Présenté à Cannes cette année, le dernier Tarantino est un film à part. Le réalisateur y revisite les séries B des seventies avec brio. Et sans prise de tête. Bientôt en salles au Maroc Les cinéphiles invétérés connaissent bien le mot Grindhouse. Un terme qui désigne les séries B dans les années 70. Tous ces films où l'on voit à longueur de bobines, des bagnoles en furie sauter en éclats, où l'on est crispé par des coups de freins d'enfer, des pneus qui crissent et des nanas aux nénés bien taillés toujours près de mecs en jeans serrés et blousons trash. Le tout mâtinée d'une simple histoire de magouille sur fond de vas-je-vais-te-courir-derrière-et-je-pourrais-te-rattrapper. Catch me if you can et Duel, avec cet univers propre à Quentin Tarantino, où tout passe à la moulinette de la dérision. Ce qu'il faut très vite préciser, c'est que ce Boulevard sanglant de la mort certaine n'est que la moitié d'un double programme que complète Planet Terror, un film de zombies signé Robert Rodriguez, un copain de Tarantino, lui aussi, fou à lier et ne se prend jamais au sérieux. Le pitch est des plus basiques : une bande de copines qui ont la parlotte virée aux lèvres, picolent sec et s'en vont sur la grand-route. On the Road Again, Again, comme dans la chanson, pour une virée, où l'univers de Jack Kerouac n'est pas si éloigné que cela. Et une virée qui se respecte, on la fait en bagnole, s'il vous plait. Et chemin faisant, à fond la caisse, on tombe sur un cascadeur qui porte une belle marque de fabrique (cicatrice pour faire cliché joué par un Kurt Russell qui a la tronche de l'emploi). Evidemment, il faut que tout parte en fumée, il faut faire sauter les ailes, brûler l'asphalte, faire saigner le macadam. Et le film touche au zénith de son auto-dérision lors de deux époustouflantes poursuites en voiture. Jamais de mémoire de cinéphage, on a filmé une poursuite comme l'a fait Tarantino. C'est à croire que c'est là, la première fois que l'on film deux voitures qui se font des têtes à queue. Et en plus, le décor naturel est Austin, Texas, où fleure bon les années 70 avec sa panoplie de musique comprise. Le film coule de source, et l'on oublie qu'on en a vu des centaines autour de deux voitures qui pourraient aussi bien porter la statuette lors d'une soirée de gala sur un grand boulevard à L.A. Et Tarantino ne peut pas s'arrêter là, comme quand il a forcé les traits de ces Kill Bill. De petites indications en clin d'œil pour jouer sur les anachronismes: un portable, un SMS, quelques phrases ancrées dans l'aujourd'hui et qui rendent hier improbable, bref, on navigue comme dans les films de Mel Brooks où le chérif du far West est noir à une époque où les Noirs sont lynchés, les téléphones sont accrochés aux arbres, on porte des Rolex, dernier cri, et les chevaux portent des guidons de moutards. Un univers fou qui porte l'empreinte d'un virtuose du cinéma où rien ne rime à rien, mais où tout est bon à prendre. C'est là le sens même de l'entertainement à la sauce américaine. Tout y est, glamour factice, humour cinglant, jeu de pistes, personnages loufoques et cons, histoire bidon, bref, tous les prétextes sont bons pour réussir un grand film.