Affaire DE LA Banque CENTRALE populaire Au terme du réquisitoire du parquet, le procès d'Abdellatif Laraki, ancien PDG de la BCP, accusé de détournement de deniers publics, a été examiné pièce par pièce tout au long de l'audience du 18 décembre dernier consacrée aux plaidoiries de la défense. Le juge chargé du dossier a reporté l'affaire à la séance du 26 décembre 2005; probablement la dernière, avant de décider sur la compétence matérielle de sa juridiction. Détour. C'est incontestablement le procès qui retient le plus d'attention en cette fin d'année au tribunal de première instance de Casablanca. L'affaire en question a connu plusieurs rebondissements tant au Maroc qu'en France. Le principal accusé en est l'ancien patron de l'une des plus grandes banques du pays. L'ex-Pdg de la BCP vole toujours la vedette à chacune de ses apparitions. Mais, les raisons d'aujourd'hui ne sont plus celles d'antan. En effet, Abdellatif Laraki, en liberté provisoire, est poursuivi en justice pour des chefs d'accusations très graves : “malversations, détournements de fonds et abus de pouvoirs". La soixantaine révolue mais bien portant, posture hésitante, tenue propre, l'homme convoqué ce jour-là, lundi 18 décembre 2005, à son énième audience, évite les regards, tant qu'il peut, des justiciables qui le croisent à côté de la salle 5. Il fuit également les questions que lui lancent les journalistes, peu nombreux, venus assister à son procès. Dans son infinie détresse, Laraki adopte tout simplement le profil bas. L'apparence qu'il dégage est celle d'un malheureux coupable injustement désigné. Sans aucune émotion, sa confusion est flagrante. Ses déboires avec la justice marocaine sont loin d'être résolus. Son affaire est plus compromettante qu'on ne le pense. Au fur et à mesure que les débats de fond et de forme avancent, l'étau se resserre de plus en plus sur le banquier controversé. À entendre le dernier réquisitoire du substitut du procureur du Roi chargé de l'affaire, les infractions retenues contre Abdellatif Laraki sont de nature criminelles et il revient à la cour d'appel de Casablanca d'examiner l'affaire. Dispositions de la procédure pénale et jurisprudence de la Cour suprême à l'appui, le ministère public a appuyé son réquisitoire sur l'infraction «détournements de deniers publics» pour défendre son argumentaire et condamner Laraki. «La BCP détient plus de 90% du capital de la succursale à Paris. Et ce n'est pas parce que l'Etat participe dans des sociétés privées qu'il faut lui ôter les prérogatives de puissance publique», explique le substitut du procureur du Roi au président Nourredine Kacine qui passe le dossier au crible. Par ailleurs, le parquet a expliqué que sa requête trouve son fondement dans le dahir du 2 février 1961 qui stipule dans son article premier que le capital de la BCP est souscrit par l'Etat, les établissements publics et semi-publics et la Banque centrale, ainsi que des personnes morales soumises au droit public et privé ; ce qui fait que la Banque Populaire du Maroc en France est un établissement créé par la BCP et que son capital est constitué de deniers publics. Quid des arguments de la défense ? Contestant cette thèse, la défense de Abdellatif Laraki a tenté vainement de "vendre" un argument tiré par les cheveux : celui du caractère privé de l'agence et, par conséquent, de tous les actes qui s'en suivent. Dans sa tentative désespérée de disculper son client, la défense de Laraki a dénoncé une série de vices de formes qui ont entaché la procédure judiciaire. À commencer par la contestation du fondement même et de la légitimité des poursuites judiciaires enclenchées à l'encontre de son client du fait que la plainte a été déposée deux ans après le départ de Laraki à la retraite. Dans une plaidoirie non argumentée, les avocats de Laraki ont fait également savoir que les poursuites judiciaires contre leur client ont été enclenchées en premier lieu par les autorités Françaises et non pas par le Maroc et que la France n'a aucun droit de poursuivre les responsables marocains. De même, la défense soutient que le parquet n'a pas présenté suffisamment de faits préjudiciables pour inculper Laraki pour «malversations, détournements de fonds et abus de pouvoirs». Coincée sur ce dossier, l'avocat de Laraki n'a trouvé de réponse autre que de déclarer: «qu'il n'existe aucune preuve d'abus de confiance ni de dilapidation des deniers publics». Et de renchérir: «Toutes ces accusations restent infondées. L'argent que mon client avait pris dans le compte de la BCP en France était sous forme de prêts à durée indéterminée. Il n'y a eu aucun abus de confiance ». En tout cas, et jusqu'à preuve du contraire, Abdellatif Laraki supervisait la traite de cette superbe vache à lait qu'est la BCP. Le compte bancaire n° 120.3014 a été vidé sur ses ordres pour couvrir des frais qui n'ont aucune relation avec les activités de la banque, notamment l'acquisition d'un appartement en son nom à Paris ou le règlement des dettes de plusieurs bénéficiaires. De droit comme de fait, il a dilapidé les deniers publics et il doit être poursuivi, comme le soutient le parquet, pour détournement de fonds conformément aux dispositions de l'article 241 du code pénal.