La loi portant sur l'Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption est en cours de révision avant même son entrée en vigueur. C'est assez exceptionnel mais il faut dire que le texte qui a été adopté en 2015 est lacunaire. La loi portant sur l'Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption sera amendée pour permettre à cette instance de jouer son rôle dans ce dossier qui est désormais érigé en priorité. Pour activer cette instance, la révision de la loi s'impose en vue de passer à l'étape de la nomination des membres. Contacté par les Inspirations ECO, le président de l'INPPLC, Mohamed Bachir Rachdi qui a été nommé en décembre 2018, souligne qu'il est prévu d'adapter le texte aux dispositions constitutionnelles de manière à ce que l'instance puisse jouer pleinement son rôle de supervision et de coordination des politiques publiques mais aussi d'investigation. «La révision devrait s'effectuer rapidement. La question du temps est en effet un élément important pour la crédibilité de l'action d'autant plus que les choix sont tranchés et l'on sait quels sont les éléments sur lesquels il faut agir», dit-il. Les concertations entre les différents départements autour ce dossier sont bien avancées. Le ministre de la Réforme de l'administration et de la fonction publique, Mohamed Benabdelkader, nous assure que la révision de cette législation est inscrite dans une procédure prioritaire et devra bientôt être adoptée. La priorité doit être accordée à la cohérence globale des actions de l'instance de manière à ce qu'elle puisse accomplir son rôle institutionnel et soit en complémentarité avec les autres institutions. Il s'agit aujourd'hui de mettre fin aux lacunes qui vident l'instance de sa substance. Depuis l'adoption du texte par le Conseil de gouvernement en juin 2014, il a fait l'objet de critiques acerbes de la part de la société civile qui n'a cessé de pointer du doigt un net recul par rapport aux dispositions constitutionnelles. En tête des reproches : l'auto-saisine n'est pas stipulée par la loi alors qu'il est on ne peut plus nécessaire de doter l'INPPLC de cette attribution. Certes, l'instance peut être saisie par des personnes physiques ou morales mais ce n'est pas suffisant d'autant plus que nombreuses sont les conditions exigées pour accepter les plaintes. Le renforcement de l'initiative de cet organe s'impose pour traiter des dossiers où il y a des présomptions de corruption. Il s'avère également nécessaire de renforcer les capacités d'investigation de cet organe pour établir des preuves recevables par la justice. On s'attend à ce que les efforts conjugués de l'Instance et des autorités judiciaires tant au niveau des enquêtes que des poursuites et de l'accélération des procédures et de l'exécution des jugements aient un effet dissuasif et permettent ainsi de prévenir la corruption. La révision du texte devrait permettre le renforcement des pouvoirs de l'instance afin qu'elle soit une véritable force de proposition et d'orientation stratégique. Le législateur est appelé à garantir la mise en œuvre des recommandations de cette institution dont le rôle est primordial dans la mise en œuvre de la stratégie de lutte contre la corruption. Elle doit en effet jouer le rôle de superviseur en matière d'implémentation de cette stratégie ainsi que de coordination des politiques publiques y afférentes. L'instance de la probité va en effet travailler en étroite collaboration avec plusieurs acteurs dont le gouvernement, le Parlement et l'autorité judiciaire pour pouvoir venir à bout du fléau de la corruption et l'extirper des racines. Elle devra jouer un rôle de catalyseur de l'action de lutte contre la corruption. L'indépendance est également un élément clé dans la réussite de l'action de la future instance. Contrairement à l'instance centrale de la prévention de la corruption, aucune référence n'est faite dans la loi à la représentation de la société civile ou du secteur privé. Sur le volet financier, l'indépendance de l'institution est garantie mais encore faut-il la doter des moyens financiers nécessaires pour lui permettre de mener à bien ses missions. Obstacle au développement Le Maroc est très attendu sur le dossier de la corruption qui entrave son développement malgré les efforts consentis au cours des dernières années. Ce constat sonne, à chaque fois, comme un signal d'alarme pour l'ensemble des acteurs concernés. Le royaume peut mieux faire pour lutter contre le fléau qui pèse lourdement sur son attractivité économique. Le Maroc gagnerait à renforcer la transparence et améliorer son score en matière de perception de la corruption afin d'attirer les IDE et booster les investissements nationaux. La concrétisation de cet objectif passe par le traitement de toutes les faiblesses détectées. Au niveau du secteur privé, il faut sensibiliser toutes les organisations patronales aux moyens et outils de lutte contre la corruption. Les entreprises devraient être encouragées à élaborer des outils pour évaluer les risques auxquelles elles s'exposent lorsqu'elles investissent ou s'engagent dans des transactions commerciales. La révision du Code de gouvernance d'entreprises doit aussi se poursuivre en consultation avec le secteur privé. À cela s'ajoute la nécessité de réglementer certaines activités de type lobbying et encourager la dénonciation de la corruption. Une grande responsabilité incombe aux pouvoirs publics pour passer à la vitesse supérieure et mettre en place les mesures qui s'imposent. Plusieurs actions se font toujours attendre en dépit de leur plus haute importance. Dans le cadre de la réforme en cours de l'administration, le gouvernement ne doit pas reléguer au second plan un point important dans le renforcement de l'intégrité : l'adoption d'un Code de conduite pour les agents publics de sorte que les fonctionnaires exécutent leurs fonctions en toute transparence. Actuellement, aucune référence aux règles éthiques et aux valeurs des services publics ne figure dans le statut général de la fonction publique. Le gouvernement est appelé à combler ce vide dans les plus brefs délais. Il faut également adopter des mécanismes concrets pour gérer les conflits d'intérêt dans le secteur public.