Les déchets n'ont jamais été aussi budgétivores. 1,16 milliard de dirhams, c'est le chiffre exact exprimant l'appui global apporté par le Plan national des déchets ménagers et assimilés (PNDM), aux différentes collectivités locales du royaume. Cette stratégie lancée en 2008 devrait boucler, à la fin de cette année, la première de ses trois phases de mise en œuvre, pour une échéance fixée à l'horizon 2012. C'est l'occasion parfaite pour dresser le bilan d'étape et revenir sur les acquis de cette phase d'initialisation, «qui permet d'intégrer les projets en cours aux projets prioritaires», explique Anass Laraïchi, chef de service au ministère de l'Intérieur, en marge du dernier Salon Pollutec. Mais il faut tenter de s'engouffrer dans le détail des chiffres pour mieux évaluer la portée de ces acquis. La collecte et le nettoiement est à la tête des composantes de cette première phase. Un budget de 147 millions de dirhams y a été alloué. «Cette enveloppe a été injectée dans la professionnalisation des systèmes de collecte, à travers l'instauration de la gestion déléguée des déchets ménagers à des entreprises spécialisées, dans 85 communes», déclare Laraïchi. Et d'ajouter : «65% de la population urbaine est actuellement desservie par des sociétés privées. 71 contrats sont actuellement en cours». Le tonnage collecté à travers ces partenariats se situe à une moyenne de 3,8 millions de tonnes/an, soit un taux de collecte «professionnalisée» de 75%. Ces chiffres sont encourageants, mais pas assez importants en tout cas pour occulter les derniers couacs ayant marqué le système. Le départ de Veolia Environnement de Tétouan, ainsi que les déboires d'enseignes telles que Tecmed à Mohammédia ou encore Pizzorno dans certains arrondissements du Grand Casablanca, ont largement renseigné sur l'imperfection ou l'inappropriation de cette politique de délégation de gestion. Contrôles La seconde grande composante porte sur la création de décharges contrôlées. Douze décharges contrôlées ont ainsi été réalisées, au moment où 6 autres sont en cours. «Cela nous a permis d'atteindre un tonnage actuel de déchets enfouis de 1,5 million de tonnes/an, soit 31% de la production urbaine totale de déchets au Maroc», commente le cadre du ministère de l'Intérieur. Ce taux devrait être porté à 66% après l'achèvement des décharges en cours. Le montant global des appuis alloués à la réalisation de décharges contrôlées est de 379,52 millions de dirhams, et 55,2 millions de dirhams pour l'exploitation de ces décharges. L'autre aspect de cette première phase porte sur la réhabilitation des décharges sauvages. Un montant global de 253,28 millions de dirhams a ainsi été investi, pour la remise à niveau de 19 de ces sites spontanés. Par contre, si les chantiers précédents semblent avoir acquis de grandes avancées, celui sur l'élaboration de Plans directeurs provinciaux et préfectoraux de déchets ménagers, marque un peu le pas. Depuis 2008, un seul plan directeur a vu le jour à Tétouan. Mais les autorités rassurent vite : «Tous les plans directeurs seront lancés avant la fin 2011». Une exigence de la loi 28-00. Contraintes Cependant, une première expérience en gestion nationale intégrée de la problématique des déchets ménagers ne peut se réaliser sans contraintes et dysfonctionnements. Nonobstant les efforts budgétaires déployés lors de cette première phase, quelques manquements persistent et ne restent pas sans impact sur le déroulement du PNDM. Le manque de maturité et de visibilité dans certains projets est à la tête de ces obstacles. «À cela s'ajoute des difficultés en matière de planification et de maîtrise d'ouvrage, ce qui se traduit par des retards dans la réalisation des projets», reconnaît Laraïchi. Les contraintes sont aussi liées à la réticence et à la difficulté dans la mise en place de structures d'intercommunalité, ce qui ne permet pas l'optimisation des actions engagées. L'absence d'un système de pérennisation des ressources financières du secteur est par ailleurs citée parmi les points bloquants, qui ne permettent pas de sécuriser les budgets alloués aux gestions déléguées. L'insuffisance du suivi et du contrôle des gestions déléguées est aussi dans le collimateur. Point de vue Mehdi Taqui, Président de l'Association marocaine des Eco-villes (AMEV). C'est un projet ambitieux qui vise à remettre la gestion des déchets sur les bons rails, en particulier pour la construction de décharges contrôlées et la collecte des déchets de manière professionnelle. Cependant, il semblerait que ces autres objectifs se soient perdus un peu en route. En effet, cette approche très technicienne a mis de côté la question du pilotage et de la programmation. En effet, nous attendons toujours les plans directeurs régionaux censés encadrer la collecte, le traitement, le stockage et l'élimination des déchets industriels et inertes ! Aucune wilaya, aucun conseil régional n'a fait ce travail. Résultats, ces déchets dangereux continuent à être stockés dans les décharges municipales au mépris de la loi et des règles de bon sens. 11 ans après la loi et 5 ans après le PNDM, il est temps de changer de conduite : le temps presse et les conséquences de l'inaction coûtent de plus en plus cher. S'agissant des déchets ménagers, nous sommes convaincus que l'action ne peut être que locale. En effet, dans un même quartier, la collecte des déchets diffère d'une rue à l'autre. Il est vain donc de penser pouvoir résoudre ces questions à partir d'un plan directeur au niveau de la province. Nous avons ainsi recommandé à nos communes membres de prendre en charge cette question au travers du plan communal de gestion des déchets. Aujourd'hui, deux communes de notre réseau travaillent pour la première fois au Maroc sur ce projet (Agadir et Oulmès). Notre approche repose sur l'idée que le plan communal de gestion des déchets doit être conçu comme un projet de société, mobilisateur pour une gestion coordonnée, moderne et ambitieuse des déchets des communes.