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haj : Les non-dits d'un business
Publié dans Challenge le 17 - 01 - 2009

Le pèlerinage est une épreuve non seulement spirituelle, mais aussi économique, matérielle, psychologique souvent éprouvante. C'est également tout un business qui s'organise rituellement et qui a ses règles et ses codes
Fin décembre 2008. La dernière vague de pèlerins investissait les salles d'arrivée des aéroports marocains. Tous comblés d'avoir accompli l'un des cinq piliers de l'Islam. Mais tous fatigués, malades et insatisfaits de la qualité de service à laquelle ils ont eu droit durant leur pèlerinage. Pourtant, en «bons musulmans», ils n'osent pas en parler en public. «Quoi qu'il arrive, il ne faut pas se plaindre afin que Dieu vous gratifie de sa récompense divine». C'est ce qu'on leur a inculqué à longueur de journée. Ce «on», ce sont les délégués du ministère des Habous et des Affaires islamiques, les agents de voyages et les Moutawwifines, généralement des Saoudiens. Pourtant, présenté sous la forme d'un argument religieux, ce message vise surtout à dissimuler des dépassements que les trois types d'acteurs commettent dans l'impunité la plus totale. Manipulés, les pèlerins sont forcés de prendre leur mal en patience, d'arborer un air enchanté et d'afficher un sourire, presque forcé …. On leur dit que le «Haj n'est pas un voyage organisé comme tous les autres où le client a le droit d'être exigeant même s'il a payé le prix fort» ! Même les plus lésés hésitent à monter au créneau pour dénoncer les abus commis sur place par des prestataires de service qui font la pluie et le beau temps. Les témoignages de ceux qui ont osé briser le tabou sont édifiants. On en retire plusieurs vérités qui tranchent net avec l'image que l'on peut se faire de cet eldorado d'un autre genre. Bref, le Haj n'est pas toujours ce lieu saint où les pratiques magouilleuses sont systématiquement bannies. Bien au contraire, la dureté des conditions de vie et la difficulté à honorer l'ensemble des pratiques rituelles donnent des idées pas toujours «catholiques».
Là-bas, tout est fonction d'interventions. Un pèlerin pistonné peut mener la belle vie même s'il n'a payé que les 35.700 DH équivalents au service minimal. «Il faut connaître les responsables de l'hébergement et du transport pour faire partie des mieux lotis, sinon, même un VIP mal informé peut être servi comme le commun des mortels», témoigne un pèlerin. Autrement dit, un pèlerin pistonné qui voyage en conditions économiques peut loger dans une chambre triple au lieu d'une chambre allouée à 6 personnes. Il peut aussi prolonger la durée de son séjour sans payer d'extras. Il peut en outre faire ses déplacements en voiture de service moyennant un petit bakchich au lieu des bus sinistres aux interminables allers-retours. Même à La Mecque, les dessous-de-table sont monnaie courante. On n'en parle pas, mais on les verse quand même pour obtenir quelques privilèges. Ils donnent accès à un traitement spécial en termes de logement, de transport mais aussi de proximité avec les lieux de culte… «Il y a des pèlerins logés tellement loin du Mont Arafa qu'ils n'arrivent pas à accomplir leur Haj, puisque le rite de la lapidation de Satan conditionne l'aboutissement du pèlerinage», explique un pèlerin. Et d'ajouter sur un ton ironique, «il faut être un champion d'athlétisme pour pouvoir parcourir les 7 Kms de route qui séparent parfois le campement de Minane du lieu de la lapidation, quand bien même les autocars sont bondés». Bref, sans les fameux bakchichs, la vie est très dure pour le commun des mortels. Les payer la rend beaucoup plus simple. Ils permettent même de pouvoir prendre l'avion directement de Médine sans faire escale à Jeddah, ce qui permet d'éviter 24h de grosse galère. En gros, les lieux de pèlerinage se transforment le temps de quelques semaines en une sorte de mini Maroc avec toutes ses contradictions, ses défauts et son aversion pour l'organisation. Aussi, que ce soit à Jeddah, Minane, Médine ou ailleurs, très peu de Marocains maîtrisent les rites parce qu'ils n'y ont pas été formés. Alors que dans d'autres contrées, la préparation des pèlerins peut prendre plusieurs mois et aboutit à l'obtention d'une sorte de permis de pèlerinage (voir encadré sur l'expérience malaisienne). Cela leur apprend aussi à mieux connaître leurs droits et leurs obligations et à s'épargner les mauvaises surprises. Car, des mauvaises surprises, nombreux sont les pèlerins marocains qui en ont fait l'expérience. Le périple de certains titulaires des visas de «moujamala» en donne un avant-goût.
