Mendicité Il est près de 14 heures, et il pleut. Un petit garçon de six, sept ans avec un tricot pour seul habit sur ses frêles épaules, et des pieds quasiment nus dans des sandales en plastique, marche entre les flaques d'eau. Il pleure, et ses sanglots font tressaillir sa maigre poitrine. On s'approche et on demande des explications sur ce gros chagrin. Il pleure de plus belle et, entre 2 soupirs à fendre le cœur, il lance : « … on m'a volé… on m'a volé » Volé ? Mais voler quoi à ce pauvre hère ? En fait, 3 mauvais garçons l'ont attaqué alors qu'il vendait des cigarettes au détail de terrasse de café en terrasse de café. Et dehors des coups qu'il dit avoir reçus, que lui a-t-on piqué ? Il continue de pleurer et souffle : «11 cigarettes Marquise et 12 dirhams». Il a encore dans sa main crispée, quelques pièces et un billet de 20 dirhams. « Cet argent, c'est la recette que j'avais cachée sous mon short ». Et il tend l'argent comme pour le donner. On lui demande où il habite. «A Al Karia, secteur 13». Un homme méfiant précise : « Et comment tu viens de là bas jusqu'à Rabat dans ce quartier». «Je prends le bus n° 27». Une voix se fait entendre : « il dit vrai, c'est le bus pour aller à Karia». Quelqu'un, parmi la petite foule, va lui chercher un yaourt et des biscuits à l'épicerie. Mais l'enfant prend l'offrande, la regarde, et ne la porte pas à sa bouche. On dirait qu'il a peur de manger. Il a tous les réflexes de l'enfant battu et qui a peur de faire le moindre geste. Encore pressé de questions, il ajoute « Ma mère me demande de ramener 70 dirhams par jour, sinon elle me bat ». Dans l'assistance, tout le monde, soupire et crie au « mounkar ». Tous proposent la solution d'aller alerter les autorités, les associations… L'un d'eux explique « Ça ne servira à rien, cet enfant n'est pas orphelin, il a un domicile, des parents, et sa maman aura tôt fait de le récupérer et de le punir plus fort encore ». Celui qui vient de parler, se dirige vers l'épicerie, il achète un paquet de « Marquise » donne 50 dirhams au gosse et lui dit « voilà ce qu'on t'a pris et rentre chez toi ». L'enfant sourit d'un pauvre sourire, et se met enfin à manger. Et puis sous les regards apitoyés de la rue, il s'en va, frissonnant de plus belle sous la pluie… et disparaît dans les rues voisines. Un passant surgit et dit : «Que faisait ce gamin ici ? Hier je l'ai vu à la médina près de la station de taxi, et il racontait qu'on lui avait volé des cigarettes et de l'argent…» Presse Il y a de plus en plus de quotidiens et de revues au Maroc. On dira que c'est comme la fameuse « parabole de la langue humaine » citée par les philosophes qui la voient comme la meilleure ou la pire des choses. Et donc, on ne portera pas de jugement. La presse est indispensable, nécessaire dans toute société. Tout le monde est d'accord sur le sujet. Mais pourquoi arrive-t-il qu'elle soit souvent blâmable, irritante et condamnable ? Est-ce parce qu'elle dérange, ou bien donne-t-elle, elle-même, les bâtons pour être battue ? L'attrait du sensationnalisme aveugle souvent les directeurs amateurs de scoops. Or, le mal n'est pas dans la sensation, même si elle dérange, mais dans l'exactitude des faits. Une affaire sensationnelle est bénédiction pour un journal, quand elle est bidon, elle condamne toute la profession. « L'image de la presse et du journalisme est malheureusement, ce qu'elle est depuis longtemps, c'est-à-dire négative dans sa généralité. L'opinion publique, oui –elle existe quoi qu'on en dise- regarde le « quatrième pouvoir » avec un œil narquois ou exaspéré, sévère ou méprisant, quelquefois, mais rarement, plein de commisération ». Belle formulation. Elle n'est ni de Zola, ni de Balzac, ni de Mahmoud Derwiche ou encore de Najib Mahfoud, mais tout simplement de notre confrère Abdallah Stouky à qui nous souhaitons en ces années déplombées mais pas mal polluées, les meilleurs vœux de santé. N. Saïd