Nasser Bourita s'entretient par téléphone avec son homologue suisse Ignazio Cassis    L'ouverture de nouveaux hôtels de luxe au Maroc reflète le dynamisme du tourisme marocain    Trafic humain au Myanmar : les familles marocaines appellent à l'action    Fortes averses dans certaines provinces: les automobilistes appelés à faire preuve de vigilance    Caftan Week : La richesse du Caftan exposée au Musée Dar El Bacha    La justice condamne 5 responsables de sécurité    Mercato: Mbappé officialise son départ du PSG    Automobile : le Britannique Cazoo au bord de la faillite    Casablanca : les membres du CMC tennis sont en colère    Mohamed Fikrat : « La façade atlantique devient un haut lieu de communion humaine »    Nasser Bourita reçoit une délégation péruvienne du gouvernement régional de Piura    AG de l'ONU: Le Maroc se félicite de l'adoption de la résolution soutenant l'admission de l'Etat de Palestine comme membre à part entière des Nations Unies    African Lion 2024, du 20 au 31 mai à Benguérir, Agadir, Tan-Tan, Akka et Tifnit    Luis Filipe Tavares : « La diplomatie marocaine, c'est aussi un soft power réel et développé »    Coupe du Trône / quarts de finale (Acte I) : Aujourd'hui, HUSA - RCA et MAT- MAS    Botola D2 / J25 (Acte1): CODM, KACM,USMO et DHJ , début du sprint final !    Premier League/ J37: Manchester City lorgne la première place    Basketball : Nikola Jokić, l'Aigle qui plane sur la NBA    ONCF : Perturbations du trafic sur l'axe Casablanca-Kénitra du 12 au 26 mai    Revue de presse ce samedi 11 mai 2024    Météo: les prévisions du samedi 11 mai    Agadir : la 3ème édition du Salon International de l'arganier bat son plein    FENIP : Cap sur la durabilité de l'Industrie halieutique [INTEGRAL]    Caftan Week 2024 : Imane Bamouss remporte le « Prix Kaline » lors du concours des Jeunes Talents    Sahara: Le plan marocain d'autonomie est la "meilleure option'' pour l'avenir de la région (députés britanniques)    Zone euro : La BCE juge "plausible" une baisse des taux en juin    Eliminatoires Mondial féminin U17 : Le Maroc bat l'Algérie 4-0 au 3e tour aller    Sénégalais coincés dans le désert marocain: Le Consul du Sénégal à Dakhla dément formellement l'information    Investiture de trois nouveaux membres de l'Académie du Royaume du Maroc    Caftan Week 2024 : un voyage dans l'histoire et l'artisanat du caftan à Marrakech    Tchad. Idriss Déby Itno président    Gaza : Josep Borell dit STOP à la vente d'armes à Israël    Sénégal. Un plan national de prévention des inondations    L'Etat condamné à indemniser une victime du vaccin AstraZeneca    SIEL 2024: La FM6E participe avec des activités éducatives et interactives    SIEL-2024 : sept instances constitutionnelles participent avec un pavillon commun    Le Festival International du Film de Dakhla réaffirme son identité africaine    M. Bourita reçoit une délégation péruvienne du gouvernement régional de Piura    Maroc : Washington alloue 25 MDH au système de l'ONU contre la traite des personnes    Covid-19: vingt-six nouveaux cas    L'UM6P, catalyseur de Deep Tech en Afrique    Omar Hilale expose les vertus de l'Initiative Royale pour l'Atlantique dans l'espace atlantico-sahélien    Ghita Mezzour: L'accord avec Oracle conforte la place du Maroc comme hub des technologies numériques    Maroc : un record de 1,3 million d'arrivées touristiques en avril 2024    Migration irrégulière : 133 candidats interceptés au sud-ouest de Tan-Tan    Lancement d'une plateforme digitale pour les demandes de "carte de personne    Températures prévues pour le samedi 11 mai 2024    Cinéma d'animation: Coup d'envoi à Meknès du 22e FICAM    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Dans les mosquées de Londres
Publié dans La Gazette du Maroc le 28 - 07 - 2003

L'ombre d'Abou Hamza plane toujours sur les cours des purs et durs de la capitale britannique. A Londres, certaines mosquées, malgré des allures correctes font dans l'humainement incorrect en propageant la haine raciale, la colère de Dieu et les sacro
-saints préceptes du Jihad tous azimuts contre les ennemis de l'Islam version revue et corrigée par les fous d'Allah.