Voilà un autre sujet qui fâche. Pour de nombreux intervenants sur ce créneau, il doit rester tabou, comme il l'a toujours été. Et pourtant, le business généré par les visas de complaisance se chiffre en centaines de millions de DH.
Les «harrrgas»
de «complaisance»
Chaque année, ce sont plus de 200MDH qui sont traités au noir et qui échappent à l'œil, qui se veut très vigilant, de l'administration du fisc. «Tout est payé en espèces pour qu'il n'y ait pas de traces, témoigne un pèlerin « Harrag ». Et d'ajouter, «nous sommes comme punis d'avoir accepter le visa accordé par l'ambassade d'Arabie saoudite. Des pèlerins pestiférés par le ministère des Habous qui n'a pas de contrôle à exercer sur eux en dépit de son rôle de fixateur des quotas». En effet, ce sont quelque 3000 visas qui sont accordés sous l'étiquette «moujamala» (littéralement complaisance). Aspirant à en tirer quelques privilèges, leurs titulaires se heurtent à une réalité toute autre. D'abord, officiellement, et puisqu'ils ne sont pas inclus dans les quotas officiels, ils n'ont pas la latitude de passer ni par les agences de voyages, ni via le ministère des Habous pour organiser leur pèlerinage. « Les pèlerins titulaires des visas «moujamala» partent à l'aventure. Ils ne disposent d'aucune garantie. Sur place, ils peuvent être livrés à eux-mêmes. L'agence avec laquelle ils ont traité peut les renier à tout moment pour ne pas subir les affres des contrôleurs du ministère de Tourisme », ajoute la même source. Parfois, ces «harragas» peuvent devenir des SDF proprement dits. «L'agence de voyage n'a aucune obligation écrite. Si elle n'est pas sérieuse, elle peut empocher l'argent sans réserver l'hôtel à son client». Un tas de problèmes qui conduit à une seule question: pourquoi tolérer que ce type de visa soit accordé puisqu'il n'est pas bien encadré? «C'est l'ambassade d'Arabie Saoudite qui en est l'instigatrice. Lui refuser cet endroit reviendrait à créer un grave incident diplomatique», explique une source proche du dossier. Du côté de cette chancellerie, on refuse catégoriquement de s'exprimer sur le sujet. «C'est une question très personnelle. Nous avons nos propres critères pour accorder les visas de «moujamala». Cela relève du droit privé», lance laconiquement un proche de l'ambassadeur saoudien. Même son de cloche auprès des responsables du ministère des Habous et des Affaires islamiques qui n'ont pas daigné répondre à nos questions. «Toute l'équipe qui s'occupe du Haj est en congé. Ils rentrent d'un voyage très fatigant et ont droit à une quinzaine de jours de repos», prétexte-t-on au sein du département d'Ahmed Taoufiq. On dirait que tout le monde s'est passé le mot pour passer sous silence ce dossier-là. Les agences de voyages ne font pas dans l'originalité. Leurs patrons, connus pour ne pas avoir leur langue dans leur poche pour pointer du doigt les procédés mis en place en matière d'allocation des quotas, jouent aux évasifs quand on les interpelle sur la question des visas des «moujamalas». «Pourquoi voulez-vous parler de ce sujet ? Il ne concerne que 3.000 personnes. Il y a tant d'autres sujets grand public auxquels vous devez vous intéressez», tente de nous persuader l'un d'entre eux. C'est que ces 3.000 personnes constituent du pain béni pour les agences de voyages qui se font payer au noir avec la complicité de tout le monde, y compris du ministère des Affaires islamiques qui tarde à mettre en place un cadre qui délimite l'ensemble des contours régissant les visas de complaisance.
