Entre les difficultés des partis à constituer leurs listes électorales et la violence politique de plus en plus inquiétante en Kabylie, l'Algérie aborde le scrutin local du 10 octobre prochain dans un climat d'extrême tension. La presse algérienne de ce lundi faisait un constat très alarmant des dernières violences survenues ce week-end en Kabylie. Les incendies des sièges locaux de partis, en particulier du Front des Forces Socialistes, et les affrontements entre manifestants et forces de l'ordre deviennent quotidiens dans une région à feu et à sang depuis la reprise du mouvement de contestation en mars dernier. D'importants heurts ont encore eu lieu samedi soir à El Kseur, dans la région de Béjaïa (260 km à l'est d'Alger). Des manifestants ont saccagé le siège du FFS, détériorant documents et mobilier, avant d'y mettre le feu et de se retrouver face à la police. S'en sont suivis des affrontements qui ont continué dans la journée de dimanche dans la ville et d'autres localités voisines. Et de telles violences ne sont pas les premières du genre en Kabylie. Elles ont commencé au lendemain de l'annonce par le FFS, le 27 août, de la participation de ses militants aux élections locales du 10 octobre. Une décision perçue comme un acte de trahison par les Kabyles qui pensaient que le parti de Hocine Aït Ahmed opterait pour le boycott et se joindrait au front anti-vote issu des législatives du 30 mai. Le FFS, de son côté, n'a pas hésité à déclarer que derrière ces violences, se cachaient les «conspirations» du pouvoir. Dans un entretien publié lundi par Le Matin, Khaled Tazaghart, secrétaire national de la jeunesse FFS, a expliqué que le régime actuel cherchait à «pousser la région au pourrissement et préparer une intervention musclée pour asseoir définitivement la dictature», ajoutant être «convaincu que les citoyens sont conscients du complot orchestré par les services contre (son) parti». Très implanté dans la région le FFS s'est en tout cas cette fois-ci démarqué de la Coordination des Aârouch, Dairas et Communes (CADC) et du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), fers de lance de la protestation kabyle. «Notre seul ennemi est le pouvoir», a d'ailleurs réaffirmé la CADC ce lundi dans les colonnes de la Tribune. Plusieurs de ses délégués, animateurs de plusieurs meetings dimanche, ont poursuivi leur campagne de rejet du scrutin. Belaïd Abrika, commune de Tizi-Ouzou, a par exemple déclaré : «Que le pouvoir sache qu'il est notre seul ennemi. Ce n'est pas tel ou tel parti politique». «Dans ce pays, il y a deux voies, celle juste et libre de notre mouvement et celle des autres alliés du pouvoir mafieux et assassin», a-t-il ajouté. Alors que la campagne électorale officielle ne sera lancée que dans quelques jours, le front anti-vote n'a donc pas dit son dernier mot. Et après le FFS, les actions du mouvement se sont aussi répercutées sur le Front de Libération Nationale d'Ali Benflis. Le parti du Premier ministre a enregistré pas moins d'une trentaine de retrait de candidats depuis les premières défections à Tizi-Ouzou, bastion de la coordination kabyle. Et, comme noté par le Matin, «telle une épidémie, la vague de désistements, a vite atteint d'autres localités» : Aït Khellili, Lboudrarène, Larbâa Nath Irathen, Bouzguène, Boudjima, Azazga… Des remous qui n'ont pas non plus épargné le RND d'Ahmed Ouyahia, grand perdant des législatives, et orphelin de dizaines de candidats à travers le pays. Si le FLN est aujourd'hui le parti le plus présent dans les 48 wilayas et les 1.541 communes concernées par le prochain scrutin, ces élections illustrent une fois de plus l'immense fracture créée entre les gouvernants et la population du pays.