«Jusqu'où ira El Gahs ?», se demandait LGM en octobre 2005. Cinq mois seulement après la tenue du septième congres de l'USFP, le parti de Abderrahim Bouabid avait connu les premiers syndromes d'une énième «crise», menée cette fois par un poulain de Mohamed Elyazghi. Retour sur un malaise presque cyclique ! Etait-ce le signe d'une tempête qui allait éclater dans le ciel du parti socialiste marocain ? Une semaine, jour pour jour, avant de présenter sa démission du bureau politique, Mohamed El Gahs suivait les discussions au sein de la plus haute instance exécutive de l'USFP dans un silence religieux. L'objet des débats était pourtant censé l'intéresser à un haut niveau : les remous qu'a connus le dernier congrès de la Jeunesse Ittihadia, dont il est réputé avoir des affinités avec certains de ses cadres. Ce jour-là, le bureau politique avait gelé l'activité du meneur des réfractaires de la Jeunesse, Mustapha Sayyab, dans l'attente de se référer au conseil national pour statuer sur son cas. C'était le mardi 30 janvier. Une semaine plus tard, une lettre très lapidaire tombe via le Fax entre les mains du Premier secrétaire du parti, Mohamed Elyazghi. Celui là même qui était, de toujours, le mentor du jeune démissionnaire : «il m'est très pénible de présenter ma démission du bureau politique», indique El Gahs. Motif évoqué : «des raisons personnelles». Faut-il le prendre à la lettre ? Loin s'en faut. En attendant, la discussion sur le sujet, ne fait pas long feu au sein du bureau politique. Bien que «les positions à ce propos ont été diamétralement opposées, note un membre du bureau politique qui a requis l'anonymat, on s'est mis d'accord sur le refus de la démission et de s'employer à persuader Mohamed El Gahs de revenir sur sa décision». Une tâche assénée au Premier secrétaire du parti qui finira effectivement par le contacter «sans grand succès jusqu'à présent», note un proche membre du conseil national. Fait remarquable cependant : Abdelouahed Radi, d'habitude discret, a fait savoir que les contacts avec Mohamed El Gahs ne sont l'apanage de personne au sein du bureau politique. Façon de minimiser la portée de la démission ou au contraire une manière de dire que le «dossier» n'est nullement du ressort de Mohamed Elyazghi, que les amis de El Gahs accusent d'être le parrain de ceux qui veulent les terrasser, c'est-à-dire les «seconds couteaux», comme on appelle désormais Driss Lachgar et Mohammed Boubekri, tous les deux membres du bureau politique. Le pourquoi du comment ? Pour les amis de Mohamed El Gahs, la démission est le «signe d'un ras-le-bol contre un climat devenu invivable» et ce depuis le 7ème congrès du parti tenu en juin 2005. A l'époque, le jeune quadra est sorti en tête d'affiche. Couronné star des assises, il vole haut et loin. Légitime disent ses amis, «la victoire lui monte à la tête», commentent les autres. Retour en arrière. S'ensuit une grande et immense zone de turbulence. Nous sommes au début du mois d'octobre 2005, le secrétaire d'Etat à la Jeunesse fait plus de trois sorties médiatiques, l'une plus iconoclaste que les autres. «En fait, croit savoir ce membre du conseil national, ses premiers vrais messages, il les a envoyés via Tel Quel». Du portrait que lui a brossé l'hebdomadaire de MRB, on retient surtout une phrase assassine où un de ses proches déclare sans ambages que «Mohamed Elyazghi manque de courage politique». En dépit de tous les efforts de ce dernier pour calmer les esprits, le malaise s'installe. Celui de Mohamed El Gahs, d'abord. Il le fait savoir, «convivialement» le jour où il se met «à table» avec le Journal. Une nouvelle pierre dans la mare : «Il y a des vieux qui s'accrochent, et j'en suis fatigué», confie-t-il. L'impardonnable est à venir : «l'USFP n'est pas mon mouvement !». Un aveu précoce qui aurait dû être pris au sérieux ? Une chose est sûre, Mohammed El Gahs est déjà sur le départ. Un signe parmi d'autres : son staff a déjà quitté le navire de «libération», l'organe du parti à la destinée duquel il a présidé pendant plus d'une décennie ! Après, les choses s'emballent pour devenir encore plus claires. On l'avait déjà écrit noir sur blanc dans LGM en ces termes : Dépoussiérant une contribution qu'il a présentée lors des préparatifs pour le 7ème congrès, El Gahs publie «un manifeste» pour «une nouvelle école socialiste». Pas moins. ! Etait-ce une manière de mettre en cause tous les rapports, motions et autres plates-formes adoptés au cours des assises ? Quoi qu'il en soit, le manifeste est repris simultanément par «Libération» dont El Gahs n'est plus directeur de rédaction et… Al Ittihad Al Ichtiraki. Un ping-pong, dont on retient l'essentiel : déjà vêtu d'une étoffe de «leader», El Gahs joue avec son mentor. Il est donc un sacré adversaire présumé. Pour preuve : ce jour même, un édito signé «la rédaction», fait acte d'un départ collectif. «Clause de conscience», le titre de l'édito évoque surtout le «stalinisme» de la hiérarchie et la fin d'une aventure humaine. Point d'orgue. Le dernier édito des amis d'El Gahs est publié à l'insu du directeur, Elyazghi en personne. «En fait, il fallait y voir un manifeste du prochain courant qui allait se déclarer au sein du parti», note un journaliste de «libé». Allusion faite, ici, au «nouveau parti socialiste» adopté par une minorité seulement au sein des instances du parti! Nouvelle école, ou nouveau parti, l'essentiel, c'est «que je ne me retrouve pas dans l'USFP», déclare El Gahs. Rupture consommée ? Pour l'heure, «les tractations» ne font pas rage, et le Parti fait motus et bouche cousue. Un signe parmi d'autres : le communiqué hebdomadaire de la direction est resté muet sur la démission. Pour un parti qui en a vu de toutes les couleurs, le pire est de saper le moral des troupes à quelques encablures des échéances 2007. D'ici là, comment la direction du parti va gérer ce rififi ? Et c'est là la grande question.