Il apparaît, de plus en plus, que la volonté d'atteindre un consensus autour de la loi électorale débouche sur une dénaturation du scrutin de liste. Le choix se dirige graduellement vers la consécration d'un mode de scrutin qui s'apparente à une copie revue et corrigée du scrutin uninominal. La Commission de l'intérieur, de la décentralisation et des infrastructures de la Chambre des représentants tient, aujourd'hui même, une réunion décisive. Il s'agit, en effet, d'écouter les réponses du ministre de l'Intérieur, Driss Jettou, qui doit, à cette occasion, apporter les éclaircissements nécessaires au sujet de la position du gouvernement et des réserves, et autres amendements, présentés par les partis politiques de la majorité et de l'opposition autour de la loi électorale. Jusqu'ici, Driss Jettou avait réussi à atténuer les divergences de points de vue des partis qui se sont retirés des précédentes réunions ou qui ont martelé, haut et fort, leurs réserves, lors des travaux de la commission technique. Les efforts du ministre de l'Intérieur ont, en effet, permis de rapprocher les positions et d'ouvrir la voie à l'adoption d'une formule consensuelle, susceptible d'obtenir l'adhésion de toutes les parties. Dans une manœuvre tactique très habile, Driss Jettou a réussi à transformer la commission technique en véritable commission politique élargie, dotée des prérogatives nécessaires pour l'examen des élections dans leurs volets politique et organisationnel. Cette commission s'était donc réunie, mardi dernier, en présence des délégués de tous les partis représentés au Parlement. A l'exception de l'USFP, représentée par Abdelouahed Radi, l'Istiqlal, représenté par Saâd El Alami, et le CNI, représenté par Mustapha Kanaâne, toutes les autres formations politiques avaient dépêché leurs secrétaires généraux. C'est dire l'importance d'une telle réunion, où Driss Jettou avait également réussi à canaliser les débats sur le projet gouvernemental, dans ce sens que ce projet donnera au peuple le sentiment de vivre un changement qualitatif et permettra de garantir une réelle représentativité des partis politiques à travers le respect du vote populaire, le libre choix des candidatures et l'élection de compétences appelées à réhabiliter l'action politique au Maroc. Ces débats, souvent chauds pour ne pas dire houleux, ont été couronnés par l'adoption consensuelle, mais pas unanime comme relaté par certains médias, des principaux articles de la loi organique. Ainsi, le principe général du scrutin de liste à la proportionnelle avec le plus fort reste a été maintenu. Le seuil de 5 % des voix a été ramené à 3 %. L'accord a porté également sur la liste nationale de 30 candidats, l'utilisation d'un bulletin de vote unique, l'apposition de l'encre indélébile sur la main des électeurs, le remplacement des couleurs par des sigles qui seront déterminés par le ministre de l'Intérieur, le contrôle des opérations électorales dévolu aux juges des référés. Le ministre de l'Intérieur devra, par ailleurs, définir par décret les circonscriptions électorales et le nombre de sièges à pourvoir par circonscription, qui peuvent varier entre 2 et 4. De fortes résistances s'annoncent Cependant, et malgré l'accord de principe, certains partis politiques continuent à émettre des réserves et réclament un approfondissement des discussions avec Driss Jettou, en vue d'aplanir toutes les appréhensions et les craintes. Le ministre de l'Intérieur a accepté le principe de telles rencontres qui aboutiront, selon lui, à atteindre un large consensus permettant une adoption unanime du projet gouvernemental. Dans ce sillage, le MNP de Mahjoubi Ahardane demande plus d'explications au sujet du mode de scrutin de liste, et le PJD insiste sur le maintien du seuil de 5 % des voix à l'échelle nationale, et non à l'échelle provinciale, comme cela a été convenu. Toutefois, les plus fortes résistances émaneront du PPS, de l'OADP, et du Congrès ittihadi. En effet, ces trois partis persistent à contester le nombre des sièges à pourvoir dans chaque circonscription. Pour Ismaïl Alaoui, Mohamed Bensaïd et le Dr. Bouzoubaâ, il serait préférable de réserver au moins 6 sièges à pourvoir dans chaque circonscription, pour ne pas vider le scrutin de liste de tout son contenu. C'est ce qui a fait dire au député Zaidi, de l'OADP, que la situation qui se présente augure du retour par la fenêtre du scrutin uninominal, qui avait été chassé par la porte. La réunion de la commission de l'intérieur est donc appelée à répondre de manière exhaustive à toutes les questions pendantes. L'essentiel demeure, en fin de compte, de voir s'organiser des élections libres et transparentes dont seront fières toutes les composantes du peuple marocain.