'idéologue du PJD est passé à l'argumentation de sa fatwa. "De la musique partout, comme si le peuple marocain souffrait d'une famine musicale…de la musique dans la rue dans les instituts, sur les plages, dans la rue et dans les jardins…et qui dit musique dit toutes les pratiques modernistes et post-modernistes comme les boissons alcoolisées, la drogue, la danse, l'adultère, l'homosexualité et la perversion sexuelle et intellectuelle", précise le directeur d'Attajdid. Ainsi, M. Raïssouni voit dans la musique un grand danger qui menace la société marocaine et qui est en train de corrompre les mœurs de notre jeunesse. Aussi, donne-t-il l'exemple d'une activité organisée par l'un des arrondissements du conseil communal de la capitale. "J'ai devant moi une annonce qui a été dernièrement distribuée et affichée dans les établissements scolaires et universitaires et qui informe que l'arrondissement de Agdal-Riad organise une fête de musique et de danse avec la participation des étudiants et des élèves…ainsi l'on fait danser les étudiants dans les rues et les places publiques", dit le secrétaire général du MUR. Après ce développement, dans lequel il s'est attaqué à la source du problème à savoir la musique et les festivals, Raïssouni s'attaque à ceux qui, selon lui, encouragent la prolifération de la débauche dans le pays et qu'il regroupe sous la dénomination des "modernistes", comme si le modernisme était devenu un mal qu'il faut éradiquer. "Le mouvement du post-modernisme n'est pas uniquement dangereux pour le fait qu'il constitue un danger qui menace nos enfants et nos jeunes…mais sa véritable dangerosité est qu'il émane de l'existence d'organisations ayant des intérêts politiques, économiques et idéologiques et c'est pour cela qu'il y a des journaux, des associations, des écrivains et des chercheurs qui travaillent pour la diffusion de certaines idées comme le droit de disposer de son corps et le droit à la différence et s'attaquent à la marginalisation et le mépris que la société a pour les homosexuels", a conclu M. Raïssouni Cette nouvelle sortie médiatique entre dans le cadre d'une série de prises de positions que certains membres du PJD utilisent de temps en temps pour faire parler d'eux et s'ériger en tant qu'uniques défenseurs de la religion et des bonnes mœurs dans ce pays. Rappelons que le député Mustapha Ramid qui était jusqu'à, il y a quelque temps, le chef du groupe du PJD et son principal porte-parole, avait habitué l'opinion publique à des déclarations pareilles. Il y a deux ans, devant la Chambre des représentants, il avait appelé à la fermeture des centres culturels étrangers installés dans le pays. Une demande qui avait aussitôt fait le tour du monde. Interdire les boissons alcoolisées dans les hôtels, interdire la musique et les festivals, mettre fin à une tradition comme la fête annuelle des cerises, ne sont là que quelques exemples des interdits que le PJD compte instaurer s'il arrive au gouvernement. Les fatwas de M. Raïssouni seraient alors immédiatement transformées en textes de loi.