Elle est la seule femme musulmane au monde à avoir fait des sketchs sur la personne tant adulée et idolâtrée de Oussama Ben Laden. Elle est aussi la seule femme musulmane à avoir dit ouvertement ce qu'elle pensait de ce parangon de pacotille. Elle le trouve ridicule et les efforts déployés pour lui mettre la main dessus encore plus risibles : "son fils dit que lorsqu'il est en colère, il devient invisible. J'ai trouvé ça drôle. Jusqu'ici Ben Laden a mené une vie grotesque. Et c'est cet homme-là que tout l'Occident essaie de faire sortir de sa grotte. C'est plutôt amusant quand on y pense". Et d'apporter le coup fatal à la fierté de tous les adorateurs du nouveau messie des cavernes en l'appelant dans ses sketchs Oussama Ben Liner qui veut littéralement dire Oussama sac-poubelle. Cette femme s'appelle Shazia Mirza et possède un humour des plus décapants et une faculté de dédramatiser les choses qui frôle le surréel. "Je n'aspire qu'à une chose, contribuer à réduire l'islamophobie en Grande Bretagne. Si cela a bien démarré, c'est parce que personne ne savait vraiment ce que c'était une femme musulmane dans ce pays. Il y avait beaucoup de préjugés. J'ai parlé de ma vie et j'ai invité les gens à en rire avec moi". Shazia Mirza est une comique londonienne d'origine pakistanaise, âgée de 28 ans. Elle est aujourd'hui l'une des figures les plus distinguées de la scène comique anglaise. Sa réputation, elle l'a gagnée en racontant des histoires drôles sur Oussama Ben Laden. Elle est aujourd'hui l'unique femme musulmane à faire des One Woman Show. Un passage en Amérique chez Oprah Winfrey doublé du prix du jeune espoir de l'année 2001 dans le cadre du GG2 Leadership and Diversity Awards qui récompense les plus grandes réussites dans les communautés indo-pakistanaises font d'elle à la fois la coqueluche d'un certain public en phase avec ce qui se passe depuis le 11 septembre 2001 et l'ennemie d'une partie de la communauté musulmane britannique qui voit en elle une traîtresse à la cause d'Allah. Shazia porte un foulard noir à franges, rigole tout le temps et se dit "musulmane pieuse, mais modérée." Pourtant quand il s'agit d'enfoncer le clou et donner la raclée aux hommes barbus, elle n'hésite pas l'ombre d'une seconde : "beaucoup d'hommes musulmans pensent qu'une femme n'a rien à faire debout derrière un micro face à un public ivre qu'il s'agit de faire rire. Mais, en fait, l'Islam donne beaucoup de pouvoir aux femmes. Nous ne sommes pas toutes aussi opprimées que les Afghanes". Pas tant que cela, ce qui pousse la jeune comique aux yeux noirs à souligner que sa cible reste les hommes qui craignent un soulèvement féminin : "Avec mes sketchs, je libère les femmes, et certains hommes craignent manifestement que cela leur fasse perdre l'avantage". Quand vous arrivez devant une mosquée et que vous avez envie d'entamer une conversation sur les raisons de la colère et le jihad, il faut éviter d'évoquer le nom de cette jeune pakistanaise qui n'est pas du tout en odeur de sainteté chez les fanatiques londoniens. Et quand cette ancienne diplômée en chimie, professeur de physique pendant quelque temps après l'université pousse l'humour à ses confins : "il faut combattre l'ignorance par l'humour. Nous ne sommes pas tous des fanatiques. Je donne au public un truc pour ne pas me confondre avec des terroristes musulmans : ils ont de plus grosses moustaches que moi", là la coupe est pleine et la foudre des religieux s'abat en invectives sataniques sur la tête et l'origine de cette damnée des temps modernes qui sillonne les boulevards londoniens en vendant son âme au diable !!