Ces agences de voyages qui vivent du haj
Soit. Mais reconnaissons que le scepticisme est quasi-général quand il s'agit de parler de l'économie du Haj. Comme par mystère, les langues sont loin de se délier. Le dossier est sensible car l'activité de nombre d'agences se résume à l'organisation du Haj et de la Omra. Mais de là à ce que beaucoup de patrons d'agences de voyages contactées trouvent le moyen de ne pas répondre à nos questions, soi-disant parce que le pèlerinage vient à peine de se terminer, donne à réfléchir. Certes, la saison Haj 2008 vient de se terminer, mais ce qu'ils ne disent pas, c'est qu'ils ont d'ores et déjà commencé l'opération Haj 2009. En effet, à en croire une source proche du ministère du Tourisme, le dépôt des dossiers pour les agences de voyages débute dans moins de deux mois. «Elles préfèrent traiter en catimini », explique un voyagiste. Une chose est sûre, le Haj est bien la poule aux œufs d'or pour laquelle des agences se créent spécialement, et ferment juste après. La raison est claire : la majorité d'entre elles effectuent une bonne partie de leur chiffre d'affaires annuel grâce à cette opération. Avec un prix moyen de 35 000 DH, une agence moyenne qui bénéficie de 50 places engrange une recette de 1,75 million de DH. Selon certaines agences de voyages, la marge bénéficiaire serait équivalente à 30 % ou 35 % du chiffre d'affaires, soit près de 600 000 DH. L'opération Haj permet donc d'assurer la survie de nombre de petites agences, en couvrant l'essentiel de leurs charges annuelles. Pour les plus grandes agences qui ont diversifié leurs activités, le Haj est tout simplement la cerise sur le gâteau.
Ce business juteux aiguise de plus en plus l'appétit des agences de voyages. Regroupées au sein de la Fédération nationale des agences de voyages du Maroc (FNAVM), elles tiennent vaille que vaille à défendre leur part du gâteau. Ce n'est pas un hasard si celui qui sait négocier un grand quota annuel pour la corporation est considéré comme un bon Président de la FNAVM par les agences de voyages. L'actuel Président, Fouzi Zemrani, ne dira pas le contraire, lui que nombre de patrons d'agences de voyages rendent responsable de la baisse de leur quota. En effet, de 10 000 pèlerins à l'époque où le ministère attribuait les quotas d'office, la part des agences s'est établie en 2007 autour de 7 000 pèlerins, pour descendre en 2008 à 5 000. «Il s'avère urgent de reconsidérer le système des quotas qui menace la pérennité de nos agences», estime un voyagiste. Depuis, les agences ne sont pas restées les bras croisés. Elles ont commandé une étude prospective de libéralisation de l'opération pèlerinage au cabinet de consulting ACEP, qui servira de support à de nouvelles propositions pour l'organisation de l'opération Haj.
Sans surprise, cette étude part d'un constat : «avec le système d'organisation du Haj en vigueur depuis deux ans, système fondé sur l'attribution des quotas en fonction des inscriptions des candidats, la part des agences de voyages s'est réduite sérieusement». À ce rythme, les voyagistes estiment qu'ils seront hors course dans trois à quatre ans. Sauf que les agences de voyages marocaines, habituées depuis toujours à recevoir leur part du gâteau sans faire le moindre effort commercial pour ce qui concerne le Haj, n'ont pas anticipé cette évolution. Parallèlement, elles ne disent jamais qu'elles ont en plus de leur quota annuel deux importants marchés du Haj : les 3 000 candidats au pèlerinage titulaire des visas de complaisance octroyés par l'ambassade d'Arabie saoudite et les 2.000 VIP dont les frais sont entièrement pris en charge par le ministère des Habous (qui organise leur voyage en choisissant deux agences sur la base des résultats d'un appel d'offres), ou encore par certaines ambassades comme celle des Emirats arabes unis. Pourtant, les agences trouvent que le Haj est loin de constituer un business au Maroc. Selon le Cabinet ACEP, qui affirme avoir travaillé sans complaisance avec tous les acteurs dans le cadre de son enquête qui a duré trois mois et demi, l'Arabie saoudite a confié au secteur privé l'opération Haj dans une pure logique de rentabilité. À en croire les consultants de l'ACEP, l'objectif des autorités saoudiennes est d'accueillir 9 millions de pèlerins à l'horizon 2020 contre 2 millions actuellement. Pour cela, elles ont concocté un nouveau business plan avec des objectifs chiffrés qui confortent ce repositionnement. L'Arabie saoudite table désormais sur une hausse des dépenses de 18% par pèlerin pour les trois prochaines années. L'objectif, in fine, c'est de ramener cet apport à 10 % par an et par pèlerin. Ce faisant, les autorités du pays n'ont pas lésiné sur les moyens. Elles viennent de débloquer une enveloppe de 70 milliards de dollars pour l'agrandissement des mosquées sacrées, la construction de dizaines de résidences, des infrastructures (train, TGV, métro…), le réaménagement des villes saintes…
