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Entretien : «Avec les agences, il est difficile de distinguer le bon grain de l'ivraie»
Publié dans Finances news le 15 - 04 - 2010

* A l'instar des précédentes crises, celle des subprimes a mis à mal les agences de notation.
* Les agences n'ont pas été sensibles à la dégradation des marchés et ont maintenu des produits financiers déficients, comme les subprimes, dans la tranche des bonnes notes.
* L'avenir de ces organismes n'est pas menacé dans l'immédiat vu la difficulté de mettre en place un système alternatif.
* La récente notation souveraine du Maroc tombe à point nommé puisque le pays est engagé, depuis quelques mois, dans une consultation pour une levée de fonds sur le marché financier avec les plus grandes banques d'affaires internationales.
* Entretien avec Djamila Chekrouni, professeur universitaire et membre du Centre Marocain de Conjoncture.
- Finances News Hebdo : A l'instar des crises précédentes (crise asiatique, affaire Enron…), celle des subprimes a remis en cause la crédibilité des agences de notation; quel sera, d'après-vous l'avenir de ces agences à l'aune de tels soubresauts?
- Djamila Chekrouni : Américains et Européens ont dénoncé la lenteur avec laquelle les agences de notation ont réagi à la crise du marché du crédit immobilier «subprime» convaincus, qu'ils ont été, de penser que le marché n'aurait jamais connu cet effondrement si la notation des actifs adossés au marché du crédit hypothécaire n'avait pas été si favorable. Les révisions à la baisse n'ont été entamées par les agences, à l'exemple de Moody's et Standard & Poor's, qu'au premier semestre de 2007, alors que les risques avaient été déjà pressentis par certaines banques à partir de l'été 2006. En réponse, les agences se sont immédiatement barricadées derrière l'excuse de ne représenter qu'une simple opinion exprimée selon les règles déontologiques de la liberté d'expression. Ce qui n'est pas totalement faux puisqu'aucun recours ni sanction ne sont possibles contre ces organismes, même si le système financier international les a implicitement érigés en arbitre.
- F.N.H. : Leur avenir n'est-il donc pas menacé ?
- Dj. Ch. : L'avenir de ces organismes n'est pas menacé dans l'immédiat vu la difficulté de mettre en place un système alternatif ayant obligation de résultat ou pour instaurer des règles de contrôle qui seraient respectées par tous les acteurs. En fait, le problème n'est pas au niveau des sources d'information, mais au niveau de l'absence d'une réelle volonté des décideurs à se mettre d'accord; c'est le cas notamment du G20, pour l'adoption d'une autre «boussole» plus maîtrisable et plus fiable dans le choix d'itinéraires sécurisés.
- F.N.H. : A la veille de leur déclaration en faillite, certains établissements financiers étaient considérés comme ne présentant aucun risque ; quelles sont, d'après-vous, les faiblesses de la notation financière et qui, d'une manière ou d'une autre, impactent le résultat du rating ?
- Dj. Ch. : Il faut dire ici que le système de notation est assez complexe et que les agences cultivent un flou où il est difficile parfois de distinguer le bon grain de l'ivraie. Elles ont souvent recours à une échelle unique de notation qu'elles appliquent à la fois aux produits dits structurés connus pour leur versatilité et aux produits à plus grande stabilité comme les produits obligataires. Par ailleurs, les agences n'ont pas été sensibles à la dégradation des marchés et ont maintenu des produits financiers déficients, comme les subprimes, dans la tranche des bonnes notes.
C'est pourquoi, bien qu'échaudés par les manifestations de la crise, enclenchée en 2006, les régulateurs financiers n'ont pas mesuré la gravité des risques liés aux méthodes et modèles toujours utilisés par les agences de notation. C'est pour cela que l'amplification de la crise financière en 2008, et son intensification par une crise économique toujours latente, a surpris plus d'un établissement financier et a donné lieu à des faillites spectaculaires tout en remettant en cause le système de notation.
- F.N.H. : Justement, est-ce que cette remise en cause de la notation ne risque-t-elle pas d'influencer les centres de décision, essentiellement en ce qui concerne la notation souveraine ?
- Dj. Ch. : Il est évident que les centres de décision se trouvent piégés par un système qui les a pris en otage et c'est d'autant plus grave quand il est question de la notation souveraine. Dans le risque «souverain», la notation s'applique à l'ensemble du pays et détermine les conditions de pilotage de la dette de celui-ci sur les marchés internationaux. Pour saisir l'impact de la remise en cause de ce système de notation, il faut d'abord comprendre que sa prévalence à l'échelle mondiale est une sorte de prise en otage de l'ensemble de l'économie du pays. Certains n'ont pas hésité à parler de chantage quand Moody's, rejoint en cela par Standard & Poors, a réclamé une «commission-rançon» aux pays souverains pour établir une notation concertée, à défaut l'agence publierait librement la note qu'elle aurait établie.
Cette situation est d'autant plus grave que le risque souverain d'un pays est défini comme un seuil plafond pour les entreprises et institutions financières en activité dans ce même pays, quelle que puisse être sa performance intrinsèque. Dès lors, on comprend que la remise en cause du système de notation des agences ne porte pas à conséquence, surtout pour les pays émergents, tant le piège est bien scellé. D'autant plus que cela permet aux pays développés, notamment les Etats-Unis et certains pays européens (France, Allemagne…), de verrouiller le système à leur avantage et à celui de leurs institutions.
- F.N.H. : Standard & Poor's a rehaussé, le 23 mars 2010, la note du Maroc du crédit souverain de la dette à long terme en devises de «BB+» à «BBB-» et de la dette en monnaie locale à long terme de «BBB» à «BBB+» avec des perspectives stables. Quelle appréciation faites-vous de cette notation face à tout ce que vous avez pu conclure ?
