Le modèle de coopération initié par la diplomatie marocaine s'est renforcé en 2016 après les visites royales effectuées en Russie et en Chine. Le partenariat stratégique avec la Russie et la Chine n'était pas un choix forcé pour la diplomatie marocaine dans un contexte international dont la règle principale est l'anomie des acteurs internationaux envers les enjeux de nouvelles alliances solennelles et secrètes, qui se sont accélérées. Le Maroc qui a toujours gardé des relations solides avec ces deux pays membres du Conseil de sécurité de l'ONU devait agir après que les alliés traditionnels ont montré une certaine «indifférence» dans leurs usages diplomatiques au sujet de la question du Sahara. L'initiative prise par le roi semble donc s'inscrire ainsi dans la ligne de conduite suivie par la diplomatie marocaine depuis l'éclatement du «printemps arabe» et les hostilités qui ont suivi au sein de plusieurs pays. L'ouverture vers la Russie et la Chine traduirait également durant cette année 2016 le souci profond de la diplomatie marocaine de rester sur les mêmes ondes que celles des pays arabes. Les visites royales dans ces deux pays étaient certes destinées à débattre des questions vitales pour le Maroc, mais assuraient aussi une continuité dans le mouvement diplomatique intense qui a été enregistré entre la Russie et la Chine d'une part et les pays arabes d'autre part depuis le double veto de ces deux pays au sujet de la crise syrienne. Même si les alliés traditionnels du Maroc n'ont pas affiché clairement leur inquiétude envers le renforcement de ce partenariat politique et économique avec la Russie et la Chine, le Maroc a tenu à anticiper en rassurant les pays occidentaux sur l'immuabilité des intérêts communs qui unissent le Maroc et les pays habituellement hostiles à la Russie. L'important pour la diplomatie marocaine était d'afficher qu'elle reste souveraine dans sa prise de décisions au sujet des choix stratégiques qu'elle opère. Plusieurs indicateurs plaident en effet en faveur de cette orientation, qui s'est confirmée durant cette année, notamment les accords conclus avec la Chine. La nouvelle carte de la coopération avec la Russie La nouvelle ère commerciale inaugurée avec la Russie traduit le seuil de confiance mutuelle entre les deux pays. Les conventions qui ont été validées lors de la visite royale en Russie en mars 2016 portent sur des secteurs clés pour le Maroc que sont les services aériens, la protection de l'environnement, la pêche, la promotion réciproque des investissements, mais aussi un accord pour la protection mutuelle des informations classifiées dans le domaine militaire ainsi qu'un autre accord sur l'extradition. Pour marquer leur forte volonté de développer davantage leurs relations, le Maroc et la Russie sont actuellement unis par un mémorandum d'exploration du sous-sol et un autre concernant la surveillance vétérinaire. Pour donner un impact tangible à ces contrats, les deux pays ont également étendu leur coopération aux domaines religieux et culturel avec deux mémorandums d'entente qui ont été signés entre le ministère des Habous et des affaires islamiques et le Conseil de la choura des muftis de Russie ainsi qu'une convention-cadre dans le domaine culturel. Dans la même optique, qui consiste à lever toutes les origines de méfiance entre les deux pays, un programme d'actions communes pour les années 2016-2018 dans le domaine du tourisme a été signé pour faire de la destination Maroc une priorité dans les programmes de promotion en Russie. Maroc-Chine, un avenir commun Plus qu'un partenariat stratégique, les relations du Maroc et du géant asiatique se sont hissées en 2016 à une coopération à dimension continentale, vu la forte présence des hommes d'affaires chinois en Afrique. Le continent reste en effet un point d'appui pour les deux pays, qui ont pratiquement des vues similaires sur les principales questions qui préoccupent la communauté internationale. Lors de lavisite royale, d'autres gisements de partenariats ont été explorés, lesquels devront donner des résultats sectoriels d'ici 2020. Le bilan des relations bilatérales indique que le Maroc est le dixième partenaire commercial africain de la Chine, tandis que l'Empire du milieu est le quatrième partenaire commercial du royaume. C'est en 2013 que la vitesse de croisière a été atteinte dans les échanges entre les deux pays avec un niveau record de 3,69 milliards de dollars, soit une augmentation de 4,8% par rapport à 2012. La Chine a exporté des produits d'une valeur de 3,13 milliards de dollars vers le Maroc, soit une croissance de 29%, alors que les importations sont de l'ordre de 558 millions de dollars, soit une augmentation de 17%. En 2016, il s'agit de diversifier les échanges qui sont dominés actuellement par des importations marocaines formées essentiellement de produits du textile, d'appareils électroménagers, d'équipements industriels, de thé et d'articles d'usage courant, alors que les engrais des phosphates et les produits de mer sont les principaux produits marocains exportés vers la Chine. Les deux pays entendent s'ouvrir davantage sur les marchés régionaux dans des secteurs porteurs, notamment les énergies et les nouvelles technologies. Lors du sommet des entrepreneurs sino-africains (SAES) tenu à Marrakech en novembre 2015, il a été estimé que le montant des investissements de Pékin en Afrique pourraient atteindre 100 milliards de dollars à l'horizon 2020. Pour la Chine, l'Afrique n'est plus un terrain où l'on vient uniquement rafler des marchés pour la construction de grands chantiers d'infrastructures. Désormais, les hommes d'affaires chinois pensent à investir sur le continent en y délocalisant leurs entreprises. Cette évolution est dictée par la cherté croissante des coûts de production en Chine, accentuée par la montée fulgurante du niveau de vie. Pour rester compétitifs, certains secteurs sont obligés d'externaliser leurs unités de production. Le tourisme, véritable cheval de bataille Dans l'optique d'un partenariat win-win, le Maroc a préparé un programme pour stimuler les touristes chinois visant à multiplier par dix le nombre de visiteurs chinois d'ici 2020 pour le porter à 100.000 au lieu de 10.000 enregistrés en 2015. Une mission qui sera facilitée par la suppression des visas, à partir du 1r juin 2016 pour les Chinois. En plus du mémorandum d'entente visant le soutien des flux touristiques de part et d'autre, le Maroc bénéficie des avantages fournis par l'accord de statut de destination approuvée (SDA) pour développer des partenariats ciblés avec les opérateurs chinois. Le plan d'action adopté repose également sur l'accompagnement du département de tutelle, qui réside principalement dans la mise à disposition de guides chinois agréés encore rares et l'aménagement de sites prisés par ce genre de touristes. D'autres exigences renvoient au renforcement de la présence de la cuisine chinoise dans les principaux lieux d'attraction, sans oublier la problématique des lignes aériennes directes. La convergence des actions reste cruciale pour cette 2e moitié de l'année 2016, laquelle sera également réservée à l'activation des mesures qui doivent être prises afin de repositionner le Maroc et de profiter de la dynamique de l'échange entre les deux pays dans les autres domaines convenus lors de la visite royale.