Sans aller jusqu'à remettre en question la gestion du Haj au Maroc, les consultants du cabinet ACEP se sont intéressés à ce qui se fait dans ce domaine dans une dizaine de pays, dont huit pays arabes ou musulmans (Malaisie, Jordanie, Egypte, Tunisie et Algérie, Pakistan, Syrie, Turquie), les deux pays non musulmans étant les Etats-Unis et la France (voir notre tableau). Parmi eux, il y a, évidemment, des pays pouvant servir de modèles en termes de meilleures pratiques. Ainsi, au niveau de tous les pays OCI (Organisation de la Conférence Islamique), on retrouve des modes de gouvernance intégrant des prestataires publics et privés, sauf dans le cas de la Jordanie où l'organisation du pèlerinage a été déléguée aux agences par le ministère des Affaires religieuses. Seulement, les agences de voyages qui veulent organiser l'opération Haj sont priées dès le départ de mettre une somme de 40.000 dollars (320.000 DH environ) à la disposition d'une commission tripartite composée des représentants de l'association des voyagistes et des deux ministères concernés, le tourisme et les affaires religieuses. La somme sert à payer les réservations d'hôtels et certaines prestations. Mais, en fonction du nombre de pèlerins drainés, l'agence de voyages récupère le reliquat ou est priée de verser une rallonge pour compléter le prix des prestations. Cet exemple, particulièrement, est recommandé par l'étude prospective pour tirer les agences marocaines vers le haut et opérer une certaine sélection. Mais ce choix va sans doute soulever des protestations, sachant que la majorité des agences marocaines ne disposent pas de fonds de roulement et attendent d'encaisser l'argent auprès du client avant d'en consacrer une partie pour payer les prestations.
Il ressort également de cette étude une deuxième recommandation, selon laquelle les futurs pèlerins devraient pouvoir aller s'inscrire directement dans les agences de voyages sans passer par l'arrondissement. Il faut dire que depuis la mise en place du nouveau système d'organisation du Haj, les voyagistes ne cessent de réclamer que les inscriptions soient faites simultanément dans les listes du ministère des Habous et celles des agences de voyages afin de laisser le choix aux pèlerins. Il ne faut pas se leurrer, les pèlerins préfèrent le service public garanti par l'Etat et dont le prix est maîtrisé.
Autre proposition des agences de voyages: elles souhaitent qu'il y ait un seul tirage au sort, indépendamment du choix de chacun de voyager avec une agence ou avec le ministère des Habous. Tout compte fait, l'objectif des agences de voyages est clair. À défaut d'une libéralisation du Haj, elles veulent décrocher une convention cadre sur trois ans impliquant les principaux intervenants publics et privés avec un minimum de 10.000 pèlerins par an, soit le quota d'avant 2007. Encore faudrait-il déjà que le comité stratégique du tourisme, qui devait examiner les propositions de la FNAVM (Fédération Nationale des Agences de Voyages du Maroc) en décembre dernier, passe à l'acte. Des questions qui ne touchent pas la sensibilité du citoyen Lambda, dont le seul souci est de faire son pèlerinage dans les meilleures conditions. Puisque la Malaisie a réussi le pari, pourquoi pas le Maroc ?
Repères
Taoufiq Hejira fait dans la simplicité
Cette année, le chef de la délégation officielle désignée par le souverain n'est pas un VIP comme les autres. C'est un fin politicien qui ne rate aucune occasion d'augmenter son capital sympathie. A la Mecque, Taoufiq Hejira, ministre de l'Habitat, a surpris à la fois par son accessibilité et sa simplicité. «C'est la première fois que je vois un chef de délégation pareil. Il était là à rassurer les gens et à les orienter parfois. Il prenait vraiment son rôle au sérieux», raconte un pèlerin. A Minane, ce lieu saint situé au milieu des montagnes, là où les hôtels de luxe cèdent la place à des campements montés au milieu de nulle part et où les pèlerins dorment les uns collés aux autres, cet istiqlalien s'est trouvé lui aussi une petite place sous les tentes et s'est armé de sa paire de chaussures en guise d'oreiller. Les quatre autres membres de la délégation officielle (un militaire, un ambassadeur, un gouverneur et un magistrat) n'avaient d'autres choix que de faire la même chose. Des VIP convertis le temps d'un pèlerinage en simples citoyens lambda. Des hajs tout simplement.
Le cauchemar
du surbooking
C'est comme s'ils provoquaient volontairement le surbooking des avions. C'est le cas de le dire vis-à-vis des titulaires des visas de complaisance octroyés par l'ambassade d'Arabie saoudite. Pour cette catégorie de pèlerins, au lieu de fixer leur date de retour, ils préfèrent laisser leur billet « ouvert ». Résultat des courses : ils se pointent à l'aéroport, espérant dénicher une place dans l'avion. En vain.
