Je suis très triste. Je viens de perdre un grand ami. Il était l'ami de tous. Le toujours souriant critique de cinéma, Noureddine Kachti, a été tué, en direct, sans trucage. La scène a duré quelques minutes, mais une seule prise a suffi. Lui-même a dû réaliser que ce n'était pas du cinéma, et qu'il était en train de mourir pour de vrai. Il est parti brusquement, tout seul, alors qu'il était en compagnie de trois autres artistes amis qui, eux, ont eu la vie sauve. Par miracle. Noureddine adorait le cinéma et le cinéma a fini par le tuer. En vérité, le cinéma n'y est pour rien. Les vrais criminels, c'est nous : hommes, femmes, citadins «civilisés» ou ruraux «arriérés», vieux expérimentés ou jeunes inconscients. Nous sommes tous des assassins en puissance. De sales individus. Des imbéciles. Des débiles ! Qui que nous soyons, agents d'autorité, parlementaires bien ou mal élus, responsables gouvernementaux, citoyens vertueux ou sujets irresponsables, nous sommes tous les complices d'assassinats en série. Même moi, le grand donneur de leçons et redresseur de torts qui vous parle, je dois reconnaître que parfois pour ne pas dire souvent, et pour des raisons lamentablement égoïstes, je deviens un vulgaire chauffard «auto-dépénalisé», justement, par la justesse supposée de mes sales propres raisons. Il paraît que le Maroc détient le triste record mondial des accidents de la circulation. Si c'est le cas, et connaissant les autres classements honteux que nous continuons d'afficher d'année en année dans des domaines divers et variés, nous n'avons vraiment pas à être fiers. Les victimes se comptent par milliers, et ça n'a pas l'air de s'améliorer. Nous ne nous améliorons pas, nous nous dégradons. Nous sommes des nuls ! Car comment expliquer que malgré l'amélioration sensible de notre parc de véhicules, le renforcement incontestable de notre réseau routier et surtout autoroutier, nous continuons de causer des accidents à tous les coins de rue et tournants de routes. Oui, nous les pauvres citoyens ou les pitoyables sujets, alors que nous ne sommes même pas capables de défendre nos droits ni encore moins d'être à la hauteur de nos devoirs, nous sommes souvent capables, par notre comportement immature et sauvage, d'être la cause directe ou indirecte de la mort ou du handicap à vie d'êtres humains forcément très chers à leurs proches, lesquels commencent à nous voir, à vie aussi, tels que nous sommes réellement : des assassins professionnels. Et dire qu'à la veille du nouveau code de la route, certains voyous et vauriens voudraient encore mettre des bâtons dans les roues pour retarder son application, à défaut de l'enterrer à vie. On devrait les interner, car ce sont des fous à lier. Noureddine, je sais que ce billet ne te ramènera pas à la vie, mais je sais que de là où tu es, tu continueras à avoir un regard critique sur notre cinéma, le bon et le mauvais, le vrai et le faux, car, toi, c'est à partir du mot FIN que ton boulot commence. Lumière !