Le Maroc maintient sa décision de ne pas abriter la CAN conformément au calendrier initialement établi par la CAF. Un bras de fer est donc engagé avec un risque de lourdes sanctions et des retombées qui dépasseraient l'aspect sportif dans le domaine politico-économique. La décision est tombée tel un couperet après avoir tenu en haleine tout un continent. Le gouvernement marocain est décidé à ne pas abriter la Coupe d'Afrique des nations programmée initialement du 17 janvier au 8 février 2015, en raison des risques liés à la propagation du virus Ebola. Ceci, en dépit de la position indéboulonnable de la CAF. Ainsi, le Maroc s'engage dans un bras de fer déséquilibré pour plusieurs raisons. Il y a des raisons réglementaires et sportives, mais surtout économiques et politiques auxquelles d'aucuns accordent à tort peu d'intérêt. La CAF était on peut plus claire, «le Maroc doit accueillir la première manifestation sportive du continent car les risques liés à Ebola sont minimes», avait en effet déclaré le vice-président de la CAF. De son côté, le secrétaire général, le Marocain Lamrani, soutient que «le mouvement de foule dont parle les officiels marocains est exagéré car il ne dépasserait guère en réalité quelques centaines de personnes originaires d'Afrique subsaharienne. Quant à la partie marocaine, elle avance dans le communiqué du ministère de la Jeunesse et des sports que «les risques sérieux de propagation de la pandémie mortelle d'Ebola» et propose un report à juin 2015 ou à janvier 2016, sauf que cette proposition semble totalement ignorer le communiqué de la CAF rendu public à Rabat lors de la récente visite de Hayatou dans notre pays, où il disait clairement que «cette CAN sera organisée en son temps au Maroc ou ailleurs». Ainsi, l'attente de la réaction de la CAF se fait pressante alors que sa décision officielle sera déclinée demain, 11 novembre. D'ores et déjà, les observateurs ne s'attendent à aucun revirement du comité exécutif et spéculent sur la nature des sanctions dont risque d'écoper le Maroc. Lourdes sanctions ? Conformément aux listes de la CAF, le Maroc encourt des sanctions lourdes allant jusqu'à un gel d'activités footbalistiques pendant quatre années. Lequel gel signifie l'arrêt de sa participation dans toutes les manifestations continentales de la discipline, des jeunes jusqu'aux seniors, en plus des arbitres, des délégués et des représentants marocains dans les instances dirigeantes de la CAF. De plus, notre pays aura à payer une amende qui serait très lourde en cas de non acceptation par aucun pays d'organiser la manifestation en janvier 2015. Cette amende sera fixée en fonction des contrats de sponsoring qui seront annulés en plus du manque à gagner sur les droits TV et autres contrats publicitaires. En outre, les rapports avec les instances gouvernantes de la CAF seront davantage tendus, ce qui laisse présager une absence totale d'invités africains à la prochaine Coupe du monde des clubs, en plus d'une déficience de soutien africain en cas de présentation par le Maroc de sa candidature à n'importe quelle manifestation sportive sur le continent. Sur un plan économique, toute la machine enclenchée depuis des mois en termes de réservation d'hôtels, de préparation, de mise à niveau des infrastructures, de logistique, sera grippée, causant au passage des pertes et des manques à gagner se chiffrant à des milliards. Cependant, le grand risque non quantifiable que court le Maroc est d'ordre politique, dû à une éventuelle instrumentalisation de ce dossier par nos adversaires et nos ennemis. Report de la CAN, le plaidoyer du Maroc La décision de reporter la CAN a été difficile mais inévitable. C'est la substance du communiqué du ministère de la Jeunesse et des sports qui indique que cette option est «dictée par des raisons sanitaires de la plus haute dangerosité, liées aux risques sérieux de propagation de la pandémie mortelle Ebola», avant d'ajouter que «la décision du Maroc s'avère parfaitement recevable pour justifier un ajustement du calendrier de la CAN et reproduire ainsi le schéma des éditions 2012 et 2013 durant les années 2016 et 2017». L'optique du Maroc reste donc celle visant à épargner non seulement les citoyens marocains des risques probables du déplacement de milliers de supporters mais aussi provient du souci de garantir le plein succès de la compétition. Une conférence de presse est prévue aujourd'hui à Agadir avec le sélectionneur national Badou Zaki, qui sera une occasion de mesurer l'impact de cette décision sur les préparatifs du onze national et sur le calendrier des rencontres amicales qui ont été programmées. Quel gâchis ! Oui, le Maroc a pris une décision souveraine comme d'aucuns persistent à le ressasser, mais en a-t-il bien évalué les retombées? A-t-il élargi la réflexion au-delà du périmètre sportif ? Rien n'est moins sûr car depuis le début de ce feuilleton, les détenteurs des clefs de ce dossier ont fait preuve d'un va-t-en-guerre inexplicable. Ils ont commencé par mettre la CAF devant le fait accompli, puis ont essayé de semer la peur en évoquant un mouvement de foule d'un million de visiteurs (les sonores sont toujours disponibles) et enfin, ont évoqué la souveraineté du pays sur son territoire. Bémol: nos officiels ont oublié que la CAN est la propriété de la CAF et que seule cette dernière a toute latitude pour décider de son sort. S'agissant du risque Ebola, la position du Maroc est fortement contrariée par la desserte par la RAM de 15 vols par semaine sur des destinations couvertes par le foyer d'Ebola, à savoir la Guinée, le Sierra Leone et le Libéria. Ce ne sont pas moins de 1.500 personnes qui sont transportées de ces pays vers le Maroc chaque semaine sans que le moindre cas ne soit détecté. Plus encore, des compagnies aériennes internationales telles qu'Air France, Iberia, South African Airways, Air Côte d'Ivoire, entre autres, ont renoué avec la desserte des pays touchés par le virus, estimant que le risque s'estompe progressivement. C'est pourquoi d'aucuns relèvent de l'incohérence dans le plaidoyer du royaume et prédisent des sanctions sévères sans parler de l'impact politique. Dommage !