La paranoïa est-elle devenue plus contagieuse que le Coronavirus? En provenance de Wuhan, le virus continue de se propager dans le monde et répand avec lui comme un sentiment de psychose qui se transforme en rejet d'une société asiatique, peu importe d'où elle vient. Un constat qui soulève de nombreuses questions sur le traitement de cette maladie au niveau humain et sociétal. Le coronavirus a provoqué une inquiétude dans le monde entier, avec plus de 20 pays qui ont enregistré des cas de cette maladie pour laquelle il n'y a pas d'autre traitement que contre les symptômes. En Chine, plus de 900 décès et 40 000 contaminations ont été enregistrées à ce jour. Avec la maladie et ses conséquences s'accompagne une vague d'inquiétudes et de comportements défensifs qui ont gagné de nombreux pays dont la France, l'Egypte, l'Espagne ou encore le Maroc pour ne citer qu'eux. Au Maroc, pas de cas signalé, mais beaucoup d'appréhensions Aucun cas d'infection au coronavirus n'a été enregistré jusqu'à présent au Maroc, a indiqué en début de semaine le ministre d'Etat chargé des droits de l'Homme et des relations avec le Parlement, Mustapha Ramid. Bien que le Maroc se dit bien outillé pour « gérer » le coronavirus, selon l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), cela n'empêche pas ses habitants d'être pris par un sentiment de panique. Certains d'entre eux changement de trottoir quand il voient une personne d'origine asiatique, sans pour autant connaître son identité exacte. Dans la rédaction de Hespress FR, sur 20 employés interrogés, 2 seulement ont avoué changer de direction ou refuser de s'asseoir dans les transports publics en présence d'un asiatique. Pour les 18 autres, tant qu'il n y a pas de cas signalé, il n'est pas nécessaire de prendre ce genre de mesures. Cependant, c'est un autre son de cloche pour nombreux marocains notamment les chauffeurs de taxi. Interrogé par Hespress FR, un chauffeur de taxi bleu à Rabat a affirmé qu'il ne s'arrêtait plus les personnes d'origines asiatiques depuis qu'il a été informé du virus. « Même si je ne fais pas la différence entre chinois, japonais ou encore coréen, pour ma propre sécurité je ne ferai pas monter une personne d'origine asiatique, sait-on jamais. On a entendu tellement de cas de décès à cause de cette maladie que je ne peux pas prendre de risque », a-t-il expliqué. En France comme ailleurs, la communauté chinoise lutte contre les préjugés Alors que l'épidémie de coronavirus continue de se propager en Chine et dans plusieurs pays du monde, elle répand avec elle un sentiment de rejet des Asiatiques, et parmi eux, les Chinois. « Nos produits chinois sont fabriqués en France », cette phrase sortie tout droit d'un magasin du pays a choqué plus d'un. Des incidents racistes et des insultes ont été signalés depuis la cour de récréation de l'école vers les supermarchés, selon Laetitia Chhiv, qui dirige une association pour les jeunes d'origine chinoise. « Nous avons eu une étudiante d'origine chinoise à Strasbourg qui a été criée par une femme qui lui a dit de ne pas toucher aux avocats qu'elle voulait acheter« , a déclaré Chhiv. « C'était après qu'elle lui ait demandé d'où il venait et s'il avait le virus ». Face à l'adversité, les réseaux sociaux sont les outils les plus utilisés pour contrer les stéréotypes de ce genre. En France, la communauté chinoise, régulièrement visé n'a pas tardé à contre-attaquer avec un hashtag devenu viral #JeNeSuisPasUnVirus. En récupérant mes enfants tout à l'heure à la garderie. Ma petite Marie: "Maman, personne ne voulait jouer aujourd'hui avec Anh, parce qu'elle a le virus là et elle a donc pleuré mais moi, c'est mon amie, je suis restée avec elle." Pauvre petite puce.? #JeNeSuisPasUnVirus ? — Cha cha ? (@Cha_Cha_mimi) February 4, 2020 Cette nouvelle épidémie a incité le Courrier Picard, un journal régional français, à publier – et à s'excuser plus tard – des articles intitulés « Alerte jaune» et « Nouveau péril jaune ». Des citoyens français d'origine asiatique ont posté des photos d'eux-mêmes sur les réseaux sociaux brandissant des pancartes indiquant «Je ne suis pas un virus», et ont utilisé la même phrase en réponse à des informations faisant état de dérapages aux bords racistes. Soutenons la communauté asiatique n'importe où à travers le monde avec l"hashtag #JeNeSuisPasUnVirus .Avec l'arrivée du coronavirus,la communauté asiatique se dit victime d'une forme de « racisme ordinaire ».We are the one .#NonALaDiscrimination.#JeNeSuisPasUnVirus pic.twitter.com/LlHStoIJiG — Stevenson JEAN-LOUIS (@JeanloLOUIS) February 2, 2020 Restaurants, entre refus de servir et refus d'être servis Dans un quartier du sud-est de Paris connu comme le lieu incontournable de la cuisine asiatique, les affaires sont en baisse au restaurant vietnamien de Pascal Corlier, un effet secondaire de la peur, ce qui a déclenché la panique et une augmentation des incidents du genre. Certains clients nerveux ont commencé à demander au personnel d'attente s'ils sont chinois, selon Corlier, dont le beau-père vietnamien dirige la cuisine et sert des plats traditionnels. »Il y a une sorte de psychose non fondée dans la communauté asiatique et la nourriture asiatique », a déclaré le restaurateur, ajoutant que ses revenus avaient baissé de 40% pour les premières semaines de 2020 par rapport à la même période il y a un an. Du côté de Prague ce n'est pas mieux. En effet, un restaurant vietnamien a interdit d'entrée les clients chinois, sous prétexte de protéger la « santé publique » à la suite de l'épidémie de coronavirus, provoquant une vague de critiques ce jeudi 6 février. « Pour protéger la santé publique, le restaurant n'acceptera pas temporairement les clients chinois », déclarait une affichette accrochée à la porte de l'établissement, selon une photo publiée sur la page The Prague Geezer sur Facebook. « Merci de votre compréhension », a ajouté le restaurant sur cette annonce. Une épidémie qui en rappelle une autre L'atmosphère actuelle fait écho à une précédente épidémie. En 2002, un autre coronavirus est apparu dans la province chinoise du Guangdong: le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS). Il a tué près de 800 personnes dans le monde. Les responsables de la santé publique ne savent toujours pas comment le virus a émergé. Cependant, ce dernier a créé un modèle pour semer la peur et le rejet, comme ce qui est le cas pour bon nombre des publications incriminées sur le coronavirus au cours des dernières semaines. Avec l'avènement des médias sociaux, la propagation de la désinformation , des stéréotypes raciaux et de la peur peut être exacerbée pendant les périodes d'urgence publique.