FOCUS 1973, le Maroc vit une phase particulièrement trouble : succession de coups d'Etats, procès politiques, répression sans merci contre les groupuscules d'extrême gauche menées par un certain Abraham Serfati et bras de fer entre partis de l'opposition et le pouvoir fragilisé de feu le Roi Hassan II . C'est à cette époque qu'éclate l'affaire dite du " Clipperton " et fait son apparition dans la jargon politique marocain . A l‘origine, une série d'articles publiés sur la Une du quotidien Istiqlalien " l'Opinion" vantant durant une bonne quinzaine de jours la " lutte héroïque du peuple de l'île de Clipperton " combattant l'occupation française. Le quotidien " L'opinion " était alors dirigé par Abdelhamid Aouad, l'ancien ministre du plan dans le gouvernement Youssoufi . Il n'était pas encore membre du comité exécutif du parti du " Zaïm "Allal El Fassi , alors que la rédaction en chef de " L'Opinion " était confiée à Feu Ahmed Chahid, lequel venait de remplacer deux grands noms de la presse écrite que furent Feux Abdelhai Aboulkhatib et Abdellatif Bennis. Ceux-ci venaient de rejoindre, presque simultanément le quotidien " Le Matin du Sahara " qui venait de naître en novembre 1971 après le rachat des quotidiens d'Ives MAS " Le Petit Marocain " et " La Vigie marocaine " par le nouveau groupe " Maroc Soir " confié à l'ancien ministre d'Etat Moulay Ahmed Alaoui . Ce n'est que trois mois plus tard que l'on découvrit, par le biais de la presse du groupe " Maroc Soir " que l'île du Clipperton , située au large du Mexique et dépendant de la Polynésie française était en fait une île française inhabitée. Mieux encore, aussi bien les noms des leaders et des guérilleros Clippertonais cités dans cette série d'articles étaient purement imaginaires puisqu'ils sont tirés des noms d'oiseaux, d'arbres, d'animaux et des espèces de poissons vivant dans cet atoll isolé dans le Pacifique, qui se trouve à un peu plus de 6.000 km du territoire français de Tahiti, territoire auquel il est administrativement rattaché, et à 1300 km du Mexique. On ne saura jamais qui a été à l'origine de cette affaire et qui a pu introduire dans une telle erreur un journal qui se voulait à l'époque le défenseur inconditionnel des peuples opprimés et luttant pour leur indépendance. Toujours est-il qu'on avait parlé d'une machination dans laquelle auraient trempé aussi bien les deux journalistes Abdelhai Aboulkhatib et Abdellatif Bennis, que leur nouveau directeur Moulay Ahmed Alaoui et avec le concours discret et efficace des services de l'ambassade de France à Rabat. Considérées au début des années 70 comme une possession française dont l'intérêt était beaucoup plus stratégique qu'économique, les îles du Clipperton, viennent d'être érigées cette semaine en zone économique exclusive (ZEE) . leurs richesses halieutiques sont désormais "mises en exploitation", comme vient de l'annoncer le secrétaire général adjoint du haut-commissariat de Polynésie française Rachid Bouabane-Schmitt. Sa zone économique est en effet immense puisqu'elle étendue sur pas moins, de 425.000 km2. Jusqu'à présent, la souveraineté française ne se manifestait sur place, que par le passage, une fois par an, d'un navire de la marine nationale, alors que sur l'atoll lui-même une station météo automatique fonctionne depuis le 7 avril 1980. L'ouverture à partir de ce mois-ci de cette zone à la pêche est prioritairement destinée aux pêcheurs français, dont ceux de Polynésie française, pour qui cette ZEE a été ouverte, a expliqué mercredi Rachid Bouabane-Schmitt dans " La Dépêche " de Tahiti. Il s'agit aussi d'"affirmer la souveraineté de la France" sur cet îlot et sur la ZEE qui l'entoure, d'"obtenir des redevances des pêcheurs étrangers" et de "limiter le pillage de la zone", a-t-il ajouté. Si cette zone était officiellement inexploitée jusqu'ici, les autorités françaises savent que de nombreux pêcheurs d'Amérique du Sud viennent y capturer illégalement de grandes quantités de poissons. Récemment, le navire français "Prairial" a pris en flagrant délit trois navires, dont l'un chargé de plus de 1.000 tonnes de poissons. Confronté à une crise de la pêche hauturière en Polynésie française en raison d'un manque de poissons depuis deux ans, des armateurs de Tahiti ont fait savoir qu'ils étaient intéressés par une première campagne exploratoire à Clipperton. "Il faut se dépêcher", estime Rachid Bouabane-Schmitt, "car déjà quatre licences étrangères sont demandées". "Le fait de mettre cette zone en exploitation signifie aussi qu'il faut la gérer et la surveiller. Donc introduire des quotas. Le nombre de licences sera contingenté", précise le haut-commissariat.Ces procédures se feront dans le cadre de l'IATTC (Inter American Tropical Tuna Commission), organisme dont la France est membre depuis 1973 et dont Rachid Bouabane-Schmitt vient d'être nommé commissaire. C'est dire que le Clipperton est de nouveau ressuscité sous la pression des contraintes économiques évidentes que le monde connaît particulièrement dans le secteur stratégique de la pêche.