Le modèle malaisien
Le 2 juillet 1990, pas moins de 1.426 pèlerins, pour la plupart des Malaisiens, sont morts asphyxiés ou piétinés lors d'une panique survenue dans un tunnel reliant la Mecque à Mina. Une tragédie pour l'Arabie saoudite, pays d'accueil des pèlerins du monde entier, mais surtout pour la Malaisie, pays d'Asie souvent décrit comme un foyer d'islam modéré, tolérant, voire exemplaire. Depuis cette date de triste mémoire, plus aucune victime n'a été déplorée dans les rangs de la délégation envoyée chaque année par le gouvernement de Kuala Lampur. Aucune, en tout cas, hormis les inévitables cas de décès dus à l'âge ou à la maladie. Est-ce à dire que les Malaisiens se sont disciplinés davantage que les autres dans l'épreuve du Haj ? On est d'autant plus tenté de le croire que la quasi-totalité des témoignages formulés aussi bien par les pèlerins de tous bords que par les médias et les discours officiels abondent dans le même sens : il n'y a pas plus courtois, plus discipliné et plus zen qu'un pèlerin malaisien. Les hommes, bien sûr, mais les femmes encore plus. A cela, une raison toute simple. Ce peuple-là, contrairement à bien d'autres dans la grande Nation islamique, a développé un modèle quasi-unique, fondé à la fois sur l'ancrage religieux et sur les principes de la laïcité. Un mix que semblent bien intégrer les 30 millions d'âmes qui peuplent aujourd'hui la Malaisie. De fait, les fondements de l'exercice religieux sont respectés de tous parce qu'ils sont perçus comme une culture, une discipline de vie et une ligne de conduite morale avant de l'être comme une religion contraignante. Le pèlerinage est, par conséquent, vécu par les Malaisiens comme un rite de tolérance et de communion où, de bout de bout, l'esprit et le corps ne peuvent s'élever et se purifier en dehors de la bonne intelligence, de la tolérance, du respect mutuel et du pardon. Masochistes, les Malaisiens ? Sûrement pas. En tout cas, certainement pas plus que les Marocains, les Sénégalais ou les Iraniens. Mais ils ont ce merveilleux don d'inspirer le respect par leur propre respect, et de provoquer la sympathie communautaire par leur propre bienveillance naturelle. Cela ne se commande pas; c'est simplement le legs de ce qui s'enseigne dans les écoles et dans les foyers de ce lointain et exotique pays d'Extrême-Orient. Un enseignement institutionnalisé même par les pouvoirs publics qui organisent de véritables work-shops à l'attention des candidats pèlerins afin de leur rappeler - et non pas de leur apprendre, car ils le savent déjà – les règles de bienséance, d'humilité et de partage spirituel avec les autres membres de la communauté des pèlerins sur les Lieux Saints.
H.E.
Inscription sur les listes : Les agents de voyages victimes de leur image
Les 32 000 pèlerins que le Maroc est autorisé à envoyer chaque année sont libres d'opter dès l'inscription auprès de la délégation de leur quartier, pour le ministère des Habous ou une agence de voyages de leur choix. Au décompte final, seulement 27% du total des postulants avaient opté pour le produit «agences de voyages». Ce qui donna droit à un quota de 5 263 aux voyagistes. Les 26 737 restants s'orientèrent vers le ministère des Habous. Sur 167 agences présélectionnées, 98 ont été attributaires du quota. Vingt-sept d'entre elles se sont occupées du produit social (35.000 DH), soit un total de 1.993 pèlerins. Le produit standard (53.500 DH) est pris en charge par 45 agences avec un total de 2.070 pèlerins, alors que le produit premium (65.000 DH), avec ses 1.200 pèlerins, a été traité par 26 agences. Globalement, les inscriptions ont augmenté de 43,15% entre l'édition 2007 et celle de 2008. Le produit public, géré par le ministère des Habous, a enregistré une évolution de plus de 59,5%. Par contre, les inscriptions ont stagné pour le privé avec une légère baisse de 2%. La part des agences a chuté de 32% entre 2007 et 2008. A l'origine de cette baisse, les pèlerins qui préfèrent le service public garanti par l'Etat et dont le prix est maîtrisé. Même si beaucoup de professionnels appellent à un désengagement du ministère des Habous de la mission d'organisation des Haj au profit des agences spécialisées, beaucoup y voient la meilleure façon de maintenir une certaine démocratisation du pèlerinage.


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