Les femmes guichiates observeront un autre sit-in mercredi 27 octobre à Rabat. L'association Carrefour des Oudayas pour la femme et l'enfant revendique l'ouverture d'un dialogue. Objectif : garantir aux femmes leur droit à la terre guich. Le torchon brûle. Après leur sit-in du mercredi 13 octobre devant la Direction des affaires rurales (relevant du ministère de l'Intérieur) à Hay Ryad, à Rabat, les femmes de Guich des Oudayas reprennent leur mouvement de protestation. «Nous ne nous arrêterons pas. Nous allons enchaîner les sit-in jusqu'à l'ouverture d'un dialogue sérieux et constructif sur ce problème avec les responsables de cette Direction», annonce, au «Soir échos», la présidente de l'association Carrefour des Oudayas pour la femme et l'enfant, Bouchra Chkirat. A la précédente manifestation, environ 300 femmes victimes ou simples militantes pour la cause se sont donné rendez-vous de 10h à 12h afin de crier en chœur leur honte et leur colère. «Les femmes sont bannies, privées de leur héritage, de leurs propres terres. De quel droit sont-elles traitées de la sorte?», s'emporte la présidente de cette association. Et de légitimer la décision de reconduire ce sit-in régulièrement à raison de deux fois par mois. Mercredi 27 octobre, à la même heure et au même endroit, elles seront certainement plus nombreuses à faire le déplacement, car ce conflit autour de ces terres n'a fait que trop durer. «Des femmes ont dû divorcer afin de percevoir l'indemnité pour l'expropriation de leurs terres. Dès qu'elles sont mariées à des hommes appartenant à la même tribu, elles en sont privées. Alors, certaines divorcent et attendent dans le domicile conjugal, le temps que nécessite la procédure avant l'acquisition d'un bien qui leur appartient légalement parlant. Ensuite, elles officialisent, pour la seconde fois, leur union avec leur conjoint. C'est une situation intolérable et injuste pour ces femmes», souligne Bouchra Chkirat. L'association Carrefour des Oudayas pour la femme et l'enfant, membre du Réseau pour le droit des femmes aux terres collectives et terres Guich, milite depuis sa naissance, il y a quatre années, pour trouver l'issue à un problème qui ne devrait pas exister. «Nous nous sommes adressées, au cours de ces années, à différentes parties : le ministère de l'Intérieur, le ministère du Développement social et Diwan Al Madhalim. Nous n'avons obtenu aucun écho», regrette la militante. Et d'ajouter qu'à l'initiative du secrétaire général de la Wilaya de Rabat et région, un comité avait même été constitué pour étudier de très près le dossier. Encore une tentative stérile qui n'a fait qu'amplifier la colère de ces femmes. «Elles sont entre 200 et 250 femmes à Guich des Oudayas à se battre pour leur droit à leur terre. Nous menons ce combat avec elles grâce aussi au soutien de plusieurs militants des droits de l'Homme», indique Bouchra Chkirat. Parmi les plus virulents de ces militants figure l'avocat au barreau de Rabat Tarik Sbaï. A ses yeux, ce dossier est né d'une grave discrimination. Au nom du «Ôrf», ces femmes ont été privées des indemnités contre la concession des terres, contrairement aux hommes. «Dans la loi, les terres appelées Guich sont considérées comme des propriétés privées dotées d'un titre foncier. Elles ne font pas partie des terres collectives qui, elles, sont gérées par le dahir de 1919», explique Me Tarik Sbaï, également président de l'Instance nationale pour la protection des biens publics au Maroc. Pourquoi alors le sort de ces terres a dévié sa trajectoire normale/légale? «Les terres Guich sont gérées par le dahir de 1946 qui a disparu depuis très longtemps. Nous ne l'avons pas trouvé à la bibliothèque du Bulletin officiel. Une preuve a donc été volée! Reste à savoir qui est le coupable», se demande l'avocat. Pour lui, quelle que soit la situation ou les conditions, «le ministère de l'Intérieur ne peut, en aucun cas, s'imposer en tuteur légal de ces terres». «La situation actuelle, à mon avis, traduit une violation des conventions internationales. La femme comme l'homme a le droit à la propriété. Il est inconcevable que la femme guich soit privée de ce droit d'autant qu'elle a énormément contribué à l'économie agricole», martèle Me Tarik Sbaï. Faut-il rappeler que la femme et l'homme sont égaux vis-à-vis de la loi, des devoirs mais aussi des droits. Le président de l'Instance nationale pour la protection des biens publics au Maroc, qui compte participer à tous les sit-in prévus par les femmes guichiates, rappelle que le souverain en fait une priorité. «Dans son discours du 10 décembre 2008, à l'occasion du 60e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, Sa Majesté a appelé à lever toute discrimination à l'égard des femmes», rappelle Me Tarik Sbaï. L'association Carrefour des Oudayas pour la femme et l'enfant ne cessera jamais de revendiquer que cette égalité soit effective, concrète. Les femmes ont le droit aux indemnités au même titre que leurs maris, leurs frères ou leurs fils. Elles sont héritières de terres dont elles ont, tout logiquement, la propriété. L'association dénonce ainsi le maintien du « Ôrf », des traditions à l'opposé d'un Maroc qui cherche à redonner à la femme la place qu'elle mérite.