Selon le dernier rapport de la CNUCED, les IDE mondiaux ont enregistré une forte baisse en 2008 (-22%), et il devraient encore chuter en 2009. Seulement, la région Med semble échapper partiellement à ce mouvement de grande ampleur. Voici les premiers résultats d'Anima sur les IDE réalisés en 2008. Les pays Med (1), dont le Maroc bien entendu, ont démontré une bonne résistance à la crise économique : la région a attiré 770 nouveaux projets, soit un recul d'à peine 7%. C'est donc plus au niveau du volume global des montants investis que l'impact de la crise s'est d'abord fait ressentir. En effet, selon les annonces enregistrées par ANIMA (2), seuls 40,6 milliards d'euros d'IDE ont été captés par les pays Med en 2008 (contre 61 milliards d'euros d'IDE reçus en 2007 et 68 milliards d'euros en 2006). Sur le terrain, la diminution des IDE se traduit par une révision à la baisse de nombreux projets, notamment automobiles (remise en cause de la participation de Nissan au projet d'usine automobile de Tanger Med aux côtés de Renault), quand il ne s'agit pas d'annulations pures et simples dans le secteur immobilier (annulation des projets d'Emaar Properties en Algérie, suspension des projets de Damac au Maroc, etc.). Le secteur de l'énergie a attiré 11,3 milliards d'euros d'IDE en 2008, soit pratiquement le double du montant enregistré en 2006. En 2008, l'entreprise pétrolière d'Azerbaïdjan Socar aura investi à elle seule 5 milliards de dollars en Turquie, nouvelle voie d'accès au pétrole du Caucase. La Libye et l'Egypte attirent ensemble 3,4 milliards d'euros d'IDE, principalement dans des concessions onshore et offshore. Longtemps privilégié par les investisseurs du Golfe, le secteur de l'immobilier recule fortement en 2008, ne représentant plus que 19% du montant total des IDE (soit une division par deux des montants investis : 7,6 milliards d'euros en 2008 contre 15,3 milliards d'euros en 2007). Malgré la raréfaction du crédit, plusieurs projets –souvent prestigieux– ont été maintenus, à l'instar du projet résidentiel du saoudien Snasco sur la corniche d'Oran (400 millions d'euros), ou encore des deux projets de Qatari Diar en Egypte, dont une tour de luxe au Caire (657 millions d'euros). Le secteur bancaire ne représente plus que 9% des IDE, suivi par la distribution (8,8%) et la chimie (7,5%). Avec seulement 76.000 nouveaux emplois directs créés en 2008 (un net recul par rapport aux 101.000 créations), plusieurs millions de jeunes actifs arrivent chaque année sur un marché du travail saturé. Au Maroc, la baisse des exportations dans le textile aurait entraîné la destruction d'environ 50 000 emplois en 2008... Les investisseurs du Golfe détrônés Le Maghreb (198 projets d'IDE, soit 20% du stock régional d'IDE en 2008) et le Machrek (266 projets soit 18% du total régional) sont en recul. En revanche, la Turquie et Israël se taillent la part du lion, attirant ensemble plus de 60% du stock des IDE régionaux (304 projets d'IDE à eux deux en 2008, dont 197 pour la seule Turquie). En Turquie, la libéralisation du secteur de l'énergie, intervenue en 2008, devrait permettre au pays de moderniser ses infrastructures électriques et de répondre à une demande intérieure croissante. Ainsi, Enerjisa, la joint-venture entre Sabanci et l'autrichien Verbund, investit 500 millions d'euros dans une centrale électrique au gaz à Bandirma, alors que le groupe d'électricité tchèque CEZ rachète 37,4% du local Akernerji. L'Egypte devrait voir son taux de croissance divisé par deux en 2009 (à 3,5%), alors que le pays connaît sa première phase de ralentissement économique depuis le lancement des réformes en 2004. L'impact de la crise dans le Golfe a également des conséquences directes en Egypte : en plus de la diminution des investissements dans l'immobilier égyptien, la baisse de l'activité dans les émirats frappe les travailleurs émigrés, qui transfèrent chaque année plusieurs milliards de dollars vers leur pays d'origine. Le pays a néanmoins attiré 102 projets en 2008, représentant au total 5 milliards d'euros. A noter, dans les infrastructures, la gestion et l'expansion du port de Ein Sokhna (Mer Rouge) confiées à DP World pour 1,3 milliard d'USD. Dans ce contexte, les années fastes (en partie alimentées par les pétromonarchies du Golfe, aujourd'hui acculées par la chute des cours du pétrole et la crise financière) semblent bien révolues. Une nouvelle géographie économique se met en place, dans laquelle l'Europe joue un rôle plus important. Talonnée ou dépassée par le Golfe ces dernières années, l'Europe retrouve en 2008 sa place de première région émettrice d'IDE vers les pays Med (41%), alors que les investisseurs du Golfe ne représentent plus que 17% des IDE émis vers la région Med. (1) Les pays Med : Algérie, Égypte, Israël, Jordanie, Liban, Maroc, Autorité Palestinienne, Syrie et Tunisie. (2) ANIMA Investment Network est une plate-forme multi pays pour le développement économique de la Méditerranée, rassemblant une quarantaine d'agences gouvernementales et de réseaux internationaux.