L'Espace éthique marocain a organisé samedi dernier une rencontre sous le thème : «Ethique et greffe». L'occasion de dévoiler les résultats d'une enquête sur la perception de la greffe d'organes dans notre société. ALM :Quel était l'objectif de cette rencontre ? Pr Amal Bourquia : Cette rencontre qui a réuni des experts français et marocains, des juristes, des sociologues, des écrivains et des journalistes a eu pour objectif de débattre des préoccupations éthiques que pose la greffe d'organes. On ne peut pas parler de greffe sans parler d'éthique. La greffe d'organes n'est pas un acte purement technique mais il a une dimension éthique. Par comparaison aux autres pays du monde, le Maroc est encore très en retard dans ce domaine. De 1990 à 2007, seulement 123 cas de greffes ont été réalisés au Maroc. Cette situation est due aux problèmes éthiques liés à la perception sociale du prélèvement et du don d'organes. Lorsqu'on pense à la greffe, cela implique de prendre en considération l'ensemble des enjeux de la société. Les greffes au Maroc ont débuté sans un véritable débat social et nous n'avions aucune idée de l'image qu'elle avait auprès de la population marocaine. Il est navrant de constater qu'il y a un manque d'information concernant les opérations de greffe. Il est aujourd'hui primordial d'informer les citoyens à ce sujet afin qu'ils puissent avoir une idée précise des enjeux et des arguments concernant les questions d'éthique de don et des greffes d'organes. Pour tenter d'élucider un certain nombre de questions et cerner la perception du don et de la greffe d'organes par les Marocains, nous avons réalisé un sondage d'opinion. Quels sont les principaux résultats de cette étude ? Cette étude qui a concerné 400 personnes choisies au hasard parmi la population de la wilaya du grand Casablanca et qui a été établi à partir d'un questionnaire préétabli, a permis non seulement de cerner la perception qu'ont les Marocains de la greffe mais aussi d'évaluer le degré d'acceptabilité de cette pratique et d'examiner les obstacles à cette pratique. Les résultats de ce sondage ont permis de montrer que 85% des personnes interrogées sont favorable à la transplantation d'organes bien que la plupart d'entre elles n'ont jamais abordé ce sujet lors d'une discussion (70,4%). Un faible pourcentage de l'échantillon interrogé ignore que les opérations de greffe rénale se pratiquaient au Maroc (19%). Nous avons pu constater que l'humanisme et les liens familiaux constituent les principaux facteurs qui poussent les citoyens à donner un rein. Nous avons également pu constater que le niveau d'instruction est un facteur déterminant pour le don d'organes. Plus la personne est instruite et informée et plus elle est favorable au don. Par ailleurs, les deux tiers de l'échantillon pensent que la greffe vise la guérison du malade et la prolongation de la durée de vie. Quels sont les obstacles à la pratique de la greffe au Maroc? Les obstacles sont nombreux. Ils sont essentiellement d'ordre social et financier. A travers le sondage qui a été élaboré, nous avons pu remarquer que les Marocains continuent à croire que la greffe d'organes est interdite par la religion. C'est pourquoi il faut que les responsables religieux abordent ce genre de questions dans le but d'aider les citoyens dans leurs réflexions. A ceci il faut aussi relever que certaines personnes sont défavorables à cette pratique en raison des risques liés à la technique et au manque de compétence. Les médecins ont aussi une part de responsabilité. Il faudrait qu'ils s'impliquent davantage afin de diffuser l'information qui continue à faire défaut. La communauté médicale marocaine ne bénéficie pas de formation spécifique à la faculté sur le don d'organes. L'étude a d'ailleurs démontré que les étudiants de 1 ère et de 5 ème année de médecine à la Faculté de Casablanca sont peu informés sur le don d'organes et souhaiteraient une formation spécifique. La prise en charge du malade demeure un réel problème au Maroc. Même si la greffe rénale est moins coûteuse que l'hémodialyse, c'est un traitement à vie. L'AMO ne prend en charge que 70% du traitement et les 30% sont à la charge du malade. La couverture médicale doit être à 100%. Il faudrait également intégrer la prise en charge du donneur, qui subit tous les frais à sa charge.