* Les statistiques dévoilées du premier semestre 2009 montrent que le crédit à la consommation affiche un certain tassement. * Les principaux articles qui dérangent la profession dans le code de protection du consommateur sont les articles 91 et 145. * Le crédit de bureau est un chantier important qui verra bientôt le jour. * Lanalyse de Mostafa Melsa, délégué général de lAPSF. - Finances News Hebdo : Lannée 2008 a été globalement satisfaisante pour le secteur du crédit à la consommation, et ce malgré le contexte de crise. Quelles en sont les raisons sous-jacentes ? - Mostafa Melsa : A propos de la crise, on a entendu beaucoup dexplications, de diagnostics Vous savez, du moment que vous avez dans un pays une frange de la population qui a pris lhabitude de recourir aux crédits pour ses besoins domestiques, il est tout à fait normal, crise ou pas, quelle continue à le faire sauf vraisemblablement pour ceux qui ont perdu leur emploi. Ce qui na pas été le cas au Maroc, et ce bien quon ait assisté au ralentissement de certains secteurs voués à létranger. Les sociétés de crédit à la consommation accordent des crédits à des gens qui ont déjà des revenus et qui ont pris cette habitude de contracter des crédits. On ne compte pas moins de 1.400.000 dossiers, ce qui correspond à 1.200 000 clients qui sont là, bon an mal an. Je ne laisse pas entendre par là que le Maroc nest pas touché par la crise. Quon le veuille ou non, le Maroc est déjà touché à travers certains secteurs tournés vers létranger et qui ont vu leurs carnets de commandes se rétrécir. En parlant du crédit à la consommation, nous avons constaté, à la lumière des statistiques du premier semestre 2009, quil y a un tassement de lévolution, surtout au niveau du véhicule. Alors que jusquà présent, lévolution était à deux chiffres. Comme vous le savez, il y a la LOA qui avait pâti du passage du taux de la TVA de 10 à 20% à cause du renchérissement des loyers. Mais je peux dire que le marché sen est accommodé dans la mesure où les clients se sont rabattus sur le crédit classique. Mais là encore, le crédit classique sest un peu ralenti. - F. N. H. : Pourquoi à votre avis ? - M. M. : Parce que tout simplement les gens nachètent pas. Les ventes de véhicules neufs nont pas été aussi importantes que par le passé. Fait nouveau : on assiste à lachat de loccasion. Et doù vient cette occasion ? De nos compatriotes qui viennent avec leurs voitures et qui les vendent pour se faire un peu de pécule. - F. N. H. : Est-ce que lon ne peut pas lier tout cela à la crise ? - M. M. : Vous savez, chaque fois quil y a crise, on trouve des gens qui en profitent. Personnellement, en tant que professionnel et enseignant, je recommande aux gens de ne pas baisser les bras devant la crise. Parce que celle-ci ne va pas sinstaller indéfiniment. Il ne suffit pas, pour analyser une crise, de répéter ce que disent les autres en Occident ; au contraire, cest loccasion de faire notre propre diagnostic de manière objective et de procéder à des analyses beaucoup plus lucides et, pourquoi pas, balayer, nettoyer et redéployer - F. N. H. : Peut-on savoir quels sont les grands chantiers auxquels sest attelée lAPSF au cours du dernier exercice ? - M. M. : On a eu à travailler sur le projet du code de protection du consommateur. Ce code est bienvenu. Il est normal que dans un pays qui sachemine vers une civilisation de consommation, lon mette en place des textes pour instaurer lordre. Ce code pèche, toutefois, par certaines dispositions qui ne collent pas à notre contexte. Il y en a plusieurs, dont je ne citerai que deux. La première est larticle 91 qui permet au juge de suspendre le remboursement en cas de conflit ou de litige entre le client et le fournisseur du bien qui a été financé. A ce sujet, il est à noter que le code est inspiré du code français. Or, en France, il existe un lien organique entre la société de crédit et les concessionnaires. Ce qui nest pas le cas au Maroc. Ce qui est dusage ici, cest que la société de crédit peut faire bénéficier le client de sa relation privilégiée avec le concessionnaire. Nous, nous avons proposé soit de retirer cet article, soit de lajouter en cas de lien avéré de filiation entre les deux. Le deuxième article est le 145 qui supprime le billet à ordre. Nous avons lart, dans ce pays, de changer les équipes qui gagnent; dans le cas despèce, de supprimer les choses qui marchent ! Avec Bank Al-Maghrib, nous avons travaillé sur le crédit du bureau. Il sagit dun très grand chantier qui va chambouler le paysage bancaire marocain. Il va permettre aux établissements de crédit de connaître la situation globale de la personne souhaitant contracter un crédit. On parle de surendettement, mais il faut avouer que nous navons aucun critère qui mesure le surendettement dans ce pays. Un petit chantier, mais non des moindres, a trait à la radiation des bilans des sociétés de financement des créances en souffrance anciennes de 5 ans et plus. Ces créances en souffrance, totalement provisionnées, encombrent inutilement les bilans et gonflent exagérément le taux de sinistralité apparent des sociétés de financement. La démarche a été entreprise auprès de la Direction Générale des Impôts qui n'a pas dit non. - F. N. H. : Comment va se démarquer le crédit du bureau par rapport au SAAR ? - M. M. : Le SAAR est limité aux sociétés de financement et aux incidents de paiement, alors que le crédit de bureau contient et les incidents de remboursement et les engagements. Aussi, nest-il pas limité aux sociétés de financement, mais sétend aux banques et aux associations de micro-crédit. On peut dire que cest un outil plus global qui va permettre, enfin, d'apprécier le niveau d'endettement des ménages et des entreprises et maîtriser le risque pour les établissements de crédit. Lautre chantier important pour la profession est la nomination du médiateur, comme cest le cas pour les banques. A ce sujet, nous avons nommé M. Mohamed Tehraoui, ex-président de la section crédit-bail de lAPSF, homme très apprécié pour ses qualités professionnelles et humaines. - F. N. H. : Vous avez sollicité la présentation au public des opérations dassurance. Où en êtes-vous dans votre requête ? - M. M. : En rédigeant le code des assurances en 2002, la DAPS a parlé de banques au lieu détablissements de crédit. Alors quen même temps, il y avait le projet de la loi bancaire qui était en cours délaboration et qui stipulait : les établissements de crédit peuvent présenter au public des opérations dassurance. Lorsquon leur avait fait la remarque, cétait trop tard. En attendant -Allah yahdihoum- les sociétés de financement sont pénalisées injustement. - F. N. H. : Quelles sont vos attentes pour la Loi de Finances 2010 ? - M. M. : Nous navons pas encore le projet de Loi. Mais, selon la presse, il serait question de soumettre les acquisitions de biens financés en crédit-bail immobilier aux droits denregistrement lors de leur acquisition par la société de crédit-bail au lieu de les en acquitter au moment de la cession au preneur par la société de crédit-bail sur la base de ce prix de cession, comme cest le cas actuellement. Cette disposition, si elle elle était appliquée, pénaliserait lourdement ce mode de financement qui séduit de plus en plus les investisseurs, en particulier les PME/PMI. Pourquoi ne pas aligner le crédit bancaire et les produits alternatifs (Ijara, Mourabaha) sur la pratique actuelle ?