Il y a aussi un autre stratagème qui s'avère efficace pour être dans les bonnes grâces des religieux de Londres : témoigner son indignation devant l'insolence de cette jeune "kafira qui a souillé l'image des martyrs".
Le ticket gagnant
Et ça marche à tous les coups. Bref, devant le fief d'Abou Hamza en plein capitale londonienne où il avait toutes les libertés pour insuffler à coups de gueulades et de cris la haine dans les cœurs d'une jeunesse musulmane en manque de repères et en butte à une situation mondiale dont elle est le centre mais à laquelle elle ne comprend pas un traître mot, le nom de la comique sonne comme un sésame. "On ne l'écoute plus comme avant, mais elle a fait beaucoup de mal à notre cause". Très vite, ce jeune homme de trente-trois ans au regard éteint et un tantinet méfiant nous parle de "cette cause" qui a fait tant de morts et tant de vies humaines encore menacées dans le monde. Nous restons devant le portail de la mosquée, Ali, notre interlocuteur préférant parler à l'écart pour ne pas attirer l'attention de certains. On ne saura jamais de qui il parlait, mais selon toute apparence, les choses semblaient normales comme dans n'importe quelle autre mosquée du Maroc n'était la rue qui affichait son visage british et les centaines de jeunes britanniques qui défilaient tête basse ou un sandwich entamé à la main. "Pourtant, nous sommes surveillés de très près et ce n'est pas de la paranoïa. L'étau se resserre de plus en plus sur les Musulmans dans ce pays où ils sont tous considérés comme des criminels en puissance. Et depuis la guerre contre l'Irak, les choses ont pris une tournure autre, plus discrète mais très violente.". Abou Hamza al-Masri, qui a été démis de ses fonctions à la mosquée londonienne de Finsbury à cause de ses sermons radicaux, est recherché au Yémen pour terrorisme. Il a aussi été déchu de sa nationalité britannique. Jusqu'à présent, la nationalité britannique d'Abou Hamza Al-Masri empêchait son extradition vers le Yémen. L'homme, qui a perdu les deux mains et un oeil dans les combats contre les forces soviétiques en Afghanistan, est l'une des figures de proue de l'islamisme radical au Royaume-Uni. David Blunkett a laissé entendre à la BBC que les autorités britanniques avaient suffisamment d'éléments démontrant que l'imam avait incité d'autres Musulmans à se battre contre la Grande-Bretagne dans les guerres en Afghanistan et en Irak. Ali ne manquera pas de parler du fils d'Abou Hamza qui marche sur les traces "d'un père aussi fort" et du malaise qui s'est installé dans les cœurs depuis que des mesures ont été prises pour limiter les libertés du culte. "Il y a des gens qui vont à Hyde Park, posent une chaise, montent dessus et ouvrent les débats sur n'importe quelle question sociale, politique, religieuse, philosophique en toute liberté. Des discussions naissent, les gens polémiquent, donnent leurs points de vue et parfois même cela vire à la bagarre. Les autorités le savent et sont conscientes que parfois, lors de ce genre de débat, prennent forme des attaques contre les minorités musulmanes en Angleterre, des volontés meurtrières contre des innocents qui n'ont rien fait de mal que d'avoir une autre philosophie de la vie qui ne concorde pas avec les préjugés en vigueur dans ce pays". Ali nous explique que si par folie il lui arrivait de poser sa chaise de prêcheur à Hyde Park pour faire son speech, il sera écroué dans la seconde qui suit ou alors tabassé à mort par les Anglais qui ne