La police algérienne a violemment réprimé, dimanche, les marches organisées dans plusieurs villes de Kabylie. Eclipsé par les derniers massacres intégristes, le mouvement citoyen n'en continue pas moins sa lutte. Les Kabyles avaient choisi dimanche, jour du Nouvel an berbère, Yennayer, pour organiser des «marches pacifiques» dans les différentes villes de la région. Des manifestations interdites par les autorités algériennes et qui se sont soldées par de lourds affrontements entre les contestataires et les forces de l'ordre. A Bejaïa, deuxième ville kabyle, la marche a par exemple, selon Le Matin de lundi, «été sévèrement réprimée par les brigades anti-émeutes» qui ont empêché son déroulement. Une «brutale interdiction» qui a entraîné des jets de pierre et l'arrestation des premiers manifestants -quinze personnes seront interpellées dans cette ville- par des policiers en civil. «Un jeune manifestant a été violemment roué de coups avant d'être embarqué sous les regards ahuris des curieux», précisait même le quotidien, insistant sur le caractère musclé de la répression policière. Après avoir largement usé d'une «salve» de bombes lacrymogènes, les CNS ont, toujours selon Le Matin, «traîné par terre et violemment tabassé» plusieurs émeutiers. Une «scène de barbarie (qui) a atteint son paroxysme lorsque 5 ou 6 CNS ont jeté par terre un manifestant en le tabassant à coups de matraque à même la tête». Ce même scénario s'est répété dans la plupart des autres villes, lesquelles ont parallèlement observé une grève générale inégalement suivie. A Tizi-Ouzou, les marcheurs ont temporairement déjoué les barrages sécuritaires avant de se retrouver face à la police qui, pour les disperser, a tiré dans leur direction des bombes lacrymogènes. Là encore, plusieurs manifestants ont été passés à tabac et l'un d'eux a été blessé à coup de baïonnette, selon Liberté de lundi. Le Jeune Indépendant est, pour sa part, revenu sur l'empêchement de la marche de Bouira. «Dès les premières heures de la matinée, la ville (...) a été quadrillée par un important dispositif sécuritaire». «Aux environs de midi, des délégués ont appelé les citoyens à regagner leurs localités respectives dans le calme, afin d'éviter tout affrontement avec les brigades anti-émeutes qui, comme d'habitude, avaient préparé l'arsenal de répression», ajoutait le quotidien. Largement suivi dans les trois wilayas kabyles, le mouvement protestataire de dimanche avait la même motivation que les précédentes actions lancées depuis mars 2002 : la satisfaction «pleine et entière» de la plate-forme de revendications d'El-Kseur. A cela s'est ajoutée la question de la libération des délégués de la Coordination des Aârouchs, Dairas et Communes (CADC), accusés d'avoir empêché le déroulement des deux derniers scrutins en Kabylie, les législatives du 30 mai et les élections locales du 10 octobre 2002. Certains sont détenus depuis des mois et ont entamé une grève de la faim pour protester contre leur arrestation «arbitraire». Trois d'entre eux ont encore été transférés dimanche vers des centres de soins. «Rachid Allouache, délégué du Aârch d'Aït Jennad» séjourne à l'hôpital de Tizi-Ouzou pour la seconde fois, aux côtés de deux autres représentants du mouvement, Allik Tahar et Chebheb Mouloud. Leurs compagnons entamaient ce lundi leur 42ème jour de grève de la faim même si nombre de ces délégués, dont la figure de proue du mouvement est Belaid Abrika, ont dû être ces derniers jours eux aussi hospitalisés. La dégradation de l'état de santé de ces détenus tout comme la sévère répression ordonnée par les autorités n'augurent en tout cas rien de bon pour la résolution de la question kabyle relancée par les événements du printemps 2001. Une question qui a par ailleurs été largement éclipsée par la récente déferlante intégriste et les opérations qui en ont découlé. Plusieurs journaux ont ainsi préféré revenir lundi sur l'élimination de seize islamistes armés ces derniers jours dans la région de Batna (430 km au sud-est d'Alger), au cours d'une vaste opération de ratissage. Celle-ci avait suivi l'embuscade qui a coûté la vie à 49 militaires le 4 janvier dernier. Elle s'était déjà soldée par la mort de trois islamistes armés, le 7 janvier, dans les mêmes maquis où est réfugié le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) d'Hassan Hattab. Dix islamistes armés avaient également été tués le 8 janvier lors d'un autre ratissage dans les monts d'El Ouancharis, dans la région de Relizane (300 km à l'ouest d'Alger) et trois, le lendemain, dans le maquis de Sidi Ali Bounab, près de Tizi-Ouzou.