- Dj. Ch. : Effectivement, le Maroc a reçu comme une bonne nouvelle le relèvement de la note du crédit souverain de la dette attribuée par Standard & Poor's et qui lui permet d'accéder à la catégorie d'Investment grade. L'amélioration de la note est remarquable tant pour le terme (court ou long) que pour le type de libellé de la dette (devises ou monnaie locale).
Le département des Finances n'a pas tardé à communiquer autour de cette appréciation qualitative qu'il attribue à la stabilité politique et à la réduction de la dette publique au cours de la dernière décennie. En effet, cette reconsidération de la situation du crédit du Royaume est une reconnaissance des retombées positives d'un certain nombre de réformes engagées par le Maroc, s'agissant notamment de la rationalisation de la gestion budgétaire. Elle tombe à point nommé puisque le Maroc est engagé, depuis quelques mois, dans une consultation pour une levée de fonds sur le marché financier avec les plus grandes banques d'affaires internationales. Cela lui permettra de négocier en situation confortable et à des taux d'intérêt plus raisonnables, du fait de la baisse de la prime de risque. Et comme on peut le constater et au-delà de toutes les critiques qu'on peut adresser au système de notation des agences, cela n'altère que modérément les réactions des décideurs et acteurs du marché financier.
- F.N.H. : Mais cela n'empêche que ces agences restent sujettes à amélioration. Quels types de réformes doivent-elles adopter dans les prochaines années afin de rétablir la confiance dans leurs services ?
- Dj. Ch. : Les réformes envisageables doivent, pour prétendre à une meilleure efficacité, répondre aux principales critiques évoquées dans cet entretien, s'agissant particulièrement d'améliorer qualitativement le système d'information statistique pour être à même de mieux apprécier les produits structurés dans une large transparence qui permettrait un comparatif entre les notations des différentes sources. Techniquement, un effort doit être fait pour dissocier la notation des produits structurés de celle des titres d'entreprises en adoptant des échelles d'évaluation distinctes et en discriminant par genre de titre les risques à prendre en compte. Enfin, il est primordial de lever le conflit d'intérêt entre la mission de conseil et le rôle d'évaluateur exercé par une même agence sur un même titre.
- F.N.H. : Sur le plan méthodologique, en tant qu'économiste, que reprochez-vous exactement aux agences de notation ?
- Dj. Ch. : Effectivement, la méthodologie adoptée par ces agences de notation souffre de quelques imperfections. Pour ne retenir que la plus grave nous concernant, on notera que les modèles utilisés ne sont pas toujours adaptés aux pays du tiers-monde. Il n'y a pas de modèles propres à ces pays et l'analyse de leurs économies ou marchés financiers n'est qu'une simple transposition, sans précaution, des considérations qui prévalent dans les pays développés.
Par ailleurs, contrairement aux méthodologies de la notation corporate qui ont évolué pour tenir compte des résultats opérationnels, du service de la dette, du profil du secteur d'activité et de la stratégie du management, les critères pris en compte dans la notation des États et des entreprises dans les méthodologies de la notation souveraine, n'ont que peu évolué depuis la crise de 1929.On se réfère aux mêmes variables pour mettre en jeu le ratio de la dette rapportée aux exportations, aux recettes budgétaires ou/et au PIB par habitant. On interrogera de la même façon, l'historique des défauts de paiement ou l'indicateur de la stabilité des institutions politiques. Toujours est-il que quelles que soient les critiques formulées à l'égard des agences de notation, elles restent, en l'absence d'une veille, plus indépendantes et plus soucieuses des intérêts des acteurs en présence et particulièrement des pays émergents, la seule source consultable et utilisable par les décideurs sur le marché international.
- F.N.H. : Le Doing Business 2010 a montré que le Maroc reste mal placé sur le plan global. Jusqu'à quel degré peut-on craindre un tel classement?
- Dj. Ch. : Le classement Doing Business situe effectivement le Maroc dans un niveau peu avantageux (130 en 2009 et 128 en 2010). Trois facteurs majeurs sont responsables de ce mauvais positionnement, en l'occurrence les procédures inhérentes à la protection des investisseurs, le paiement des impôts et l'embauche des travailleurs.
Faut-il craindre cette situation et accélérer les réformes pour améliorer ce classement ?
En fait, il faut savoir que la notation Doing Business est en faveur d'une option ultralibérale, pas toujours applicable, même dans les pays les plus capitalistes. En effet, pour bénéficier d'une bonne note sur l'embauche, par exemple, il faut procéder à un véritable démantèlement du marché du travail pour lever ce qui est considéré comme restriction pour faciliter le licenciement, réduire les primes pour le travail de nuit et des jours fériés et aligner le salaire minimum sur le seuil de pauvreté... Par ailleurs, il faut savoir que la méthodologie utilisée est fort restrictive et statistiquement non représentative. En effet, la démarche est limitée aux entreprises de la capitale économique et ne prend donc pas en considération les avantages et encouragements accordés dans d'autres régions (cas de Tanger) ou d'autres espaces (cas des zones franches). De plus, l'observation est faite pour un type particulier d'entreprise (SARL) de moins de
60 employés, qui ne peut cristalliser l'ensemble des problèmes rencontrés par les entreprises à l'échelle nationale... C'est pour cela que si une inquiétude peut être observée à l'égard d'un mauvais classement DB, elle doit-être relativisée et donner lieu à une lecture sélective pour identifier précisément les étapes et les délais à reconsidérer dans les procédures à suivre par l'investisseur.


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