toléreraient jamais que l'on vienne perturber leurs acquis et leur fausse démocratie basée entre autres sur la ségrégation et la xénophobie. Quand on lui dit que des apôtres de la haine existent aussi dans les mosquées comme ce fameux Abou Hamza qui a sévi pendant des années en remplissant les crânes de sornettes horribles qui ont été à l'origine de drames horribles, Ali fulmine en disant : "vous parlez comme les journalistes d'ici, vous répétez exactement les mêmes mensonges. Cet homme était écouté parce qu'il disait la vérité, parce qu'il était le seul à avoir eu le courage de dire des choses que tout le monde ici pensait tout bas. Vous savez pourquoi on l'a empêché de faire son travail, parce qu'il menaçait les soubassements fragiles de l'hypocrisie britannique. Mais tous ceux qui ont la foi solide savent de quoi il retourne". Evidemment, il est inutile de vérifier si la popularité de "l'homme qui a perdu un œil et deux mains en défendant le nom d'Allah" est toujours aussi forte. Dans les rues de Londres, en dehors des Musulmans, il est le plus grand danger qui a menacé la paix et la sérénité des Anglais : “c'est la faute du gouvernement britannique qui a laissé cet homme dangereux claironner sa haine et ses discours sur le jihad et la lutte sainte contre les non-Musulmans. Aujourd'hui, il est trop tard parce que le mal est fait et les dangers de l'islamisme radical tel qu'il a été diffusé dans les mosquées londoniennes nous dépassent tous et ce n'est pas l'arrestation de quelques activistes qui va changer quoi que ce soit aux choses ". Pour ce journaliste britannique, le tableau est noir et rien n'augure de quelque chose de bon : "la dérive de la jeunesse musulmane en Grande Bretagne n'a malheureusement pas attiré l'attention des responsables. Ce désintérêt est coupable de la part de nos dirigeants. Il est aussi suicidaire au vu de la composante démographique et ethnique dans ce pays. Imaginez que l'un des plus grands problèmes de ce pays est d'être absolument débordé par les classes d'âge les plus jeunes et dans les deux camps, celui des minorités musulmanes et celui de la jeunesse anglaise". Et le journaliste de conclure de la façon la plus inattendue : "nous sommes aujourd'hui face aux gangs des drogués et aux milices des madrasas sur l'exemple pakistanais". Selon lui, le problème n'est pas seulement anglais, mais européen et il lui trouve des raisons dans la politique de marginalisation, de xénophobie et de la non-volonté d'une réelle intégration des autres communautés malgré leur existence dans le tissu social anglais depuis des décennies. Bien entendu, les autorités britanniques rejettent les accusations qui leur font porter le chapeau dans ce genre
de dérive. Elles ne se considèrent pas responsables des individus qui parviennent à franchir les lignes rouges de l'instrumentalisation idéologique et rejoignent les rangs des fanatiques les plus endurcis. Elles ne veulent même pas admettre que Londres est l'une des principales plaques tournantes du radicalisme religieux. "Quoi qu'il en soit, il est maintenant très crucial d'être très attentif à l'impact de la guerre contre Irak et de la menace qui pèse sur l'Iran et d'autres pays musulmans, ce qui ravive les animosités entre les communautés et ce en l'absence d'un réel programme d'information qui vise à lever le voile sur la réalité de la scène sociale et politique et qui, du même coup, nous éviterait à tous des amalgames qui font de tous les Musulmans des coupables présumés ".
