«Le Maroc est en phase de décollage grâce à son programme e-gov». Voilà de quoi rassurer l'ensemble des acteurs du programme gouvernemental de numérisation, mais également les acteurs économiques et sociaux du pays. D'autant plus lorsque cette «prémonition» vient d'un organisme du calibre de la Banque mondiale. C'est plus exactement Masatake Yamamichi, consultant e-Gouvernement & télécommunications en charge de l'unité sectorielle des TIC au sein de la BM qui s'est exprimé en ce sens, mercredi dernier lors de la première conférence internationale de l'ATAM (Association des anciens élèves de télécom Paristech) sur eGov (lesechos.ma). La rencontre à laquelle a pris part un certain nombre d'acteurs économiques marocains, de représentants de syndicats professionnels ainsi que de la société civile, tout cela aux côtés d'experts internationaux en la matière, aura été l'occasion de faire le point sur l'état des lieux du programme structurel. Si le Maroc n'a finalement pas grand chose à envier à d'autres pays similaires d'un point de vue socioéconomique, il n'en reste pas moins que le chantier lancé bien avant le plan Maroc Numeric 2013 (en 2009, a encore beaucoup de chemin devant lui. D'où l'intérêt de cette rencontre, évaluer les acquis pour recadrer les priorités. C'est d'ailleurs ce que prévoit de faire le ministre de tutelle, Abdelkader Aâmara qui a annoncé lors de cette rencontre la tenue du prochain Ci-Gov ((Comité interministériel e-gouvernement) en octobre prochain, et au cours duquel, un réajustement des priorités devrait être opéré. Mieux, une commission dédiée au projet eGov devrait fort probablement être mise en place, laisse entendre le ministre, selon qui «elle serait directement liée au chef de gouvernement». Mais en attendant, le ministère doit préparer sa copie. Le benchmark international est déjà une première approche qui aura permis, comme l'a souligné Ahmed Rahou, président de l'ATAM, «Le Maroc se veut une économie ouverte qui s'inscrit dans la compétition mondiale à travers des entreprises fortes qui s'internationalisent. Il ne suffit donc plus d'être bien par rapport à soi même, mais il est temps de faire aussi bien que les autres». Benchmark international Au programme de cette rencontre, trois pays devenus des exemples en matière de e-Gov et donc trois expériences dont il faut retenir le meilleur. Pour l'Arabie Saoudite, qui partage presque le même schéma culturel que le Maroc, on retiendra surtout l'effort important de sensibilisation des citoyens aux e-services. Le gouvernement Saoudien avait, en effet, fait circuler plusieurs caravanes dans les contrées les plus éloignées du pays, afin de faire connaître les nouveaux services numériques de l'administration locale. En Slovénie, le gouvernement joue la carte de la «participation». Tout passe par les citoyens, même les projets de loi. Un site spécifique a été mis en place proposant aux citoyens de réagir ou de proposer des modifications aux projets de textes législatifs et pendant 30 jours avant le passage au Parlement. Au Mexique, le concept le plus original aura été la création de «Gadgets» gouvernementaux sur les réseaux sociaux. Du coup, les citoyens ont la possibilité de personnaliser leurs comptes et leurs abonnements Facebook en fonction de leurs besoins administratifs spécifiques. Ingénieux ! On «like» tous e-Gov Au-delà du simple fait de dématérialiser les documents administratifs ou de mettre à jour le site institutionnel d'un ministère, la démarche e-gouvernementale se veut à l'image de ce que Sebastien Muscher, Partner du bureau de Berlin chez Mckinsey & Company, «la génération Facebook». Pour cet expert en e-gov, «il faut penser au bénéfice clair du citoyen, car le gouvernement est souvent perçu comme un frein». Aussi, pour contrer ce référentiel international, les recommandations des experts tels que Muscher et Yamamichi, encouragent le rapprochement des deux entités (gouvernement et citoyen), notamment via les réseaux sociaux. Après tout, comme le souligne Yamamichi, «si les citoyens ont confiance en Facebook, pourquoi le gouvernement en aurait-il peur ?». L'idée n'est pas non plus de créer une page histoire de récolter des «fans». En réalité, la réussite d'un programme e-Gov se mesure à la pertinence des outils qu'elle propose aux citoyens. Les intervenants de cette journée-conférence n'auront cessé de le répéter, «pensez à la place des citoyens lorsque vous concevez vos outils». Une consigne de laquelle découlent toutes les recommandations soumises par le panel : sensibilisation, confiance, formation des compétences, alimentations des contenus, intégration des citoyens, ouverture des services en lignes, publication des données... Bref, si le Marocain a perdu confiance en son administration, ce n'est qu'en «combattant l'inertie que l'on peut adopter une stratégie gagnante», affirme Muscher. Le CES remet les pendules à l'heure «Les Marocains sont très méfiants quant aux services publics». C'est le constat préliminaire d'une étude en cours de finalisation initiée par le Conseil économique et social et dont Chakib Benmoussa a fait part lors de cette rencontre. Les motifs d'une telle «méfiance» : des administrations trop centralisées, des horaires contraignants, un manque de continuité des services causant un blocage ou un retard des procédures, une détérioration de la relation administration-citoyen et enfin un coût de service, même quand celui-ci est gratuit (déplacement, temps, corruption...). Le président du CES note cependant que, «ce n'est pas au e-Gov de résoudre des problématiques liées à l'administration». S'avérant être un outil de rapprochement et de dynamisation économique majeur, la numérisation des services administratifs ou gouvernementaux doit néanmoins, «s'intégrer dans un domaine plus large», car rappelle Benmoussa, «elle n'est pas une fin en soit, mais un levier». D'où la nécessité d'un pilotage institutionnel au plus haut niveau de l'Etat, comme l'ont souligné nombre d'intervenants, sans quoi le programme ne serait finalement, comme le dit le dicton, qu'un «pansement sur une hémorragie».