Moins de 2 mois à peine (le 8 juillet) après sa saisine par la Chambre des conseillers pour avis au sujet du projet de loi sur les établissements de crédit, l'institution présidée par Nizar Baraka a rendu sa copie. Et c'est peu dire que le Conseil ne s'est pas contenté de petites retouches et de rafistolages. Le projet de loi a été considérablement étoffé, si bien qu'il ne serait pas exagéré de parler de projet de loi «bis». Passage en revue des principales modifications. Le diagnostic de départ élaboré par le Conseil économique, social et environnemental est clair : le secteur financier marocain est arrivé à maturité et doit faire face à de nouveaux défis comme Bâle III, la dématérialisation des paiements, l'internationalisation des banques, l'avènement de Casablanca Finance City, ou encore les nouvelles lois concernant le blanchiment d'argent et les données personnelles. Face à l'importance de ces enjeux, le CESE a estimé nécessaire de densifier la loi 103.12 et de la rendre plus solide. Le Conseil a également entrepris d'en corriger les faiblesses et de colmater certaines brèches dans lesquelles quelques mauvaises pratiques peuvent s'engouffrer. Le diable ne se cache-t-il pas dans les détails ? Lever les ambiguïtés Pour éviter les confusions et les mauvaises interprétations qui risqueraient d'affaiblir le secteur bancaire en rognant sur les prérogatives de la Banque centrale, le CESE a jugé utile de lever certaines ambiguïtés inhérentes au texte initial. Aux yeux du Conseil, le projet de loi, dans sa première mouture, ne délimite pas assez le champ d'application du Conseil supérieur des oulémas (CSO) et celui de BAM. Ainsi, des recommandations relatives à l'approche de conformité des produits participatifs ont été émises ayant pour but «de clarifier le rôle et les prérogatives du CSO et son mode d'intervention dans le sens d'une approche clairement définie de partage des rôles entre le Conseil Supérieur et Bank Al-Maghrib». L'idée sous-jacente à cette approche est cousue de fil blanc : ne pas affaiblir, de quelque manière que ce soit, l'autorité de BAM. D'aucuns déplorent cet état de fait et parlent de frilosité, voire d'un manque d'audace qui ne favorisera pas l'essor des banques participatives, étant donné que celles-ci resteront toujours dans l'ombre des banques traditionnelles. Mais pour le CESE, l'articulation entre les deux institutions ne doit souffrir aucune polémique : le CSO avalise le produit participatif, BAM en assure le contrôle et le suivi. «Ce ne sont pas des contraintes, c'est normal», assure le CESE. Protéger le client L'avis du CESE pointe du doigt une autre faiblesse du projet de loi lorsqu'il déplore l'absence d'un chapitre dédié aux droits du consommateur. Les membres du Conseil ont vu juste, et ce n'est pas trahir un secret que de dire que les banques marocaines ont encore beaucoup de progrès à faire en termes de protection du client et de transparence. Aussi, le CESE a-t-il prôné l'introduction d'un chapitre distinct dédié à la protection du client qui fait référence et complète les dispositions de la loi 31-08 relative à la protection du consommateur, selon le principe du droit du client à l'information et à la transparence. Pas moins de 70 articles ont été consacrés à ce volet. Toujours au sujet de l'architecture de la loi, le CESE recommande l'introduction «d'un exposé des motifs et des objectifs de la loi» en guise de préambule. Sur le plan réglementaire et institutionnel, beaucoup d'améliorations ont été proposées afin de «favoriser la création d'un environnement intégré du système financier participatif» dans sa globalité. Le législateur est appelé notamment à légiférer sur l'assurance participative (Takaful), les instruments financiers liés à la finance islamique, et sur les pratiques d'investissements dans les marchés de capitaux. Dans le même ordre d'idées, le CESE, par la voix de la Commission permanente des affaires économiques, appelle à l'harmonisation «des textes législatifs et réglementaires régissant les organismes de régulation et de supervision» avec la loi 103-12 par le biais d'amendements. Sur le plan opérationnel, il plaide en faveur d'un régime prônant «la neutralité fiscale entre les deux parties». Pas de traitement de faveur donc ni pour les banques traditionnelles, ni pour les banques participatives. Celles-ci devront, en outre, adopter un référentiel comptable en adéquation avec les exigences de BAM en termes d'information financière et de reporting. Last but not least, le CESE précise qu'il est fondamental que la mise en place de ce projet de loi s'accompagne «d'une communication responsable autour des produits participatifs», et cela afin d'éviter toute concurrence déloyale. D'ailleurs, le terme «islamique» n'a pas été retenu, au grand dam de certains experts. Comme le dit un membre du CESE pour justifier cette décision, «il n'y a pas d'un côté des banques islamiques halal et de l'autre des banques non islamiques. Nous sommes tous musulmans». L'avis formulé par le CESE, qui se décline en 5 axes et 26 recommandations, a été adopté à la quasi-unanimité des votants lors de sa 41ème AGO. Les débats au Parlement peuvent dès lors reprendre. Reste à savoir si les députés suivront ces recommandations. Des objectifs (trop ?) ambitieux Mettre d'abord les choses en place, assurer une assise solide du secteur financier, et évoluer étape par étape : telle semble être la démarche prudente du CESE. Pourtant, les objectifs avoués n'en restent pas moins ambitieux puisqu'il s'agit ni plus ni moins de faire du Maroc le leader régional dans le domaine de la finance participative. Sur le plan national, les experts de la commission tablent sur une bancarisation qui atteindrait les deux tiers de la population en 2015.