Le Jihad et ses apôtres londoniens
"Le jihad est la clé pour le paradis ! Le jihad le plus grand est la guerre dans la voie d'Allah". Pour ce jeune Pakistanais de la London Central Mosque au 146 Park Road dans le quartier de Hampstead, aucune discussion n'est permise. Ou on adhère à ce qu'il professe ou nous sommes bannis de son entourage à jamais. Il fait étalage de ses exploits et de ses trophées de grand guerrier. Il cite une dizaine de noms à consonance pakistanaise ou moyen-orientale d' "amis et frères qui ont donné leur vie en Afghanistan, en Bosnie et en Tchétchénie". Bien entendu, ils sont tous quelque part au paradis à folâtrer avec les anges !!! Depuis deux ans, il n'a pas quitté le sol anglais, mais avant cela il a été au moins une fois par an au Pakistan "pour garder le contact avec les frères là-bas et voir comment évoluent les actions de lutte contre les ennemis de la religion de Mohammed". Il laisse entendre que c'est grâce à ce genre de déplacement qu'il est arrivé aujourd'hui de voir naître des écoles coraniques qui enseignent aux enfants musulmans de Londres les "véritables préceptes de notre glorieuse religion". Selon un jeune saoudien, fluet et qui parle un arabe classique d'une précision hors du commun, beaucoup de recrutements pour la guerre sainte en Afghanistan et en Tchétchénie se sont faits dans les mosquées de Londres, et c'est notre ami pakistanais qui a organisé beaucoup de ces voyages souvent sans retour. Autrement dit, l'expéditeur pour le paradis, celui qui délivre des visas pour l'au-delà en sait plus qu'un autre et il faudra lui tirer les vers du nez sans trop écorcher sa sensibilité à fleur de peau. Le Pakistanais veut nous en mettre plein la vue. Il nous raconte comment il a pu organiser le passage de cinq Saoudiens pour aller rejoindre les rangs des Talibans lors de leurs luttes contre les "envahisseurs américains". Selon toute vraisemblance, le bonhomme récolte tous les suffrages de l'assemblée qui nous enjoint de bien noter que seule la "foi est le véritable chemin vers Dieu". On n'aura pas saisi la portée hautement mystique d'une telle sortie, mais le bonhomme entonne de sa voix de bookmaker en liesse que ses amis ont fait des milliers de kilomètres de pays en pays, passant des nuits dans les mosquées, "ces maisons d'Allah, ouvertes à tous les fidèles" avec seulement moins de 100 livres en poche. Ils sont arrivés, ont fait la guerre sainte, "certains ont trouvé la voie du paradis, d'autres sont aujourd'hui au Pakistan en attendant leur tour pour rejoindre leurs frères". On comprend au fil des phrases que les moujahidines d'Allah n'empruntent plus aujourd'hui des voies solitaires, fruits de leurs propres initiatives, mais qu'ils sont tous soumis à des centres de recrutements qui existent un peu partout dans le monde. On saura que tous les pèlerins n'étaient pas automatiquement intégrés dans les camps pour porter les armes, que seuls ceux qui étaient recommandés comme bons soldats de Dieu étaient placés dans les camps d'entraînement pour renforcer les rangs des Talibans : "ils reçoivent alors un enseignement religieux bien formaté. Lorsque leur foi était affermie, ils étaient entraînés au maniement des armes et aux techniques de survie dans le désert et dans la neige”. On apprendra aussi que d'autres voies pour grossir l'armée de Dieu existaient dans les universités anglaises qui ne sont pas l'université islamique internationale ou l'université de Karachi ni l'institut Al Mawdudi où beaucoup d'étudiants musulmans approfondissent leur savoir religieux, mais si on arrive à former de petits groupes dans chaque établissement, le reste du travail est facilité par les réunions et les longues discussions nocturnes. Selon l'ami Pakistanais, beaucoup de Marocains sont passés par ses mains : "ils sont solides et pleins de bonne volonté. Ils trouvent ici l'encadrement qu'il leur faut et une base solide qui leur garantit d'atteindre leurs objectifs. Les Marocains comme les Saoudiens et les Egyptiens ont fait partie de toutes les guerres saintes, en Afghanistan, en Bosnie et aujourd'hui ils sont