Maroc vert. Bien que la première tranche de l'opération de la concession pour la location des terres agricoles, Sogea et Sogeta, ait dévoilé des résultats jugés brillants, les nouveaux arrivants, ont-ils pour autant inauguré une nouvelle culture agricole ? Asperges, pêches et nectarines, les terres de la Sodea et Sogeta ayant déjà fait objet de concession dans le cadre de la première tranche de l'opération de sauvetage ont déjà donné leurs fruits. Dans le cadre d'un voyage de presse, un groupe important, composé d'hommes d'affaires, de responsables du ministère et de la presse, s'est rendu sur des terres de Sodea et Sogeta ayant déjà fait objet de concession dans le cadre de la première tranche de l'opération de sauvetage des terres. La société espagnole Mamora, une filiale de Five Senses a développé des cultures à forte valeur ajoutée sur une exploitation de 350 hectares. Cette station atteste que le Maroc veut s'inspirer du modèle espagnol pour rendre son agriculture plus compétitive, comme elle démontre que la solution est réalisable puisqu'il s'agit de drainer des capitaux étrangers capables de créer de la richesse et d'apporter un savoir faire, notamment à l'industrialisation de l'agriculture. Ce souhait de la valorisation du patrimoine foncier, géré par la Sogea et Sogeta, est corroboré par la 2ème station située sur la province de Larache. Bien que la visite n'ait été rendue qu'à deux stations, Kénitra et Larache, les responsables ont affirmé que la première tranche de l'opération de la concession des terres agricoles a livré des résultats jugés très brillants. La visite de ces superficies qui ne sont que la pointe de l'iceberg des 34 000 hectares concernés par la location, a révélé que l'agriculture est toute une industrie et la qualité est un investissement pour l'avenir. Mais si l'Etat table sur les investisseurs privés pour réanimer le secteur, peut-on croire au fait qu'en changeant de main le secteur agricole pourrait rompre avec le passé ? Qui dit le passé dit non seulement la négligence et l'absence d'entretien, mais aussi une population rurale qui accuse un retard en matière de développement social pouvant se mesurer en particulier par le taux d'analphabétisme et la pauvreté. Cette visite a accentué les soucis et les remous chez les observateurs. Face à moult interrogations, Aziz Akhannouche, ministre de l'Agriculture et de la pêche, présent tout au long de ce voyage, a déclaré, lors d'un point de presse tenu à Larache, que pour accélérer le développement économique, la politique agricole doit faire partie d'un système global intégrant l'intelligence économique. Il a ajouté que le gouvernement aspirait doper les exportations et donner un nouvel élan au secteur agroalimentaire à travers la mise en place de nouveaux concepts permettant l'industrialisation de l'agriculture marocaine. L'inquiétude s'amplifie Quant au fait de considérer l'ouverture de la voie aux étrangers à hauteur de 14% des terres cédées comme une cession d'un morceau de la partie, Aziz Akhannouche a déclaré que la présence des étrangers représente une grande chance pour que le Maroc s'ouvre à l'international dans la mesure où les opérateurs étrangers disposent déjà d'une assise commerciale sur le marché mondial, ce qui permettrait au Maroc de capitaliser sur cette assise, renforcer et diversifier son portefeuille clients. A Larache, un employé travaillant dans les champs, ex-publics, a confirmé que même sous la nouvelle gérance, l'agriculture ne lui rapporte pas assez! Pis encore, ce qui frappe, c'est l'exploitation des petites mains d'enfants âgés surtout entre 16 et 18 ans. Quelle stratégie pour l'emploi et pour la lutte contre la pauvreté ? La qualité du suivi et l'accompagnement de cette expérience doit être un soucis majeur des initiateurs. Que les soucis continuent à se manifester ! Sachant que les opérateurs focalisent leur intérêt sur le marché extérieur, le problème de l'autosuffisance se pose avec acuité. Concernant cette question, Aziz Akhannouche, a souligné que le secteur agricole au Maroc présente une forte volatilité avec des signaux inquiétants du ralentissement : une balance commerciale déficitaire, une faible productivité et des productions insuffisamment valorisées et valorisantes. Le ministre a rappelé que la productivité par hectare et par actif est parmi les plus faibles de la région méditerranéenne. Il est temps que le Maroc raisonne en termes de sécurité alimentaire pour éviter de tomber dans la trappe des produits de base, ceci dit que le rôle du secteur agricole devrait se transformer en passant du concept de l'autosuffisance à celui de la sécurité alimentaire. Pour Aziz Akhannouche, le concept d'autosuffisance a longtemps prévalu et il a en particulier été à la base des politiques dites d'imports substitutions. Ces politiques sont aujourd'hui désavouées, car on se rend compte qu'elles ont favorisé des produits non concurrentiels et mal adoptés aux conditions écologiques au détriment de produits mieux adoptés et valorisables sur les marchés surtout externes. Ce changement rapide de l'agriculture avec une forte intégration du secteur, se traduisant par une dépendance accrue aux produits industriels, ne risque-t-il pas de provoquer une augmentation des écarts de productivité entre les exploitations commerciales et familiales? Une telle question a permis au ministre de l'Agriculture de tirer au clair l'objectif même de l'opération de changement de main et a souligné que l'opération devrait avoir comme objectif principal, non seulement la revalorisation des terres dont la majorité est, soit livrée à l'abandon, soit à l'état de dégradation avancée, mais aussi la création d'une interface articulée entre les grandes exploitations et les petites, afin que la première catégorie génère un effet d'entraînement pouvant induire la seconde catégorie vers la modernisation. Ceci dit que l'objectif de l'opération est non seulement de permettre à l'Etat de clore un des chapitres noirs de sa mauvaise gestion, mais aussi de provoquer une dynamisation de croissance globale via des effets aval et amont sur le reste de l'économie tout en assurant l'émergence d'une nouvelle ruralité. Investissement De l'argent frais pour le Maroc vert Le recours aux investisseurs privés est un impératif majeur surtout que l'investissement dans le secteur agricole est très lourd. Il a été noté que certains investissements nécessitent une enveloppe de plus de 300.000 DH/ hectare. Ceci dit que le partenariat public/privé entre dans sa phase la plus concrète. Bien que les déclarations des responsables soient rassurantes, on se pose déjà la question de savoir dans quelle mesure le transfert des terres agricoles publiques, participerait à l'enrichissement pour une catégorie déjà opulente ? La banque mondiale a déjà mis en garde, dans un rapport, les conséquences d'une telle opération tout en précisant que l'objectif doit être la généralisation de la richesse au profit des couches défavorisées.