Les autorités algériennes ont libéré plusieurs délégués kabyles du mouvement Aârouch. Un geste politique qui intervient après plusieurs appels au dialogue lancés par le nouveau chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia. Dix représentants du mouvement des Aârouch, la coordination des comités de villages de Kabylie, sont sortis lundi de prison, notamment à Tizi-Ouzou et Béjaïa. Si parmi eux, ne figurait pas le principal leader, Belaïd Abrika, lui et quelques autres délégués devaient également être libérés mardi, selon leurs avocats. Cette nouvelle stratégie politique enclenchée par le chef de gouvernement Ahmed Ouyahia devrait aussi concerner les neuf autres délégués de Béjaïa toujours en fuite. Alger les a en effet appelés lundi à rendre avant le 22 juin 2003 afin d'en bénéficier. Ces mesures, accueillies avec des scènes de joie par la population, rentrent dans le cadre d'une volonté de retour au dialogue entre le pouvoir et la Kabylie, qui a replongé dans un climat de quasi-insurrection en mars 2002. A l'approche des élections législatives organisées le 30 mai de cette année-là, suivies par le scrutin local du 10 octobre dernier, les mouvements kabyles avaient lancé plusieurs campagnes de boycott, et même empêché le déroulement du vote dans plusieurs localités. Depuis, les délégués n'ont cessé de réclamer la satisfaction de leurs revendications rassemblées dans la plate-forme d'El-Kseur, élaborée en juin 2001. Approchés par l'ancien chef de gouvernement, Ali Benflis, malgré les réticences du président Bouteflika, les Kabyles avaient jusque-là refusé tout retour au dialogue, conditionné à la libération de leurs délégués. Il y a une dizaine de jours, le successeur du Premier ministre limogé, avait effectué une nouvelle tentative devant l'assemblée algérienne, appelant au règlement de la crise en Kabylie. En réponse, les coordinations des Aârouch s'étaient réunies vendredi dernier. Elles avaient alors noté « une évolution dans le discours officiel, à travers la reconnaissance de la plate-forme d'El-Kseur comme solution à la crise et le statut d'interlocuteur unique au mouvement citoyen à travers ses délégués ». Les libérations des deux derniers jours ne pouvaient donc qu'être considérées comme des mesures concrètes d'apaisement. Le Matin soulignait toutefois mardi que celles-ci, provisoires, ont « concerné des détenus ayant purgé 8 mois de prison » mais «excluent sélectivement les délégués actifs du mouvement dont le sort reste encore inconnu». Même si le quotidien estimait que ce geste «tend à détendre l'atmosphère à la faveur de l'offre de dialogue du Chef du gouvernement», il a aussi relevé qu'il restait «en deçà de l'exigence du mouvement citoyen pour l'entame d'un véritable dialogue autour de la mise en oeuvre de la plate-forme d'El Kseur». La Tribune s'est, de son côté, demandée si la crise arrivait au «bout du tunnel», faisant part de sa surprise et de son scepticisme tout comme Liberté. «S'achemine-t-on vers la libération de tous les détenus du mouvement citoyen afin de ramener les structures des Aârouchs de Kabylie à accepter l'offre de dialogue de Ahmed Ouyahia ?», s'est interrogé le quotidien. Et si ce dialogue est entamé, arrivera-t-il à venir au bout d'une crise profonde relancée par les événements du Printemps noir 2001 ?