nombreux en Tchétchénie". Inutile de creuser plus loin avec le fin Pakistanais qui distille les informations au compte-gouttes et refuse catégoriquement de nous parler de "nos frères" marocains qui sont d'après lui "comme tous les autres Musulmans, animés de la même passion pour l'Islam et investis d'une mission au-delà de tout ici-bas". Selon le jeune Saoudien, mince comme un clou, il existerait plus de dix écoles coraniques dans la banlieue de Londres où les jeunes Musulmans apprennent l'Islam version Abou Hamza, Ben Laden et Ayman Azzawahiri. Tout le monde dans la grande mosquée londonienne en parle sous le menton mais personne ne se décide à en dire davantage ni à nous servir de guide. Il faudra attendre de rencontrer de l'autre côté de la ville en plein quartier hindou un certain Abou Ahmed, qui a un fort accent égyptien, pour en savoir plus. L'Egyptien a connu beaucoup de Marocains qui sont "aujourd'hui rentrés chez eux. Ils s'étaient fourvoyés et perdus. Ils se droguaient, fréquentaient les bars sordides et ne pensaient qu'au sexe et aux jeunes Anglaises. Aujourd'hui ce sont de pieux Musulmans qui sont rentrés dans leurs pays avec une foi solide et un passé effacé". Selon lui, ce sont ceux-là qui vont reconstruire leur pays et le doter d'une ligne de conduite irréprochable. Quand on lui rétorque que ce sont peut-être ceux-là qui ont perpétré les crimes du 16 mai à Casablanca dont il avait suivi tous les développements, le bonhomme condamne avec fermeté le meurtre et le crime. "Allah n'a jamais demandé que l'on tue des innocents ni que l'on s'attaque à ses frères". Il n'en dira pas plus sur ce sujet, mais enchaîne sur les fameuses mosquées dans les appartements dont on avait entendu parler dans un pub à Covent Garden. Depuis que l'étau s'est resserré sur les affaires des prédicateurs islamistes fanatiques, tous les disciples de Ben Laden et les bras droits du célèbre Abou Hamza, les jeunes les plus qualifiés président aux prières dans des appartements où l'on peut tenir à quinze ou à vingt pour préparer les stratégies de recrutement et de "sauvetage" de jeunes Musulmans tombés dans les rêts de la drogue. "Ils sont des centaines de victimes des drogues dures. Leurs familles ne peuvent plus rien pour eux, ils sont livrés à la rue et aux trafiquants qui en font ce qu'ils veulent. L'une des grandes réussites des programmes religieux est justement d'aider ces jeunes à se débarrasser de toutes ces drogues qui ont détruit une large partie de leurs vies." Ce discours est accompagné de critiques au vitriol du gouvernement britannique, "l'un des plus menteurs dans l'histoire de ce pays", qui ne fait rien pour aider les drogués issus des minorités musulmanes. Dans la banlieue londonienne presque à la sortie de la ville vers l'aéroport de Gatwick, il y a un quartier avec pignon sur rue qui a ses prostituées, ses dealers et compte parmi les endroits les plus dangereux de la ville. On apprendra que des Marocains, des Arabes et Musulmans viennent s'approvisionner continuellement. Certains d'entre eux habiteraient même le quartier.
Les nouveaux prophètes
"De Regent's Park à The Tower Bridge, de Hyde Park à Liverpool Street en passant par Picadilly Circus, Green Park ou Charing Cross, les frères musulmans sont là pour veiller au grain et tester le pouls de la ville". Dans ces coins de la ville et autres moins connus et moins prestigieux, les noms des nouvelles idoles de la jeunesse musulmane sont Mollah Omar, Sami Ul Haq, Abu Bakar Ba'asyir, Khattab de Tchétchénie, et autres Abou Nahl, Faïk Abdourahmane, Ali Mawla, toutes des figures modernes symboles de la guerre sainte et du jihad. "Ici les stars sont Beckham et sa Spice femme ou alors Khattab l'homme qui a fait peur pendant des années au Kremlin et tous ses sbires". Celui que l'on surnommait l'Arabe noir était l'un des principaux combattants tchétchènes. Le bonhomme a été tué lors d'une opération spéciale russe (une lettre piégée) le 19 mars 2002. Depuis, il est l'une des figures les plus fortes du jihad islamique. Arabe de surcroît, il jouit aujourd'hui dans certaines mosquées du