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Entretien avec Maître Kamal Saigh, Avocat près la Cour Suprême, spécialiste du droit maritime. : «Les carences sont surtout législatives»
Publié dans La Gazette du Maroc le 19 - 12 - 2008

La Gazette du Maroc : En votre qualité de juriste maritime, vous avez une connaissance approfondie de la problématique des saisies de navires au port de Casablanca. Quelles sont les causes qui sont à l'origine de ces litiges ?
Kamal Saigh : Les navires peuvent faire l'objet, soit de «saisies conservatoires», soit de «saisies-exécution». Les saisies-exécution régies par les dispositions des articles 111 à 121 du dahir du 31 mars 1919 portant code de commerce maritime, sont pratiquées, soit en vue de l'exécution d'une décision judiciaire exécutoire condamnant l'armateur au paiement d'une créance déterminée, soit dans le cadre d'une procédure de conversion de commandement maritime en saisie exécution. Etant précisé, que le commandement maritime est un commandement de payer notifié à l'armateur par un créancier hypothécaire, dont la créance n'a pas été réglée. La saisie-exécution tend à la vente publique du navire en vue de payer les créanciers. Par contre, la saisie conservatoire n'a généralement pour objet, que de garantir le paiement d'une créance. C'est en fait une mesure qui permet d'exercer une pression sur le débiteur en vue de le contraindre, soit à payer sa dette, soit à mettre en place une garantie en assurant le paiement.
Estimez-vous que toutes les saisies conservatoires prononcées contre des armateurs ou des affréteurs sont justifiées ? Sinon, pourquoi ?
La saisie conservatoire est ordonnée sous l'entière responsabilité du saisissant, ce qui sous-entend que si la saisie s'avère injustifiée, le saisissant sera tenu à la réparation des dommages subis par l'exploitant du navire ou son armateur, du fait de l'immobilisation injustifiée de celui-ci. En fait, le juge de la saisie, avant d'ordonner la mesure, vérifiera notamment que la créance alléguée est bien une créance maritime et qu'elle est apparemment fondée en son principe. La simple contestation de la créance par le saisi ne veut pas pour autant dire que la saisie est injustifiée.
Quelles sont les carences législatives et procédurales dans la mise en œuvre de telles mesures et leurs conséquences dans l'activité générale du port ?
Les carences sont, à mon sens, surtout législatives et concernent tant bien notre droit interne que la convention de Bruxelles du 10 mai 1952. Sur le plan interne, se pose le problème des insuffisances de notre législation en matière de conditions de mise en œuvre de la saisie conservatoire, notamment lorsque la demande de saisie est diligentée par un créancier Marocain à l'encontre d'un navire battant pavillon Marocain.
En effet, il convient de rappeler qu'aux termes de l'article 8 paragraphe 4 de la convention de Bruxelles de 1952, «Aucune disposition de la présente convention ne modifiera ou n'affectera la loi interne des Etats contractants en ce qui concerne la saisie d'un navire dans le ressort de l'Etat dont il bat pavillon par une personne ayant sa résidence habituelle ou son principal établissement dans cet Etat». Or, notre arsenal juridique national régissant la saisie conservatoire de navires se limite à l'article 110 du code de commerce maritime, lequel dispose que «La saisie conservatoire d'un bâtiment peut être effectuée à toute époque, en vertu soit d'un titre exécutoire, soit d'une autorisation du juge compétent …».
La saisie conservatoire pourra donc être autorisée pour n'importe quelle créance, quand bien même elle n'aurait aucun rapport avec l'exploitation du navire.
Pour pallier ces insuffisances, nos magistrats se voient obligés d'emprunter au droit commun, certaines règles de droit ou de procédure qui peuvent s'avérer inappropriées au droit maritime. Il convient de préciser également qu'aucun texte législatif ou réglementaire, non plus, ne s'intéresse aux problèmes liés au séjour prolongé aux ports de navires saisis ou même abandonnés, sachant qu'ils risquent de compromettre la sécurité portuaire s'ils ne sont pas en mesure de faire face aux risques d'intempéries ou s'ils sont menacés de naufrage. Je pense qu'il serait grand temps d'activer la refonte du code de commerce maritime dont le projet sommeille depuis plusieurs décennies. Sur le plan international, la convention de Bruxelles reste muette sur les problèmes liés à l'expiration du terme du contrat d'affrètement et à la saisie après transfert de propriété du navire. De même, bien que la convention n'accorde pas de droit de suite non prévu par la loi à appliquer par le tribunal saisi du litige au fond ou par la convention internationale sur les privilèges et hypothèques maritimes, si celle-ci est applicable, il demeure qu'il appartient au juge du fond et à lui seul de rechercher, en fonction de la loi applicable, si la créance dont il se prévaut, confère ou non au saisissant un droit de suite et si celui-ci est éteint ou pas.
