Les congrès des partis politiques ne concernent pas uniquement les congressistes et autres militants. Ils concernent tous les Marocains. Une classe politique qui ne s'impose pas une éthique ne peut être digne des électeurs que nous sommes. Aussi, le congrès du RNI interpelle-t-il notre vigilance de citoyens. Si ce congrès devait trahir les espérances de rénovation et de rajeunissement, il contribuerait à perpétuer le désaveu de la classe politique par les citoyens. Plus que tout autre mal chronique, c'est la gérontocratie qui guette ce parti né il y a trente ans, précisément pour endiguer le vieillissement du paysage politique. Focus. Au lendemain de la Marche verte qui vit la réconciliation du Palais et des forces politiques historiques, feu Hassan II annonça la naissance de ce qu'il appela « le Maroc nouveau ». Le message était on ne peut plus clair : Ahmed Osman, alors Premier ministre, présida à la création du Rassemblement national des indépendants (RNI). Il aura fallu trente ans pour convaincre Osman de libérer la présidence du Rassemblement. Et voilà que Mustapha Oukacha, qui fêtera ses 80 printemps dans une douzaine de semestres, s'apprête à «s'approprier » un parti qui compte tant de jeunes élus dans ses rangs. Armateur, agriculteur et entrepreneur en BTP, Oukacha a été pendant 24 ans président d'une commune rurale dans la province de Benslimane, président de la Chambre d'agriculture de Casablanca-Settat-Benslimane (6 ans), président de l'assemblée préfectorale de Benslimane (8 ans), député de la province de Settat (5 ans). Il a été élu premier vice-président de la Chambre des conseillers. En octobre 2000, M. Oukacha se fera élire Président de la Chambre des conseillers, poste qu'il conservera à ce jour. M. Oukacha a, par ailleurs, fondé l'association professionnelle des armateurs de la pêche hauturière dont il a assuré la présidence pendant onze années. Il a été aussi vice-président de la CGEM (1990), membre du Conseil national du patronat marocain (1996), vice-président de l'Association Carrières Centrales, et membre ou président d'autres instances. Ce n'est pas de la gourmandise carriériste. Nous sommes en face d'une terrifiante boulimie. Comment un homme de près de 75 ans, peut-il prétendre présider aux destinées d'un grand parti politique, parallèlement à tant de mandats et de fonctions ? Un homme de sérail basriste si surbooké et qui n'a jamais bien géré que ses propres affaires, peut-il véritablement s'investir dans le pacte modernitaire conclu entre le Roi Mohammed VI et le peuple marocain? On ne trouve nulle trace d'excellence managériale ministérielle dans le CV de ce notable madkouri. Face à lui, dans la compétition qui s'annonce si féroce, Mustapha Mansouri peut légitimement afficher un parcours gouvernemental et électif sans faute. Ce docteur d'Etat en économie, a occupé des postes ministériels stratégiques, tout en assurant des mandats électifs dans des circonscriptions connues pour leur extrême sensibilité socioéconomique et ethnoculturelle. Il a été, en effet, ministre du transport et de la marine marchande (14 mars 1998 au 6 septembre 2000), puis ministre de l'industrie, du Commerce, de l'énergie et des Mines ( 6 septembre 2000 au 7 novembre 2002), ensuite ministre de l'Emploi, des Affaires sociales et de la solidarité (novembre 2002-08 juin 2004) avant d'occuper les responsabilités qui sont les siennes aujourd'hui. Beau palmarès qui campe les secteurs les plus pointus de l'économique et du social ! Quinquagénaire accompli, Mansouri a par ailleurs démontré sa capacité d'ouverture intellectuelle tant sur le monde des idées que sur le monde tout court. Il a été membre du groupe de contact avec le parlement européen. Il est également membre du comité de rédaction de la revue marocaine d'administration locale et du développement et président délégué de l'association socio-culturelle du Bassin Méditerranéen. Il est professeur universitaire depuis plus d'un quart de siècle. Par ailleurs, et de l'avis même de ses adversaires politiques, ses mandats locaux de maire et de député d'El Arroui (Province de Nador), ont été remplis avec beaucoup d'humilité et d'efficience. Cerise sur le gâteau, l'homme a présidé durant plus de six ans le groupe du Rassemblement National des Indépendants (1992-1998) à la Chambre des députés. A l'actif de son action gouvernementale, les Marocains peuvent citer les nouveaux codes attachés à la défense des salariés, l'AMO et tant d'autres percées entreprises dans la concertation avec les syndicats et le patronat. En vérité, le congrès du RNI ne peut se passer d'une intelligence d'esprit et de cœur aussi vivace. Mieux : notre pays qui aspire à tant de démocratie, ne peut admettre qu'un tel homme d'Etat soit relégué aux seconds rôles, au sein de son propre parti, par la faute de cumulards assoiffés de titres. S'ils peuvent encore ressentir quelque affection pour leur pays, les tenants de l'ad vitam aeternam politique, doivent permettre l'alternance rajeunissante à la tête d'un parti qui fête ses trente ans. Ceux qui tiennent mordicus à l'accumulation de présidences les unes plus prenantes que les autres, sans jamais atteindre la performance dans aucune d'entre elles, ne peuvent compromettre l'ascension d'hommes politiques talentueux, sans aliéner la marche modernitaire voulue par le Roi et le peuple. Bon courage M.Mansouri !