monde d'une aura presque prophétique. Pour ceux qui l'ignorent encore, Khattab était un Arabe, longtemps présenté comme un Jordanien, mais il était en réalité, selon les services secrets russes, Saoudien. "C'est Khattab qui a permis à l'argent de certains pays musulmans d'arriver en Tchétchénie pour que les rebelles puissent avoir des armes et combattre les Russes", assène notre ami égyptien qui s'étend sur l'exemple d'un tel homme qui lui, a lutté pour une bonne cause, "celle de la liberté d'un peuple opprimé, agressé de toutes parts par l'une des armées les plus criminelles au monde alors que la communauté internationale félicite un criminel de guerre comme Poutine". Le nom d'Abu Bakar Ba'asyir semble teinté de la même sacralité, et les jeunes Musulmans des mosquées que nous avons visitées retiennent son nom comme celui d'un saint homme qui a donné sa vie à la cause des justes. "C'est lui qui a tenu tête à son gouvernement en disant en 1978 que les Musulmans ne doivent suivre que les écrits du Coran et des hadiths. Un point, c'est tout". On nous parle de ses années de prison entre 1979 et 1982, de sa fuite en Malaisie en 1985, des difficultés qu'il a eues pour créer une école coranique en Malaisie, surtout, parce qu'il était un étranger et de tous ses disciples qui en ont construit des dizaines voire des centaines depuis. C'est lui encore qui réclame 300.000 dollars au gouvernement singapourien pour l'avoir accusé d'être un terroriste avant d'aligner toutes les voix de son côté en disant : "les Juifs refuseront aux Musulmans le droit de vivre en paix. Le Coran et les hadiths disent que les Juifs seront les ennemis de l'Islam. Pour combattre un tel adversaire, il faut être intraitable. Je soutiendrai quiconque décidera de participer au jihad en Palestine. Nous avons été blessés, nous devons nous venger. Ne craignez pas la mort ! Ceux qui meurent dans une telle bataille connaissent une mort de moujahid". Aujourd'hui dans les ruelles de Londres, on entend les mêmes variantes de ce discours qui trouve des oreilles ouvertes et des têtes manipulables pour les croire. De retour à la grande mosquée de Londres, le fief d'Abou Hamza et des siens, on tombe sur un Marocain qu'on nous a montré, mais qui a refusé de nous parler en entendant notre accent du bled qui a remis des souvenirs dans sa tête. On aura attendu longtemps avant de tomber sur ce compatriote qui nous a tourné le dos le regard rouge de colère. Mais ce dernier détour nous a réservé le meilleur: un groupe de jeunes égyptiens et tunisiens nous parle des zones refuges au Pakistan devant le regard fier de leur ami dont le physique trahissait son origine de Karachi ou de Lahore. "Tous les amis de Ben Laden se sont repliés dans les zones tribales de la ligne de Durand. Il y a presque six millions de Musulmans qui y vivent et qui sont tous pour Oussama et ses fidèles. De Khyber à Oraksai en passant par Kurram, Bajaur et les deux waziristan du nord et du sud, nous avons toujours un endroit au monde où nous retirer pour préparer nos plans. Les véritables Musulmans sont imprenables de ce côté-ci de la terre de Dieu, c'est leur forteresse et les Américains depuis plus d'un an ne peuvent pas mettre la main sur Oussama et les siens.
Le Cheikh vit là-bas et personne ne peut le toucher depuis la folie de Tora Bora et le pilonnage intensif des mécréants qui n'ont rien eu de sa foi. Quoi qu'il arrive, nous avons un dernier sanctuaire pour livrer notre bataille. Et il ne faut pas croire tout ce que les médias occidentaux disent sur les fuites dans la région et la capture des amis de Ben Laden. Ce ne sont là que des mensonges comme celui de l'arrestation d'Abou Zubaida que le directeur même du FBI Robert Muller déclarait mort dans l'avion qui s'est écrasé en Pennsylvanie le 11 septembre". Devant un tel flux de paroles et une telle hargne, il ne reste plus qu' à tourner le dos et aller prendre un pot loin de ce monde étrange au cœur de la civilisation où les pratiques moyenâgeuses côtoient les habitudes les plus modernes du moment…


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.