Pourquoi certains navires sont abandonnés par leurs armateurs au port et quelles conséquences entraînent-ils au plan social et économique ?
Les navires abandonnés sont tous des navires très vétustes, généralement destinés à la démolition, achetés à des sommes modiques amorties par l'armateur sur quelques voyages. Ces navires ne sont pas affiliés à un «protecting club» couvrant la responsabilité de l'armateur et dont le rôle est justement de lui prêter assistance dans les ports où il fait escale et à mettre en place les garanties à même de lui permettre d'obtenir la levée de saisie. Ce sont donc des navires qui appliquent des taux de frêt attractifs mais dont la sinistralité est très élevée. Ce sont des navires qui appartiennent à des «single ship compagnies» ou compagnies à navire unique qui sont généralement de simples boites postales et donc des sociétés écran dont l'objet est de permettre à un armateur qui exploite plusieurs navires, de créer un écran juridique entre son patrimoine et chacun des navires qui en font partie, de telle sorte qu'un créancier ne pourra pas saisir un autre navire que celui auquel se rapporte sa créance. C'est également des navires qui sont saisis pour des sommes qui dépassent de loin leur valeur vénale, ce qui explique que l'armateur préfère abandonner le navire et parfois même son équipage, plutôt que d'avoir à payer des dettes qui dépassent la valeur du navire.
Drame du Baltiyskiy-21
«L'équipage a réellement désossé le navire»
«Le BALTIYSKIY-21 est un navire construit en 1964, donc âgé de plus de 40 ans, ce qui en fait un navire très vieux qui aurait dû être démoli. Il a été affrété par un importateur marocain pour assurer le transport d'une cargaison de poteaux de bois à destination de Casablanca. Parti du port de Sébastopol le 10 mars 2006, il n'a accosté à quai au port de Casablanca que le 10 juillet 2006.
En fait, ce navire n'était pas en état de navigabilité et juste après son départ du port de chargement, il a eu des problèmes et a été dirigé vers un autre port d'Ukraine pour y effectuer des réparations. C'est ce qui explique que le voyage maritime a duré plusieurs mois au lieu de quelques jours. A l'arrivée au port de Casablanca, il s'est avéré que la cargaison transportée était fortement avariée. Le réceptionnaire de la cargaison l'a donc saisi conservatoirement, dès son arrivée pour un montant de 4.251.237,00 Dirhams. Les assureurs cargaison l'ont également saisi pour un montant de 2.926.737,00 Dirhams. Dans la mesure où le navire n'était affilié à aucun P&I club, l'armateur était tenu de mettre en place lui même des garanties, en vue d'obtenir les mainlevées de saisie. Ce qu'il n'a pas pu faire car les moyens de l'entreprise ne le lui permettaient pas. La valeur du navire étant de très loin inférieure aux montants réclamés par les saisissants et à défaut d'arriver à un accord amiable avec ces derniers pour ramener le montant de leurs réclamations à des proportions plus raisonnables, l'armateur a abandonné le navire et son équipage, lequel s'est trouvé otage du contentieux existant entre les parties en conflit. Le commandant du port a usé de tous les moyens dont il disposait et exercé pression sur l'ensemble des parties tant à travers l'autorité publique locale que via le consulat de l'Etat du pavillon du navire, sans résultat. L'équipage, auquel les vivres ont été coupés, s'est retrouvé depuis deux années et demie sans moyens de subsistance, a dû se débrouiller avec «les moyens du bord». L'expression est la plus utilisée au sens propre du terme, dans la mesure où l'équipage a réellement «désossé» le navire. Tout ce qui pouvait être vendu l'a été, le fuel, le gasoil, les extincteurs, les compresseurs, les chaloupes de sauvetage …Aujourd'hui, il se trouve réduit à la mendicité, et il m'a été donné d'apprendre que parmi les membres d'équipage se trouve une femme, laquelle fait ce qu'elle peut pour subvenir aux besoins de ses collègues. C'est vous dire que sur le plan social, la situation est réellement dramatique. A cela, il convient d'ajouter que, non seulement le séjour prolongé de ce navire au port pénalise les exploitants portuaires et l'économie nationale du fait de l'occupation du quai d'accostage à un moment où le port est engorgé et que des navires sont toujours en attente de postes libres pour accoster, bien plus, ce navire représente une réelle menace pour la sécurité portuaire dans la mesure où il risque à tout moment de faire naufrage au port, les conséquences seraient très graves car il constituerait une entrave à la navigation portuaire, qu'il serait indispensable dans ce cas de le renflouer, entreprise qui coûterait à l'Etat d'énormes dépenses».


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