Abdou Diop, Président de la Commission Sud-Sud Afrique à la CGEM La montée en puissance du Maroc sur le continent s'est renforcée en 2017. Le royaume a non seulement poursuivi son ouverture sur l'Afrique anglophone, mais a surtout enrichi sa présence par des implantations industrielles. Le constat est du «Monsieur Afrique» du patronat marocain, Abdou Diop, également à la tête de Mazars Maroc. Interview. Selon-vous, quels sont les faits saillants de l'année 2017 dans les relations maroco-africaines ? Abdou Diop : Les grands faits marquants de l'année 2017 dans les relations entre le Maroc et l'Afrique subsaharienne se résument, à mon sens, à quatre sujets majeurs : premièrement, le retour à l'Union africaine. C'est forcément l'événement phare de cette année. Deuxièmement, la demande d'intégration du Maroc à la CEDEAO, qui vient consolider toutes les actions d'intégration régionale. Troisièmement, la dynamique de rapprochement avec le Nigéria. C'est pour moi un élément très important sur plusieurs plans. Quatrièmement, le discours royal en août dernier sur la politique et la stratégie africaine du Maroc. Enfin, l'annonce de la création d'un ministère des Affaires africaines est également un fait marquant à retenir de 2017. C'est un tournant décisif dans les relations Maroc-Afrique subsaharienne. Sur le plan économique, que retenir de l'année qui s'écoule ? Le projet de gazoduc Atlantique Nigéria-Maroc est un élément très important sur le plan continental, de même que le lancement effectif du projet de plateforme de fertilisant de l'OCP en Ethiopie. Sur le plan économique toujours, la candidature du Maroc pour l'intégration à la CEDEAO est un facteur clé. J'y ajouterais toutes les actions menées par les banques marocaines pour sortir de leur zone de confort et aller sur les territoires d'Afrique de l'Est et anglophone. Globalement, le «label Maroc» a-t-il continué de gagner en importance sur le continent en 2017 ? Oui ! La marque «Maroc» se renforce. Dans le secteur des services par exemple, notamment bancaires, elle avait déjà réussi à conforter son assise en Afrique de l'Ouest. Aujourd'hui, le Maroc industriel s'exporte avec des réalisations industrielles importantes aussi bien en Afrique Occidentale que de l'Est. Cet élargissement de la présence marocaine est conjugué à la diversification des secteurs impliqués. L'industrie pharmaceutique, les engrais, et autres filières font désormais partie de l'aventure. Le royaume renforce sa présence africaine à travers le Maroc industriel. Aussi, le pays a désormais une position plus continentale que sous-régionale. Comme je l'ai dit, avant nous étions cantonnés à l'Afrique de l'Ouest et du centre. Enfin, sur le plan des IDE, le Maroc est monté en puissance en accroissant considérablement ses investissements dans les pays africains, grâce notamment aux projets majeurs déployés en Ethiopie et ailleurs. La dernière décision de la CEDEAO de se donner plus de temps avant de compter le Maroc parmi ses membres ne risque-t-elle pas de décourager certains ? Je ne le pense pas. Le Maroc veut rentrer dans la CEDEAO dans les meilleures conditions et dans le consensus. Le Maroc n'est pas pressé et n'est pas dans une logique d'accélération. Il faut que le processus suive son cours normal et que tout le monde soit rassuré et y adhère. S'il est nécessaire de prendre du temps pour examiner les choses afin de lever les réticences, nous sommes pour. Nous sommes conscients que c'est un processus qui droit prendre du temps. Le fait de se donner quelques semaines ou quelques mois de plus pour prendre la décision est plutôt une bonne chose. L'examen par la CEDEAO de l'étude d'impact et des implications de l'adhésion du Maroc ne nous dérange guère. Nous sommes conscients qu'il y aura sûrement un plan d'action qui doit mener à l'adhésion définitive. Et en 2018, quelles devraient être les grandes tendances dans les relations entre le Maroc et le continent ? Je pense que nous allons assister, en 2018, à ce grand rapprochement entre les pays du Maghreb et la CEDEAO. Comme vous le savez, en plus du Maroc, la Tunisie et la Mauritanie négocient des partenariats avec ce groupement régional. Par rapport au Maroc, les discussions avec la CEDEAO vont sûrement continuer, notamment sur le rééquilibrage ou la relecture des accords avec les autres pays et partenaires avec qui le royaume a signé des ALE. Un autre sujet sur lequel il faudrait forcément s'intéresser est relatif à la dimension OHADA (Organisation pour l'harmonisation du droit des affaires en Afrique). Le Maroc se positionne par rapport à l'OHADA, qui est une organisation importante. Les conditions à cette adhésion seront sûrement examinées. Par ailleurs, en 2018, le rapprochement Maroc-Afrique du Sud devrait se mettre en œuvre. Nous devrons aussi assister à l'ouverture du marché marocain des investissements aux investisseurs d'Afrique subsaharienne, sans parler de la nomination prochaine du ministre chargé des Affaires africaines.