Le rapport de Reporters sans Frontières classe le Maroc au 135e rang sur un total de 178 pays, soit une nette régression par rapport à 2009 où le royaume était classé 127e. Me Hajji : « Indéniablement, ces dernières années il y a un recul dans la liberté de la presse au Maroc avec à la clé des fermetures de journaux et des détentions de journalistes sur la base de faits banals qui ne méritent même pas d'être traités par une cour de justice ». Sans conteste, la liberté de la presse marque le pas au Maroc. Le dernier classement de Reporters sans Frontières (RSF), publié le mercredi 20 octobre, vient de confirmer cette donne. Le royaume se place au 135e rang sur un total de 178 pays, soit une nette régression par rapport à 2009 où Rabat était classé 127e. C'est le pire des classements du Maroc depuis que RSF a commencé à publier son rapport, voilà neuf ans. Les procès, les peines privatives de liberté de la presse et les saisies de journaux ont nettement contribué dans la mauvaise position où se trouve le Maroc actuellement. « Indéniablement, ces dernières années il y a un recul dans la liberté de la presse au Maroc avec à la clé, des fermetures de journaux et des détentions de journalistes sur la base de faits banals qui ne méritent même pas d'être traités par une cour de justice. Des détentions qui affectent également la presse électronique, puisque le Maroc compte actuellement entre trois ou quatre web-journalistes qui sont dans les prisons. Pire encore, nous avons assisté à l'incarcération d'activistes des droits de l'homme suite à des entretiens qu'ils avaient accordés à la presse écrite. Le cas de Chakib El Khyari est éloquent là-dessus », déclare au « Soir échos » Me Lahbib Hajji, le président de l'Association de défense des droits de l'Homme (ADDH), due à une autre scission de l'AMDH. Et de préciser que les « poursuites judiciaires à l'encontre de journalistes n'obéissent pas à des critères bien définis. Souvent, le recours à la justice est motivé par des règlements de compte. Preuve en est que des journaux sont poursuivis sur la base d'une information somme toute futile alors que d'autres supports de la presse publient ou diffusent des informations plus graves sans être inquiétés par la justice ». La 135e place qu'occupe le Maroc dans le classement de Reporters sans Frontières reflète-t-elle la réalité de la presse au Maroc ? « Sûrement pas », répond Me Lahbib Hajji, puisque la liberté de la presse au Maroc « est bien meilleure que celle par exemple au Qatar. Ce sont les critères établis par RSF (voir encadré) qui sont à l'origine du mauvais classement du royaume », soutient notre interlocuteur. Et d'appeler à « inclure dans les critères de RSF le nombre de journaux autorisés à publier ainsi que le nombre de journalistes qui exercent ce métier ». « Les critères de RSF demeurent dans l'ensemble relatifs, un euphémisme pour dire incomplets », conclut-il. Petite consolation pour le Maroc, il est mieux classé que certains de ses voisins maghrébins. Ainsi, dans le classement de RSF, la Tunisie de Ben Ali occupe la 164e place ou encore la Libye de Kadhafi est classée 160e. En revanche, l'Algérie devance le royaume et se positionne au 130e rang. C'est mieux que l'année dernière où le pays était 141e. C'est un bond en avant. Même certains pays du Golfe sont mieux classés que le Maroc, à l'image du Qatar qui occupe le 121e rang, une des anomalies du classement du RSF (voir encadré), puisque dans le pays d'Al Jazeera, sont interdits et les partis politiques et les associations. Autre petite consolation pour le Maroc : il ne figure pas sur la liste noire des dix pays où la persécution de la liberté de la presse est la règle. Une liste qui croît, car, si en 2009 ils étaient seulement trois pays à en faire partie : Corée du Nord et Turkménistan, qualifiés à l'époque de « trio infernal », cette année, sept autres Etats ont rejoint ce groupe, en l'occurrence le Laos, l'Iran, Rwanda, Yémen, la Chine, la Birmanie et la Syrie. Anomalies La Namibie (21), la Jamaïque (25), le Mali (28), le Cap-Vert (26) ou encore le Ghana (28) sont mieux classés que la France (44). C'est la principale anomalie du rapport de Reporters sans Frontières de cette année. De quoi alimenter la polémique sur les critères sur lesquels se basent RSF dans son classement. Mieux encore, la Pologne devance la France en termes de liberté de la presse. Ce pays occupe en effet la 32e place. Mais que dire encore de la Tanzanie (41), à trois places devant la France ? Petite consolation pour ce pays, il précède le Burkina Faso (49) dans le classement de RSF de 2010 ou encore Haïti, puisque ce pays a été classé au 56e rang. Autant d'anomalies qui sautent aux yeux et amènent à s'interroger sur les critères sur lesquels se base la direction de RSF pour établir son classement annuel. Zoom 43 critères forment chaque année l'évaluation de Reporters Sans Frontière sur la liberté de la presse dans le monde. Des critères répartis en 7 catégories. En voici quelques exemples : Intégrité physique RSF demande en premier lieu si des journalistes au courant de l'année ont été torturés, enlevés, emprisonnés, ou ont fui le pays à cause de milices armées qui s'en prennent à eux. Le questionnaire demande entre autres si des journalistes assurent leur protection à l'aide de gardes du corps, et s'ils utilisent des gilets pare-balles ou des véhicules blindés. Véridique. Menaces indirectes, pressions et accès à l'information Entre parano et rumeurs fondées ou pas, cette partie du questionnaire demande si l'Etat met sur écoute certains journalistes (ou même la totalité), ou s'ils sont sujets à des filatures et autres. Ou encore, si des pressions politiques existent pour contraindre certains à cesser leurs activités professionnelles ou les empêcher, entre autres, d'exercer leur métier à cause de leurs orientations sexuelles ou religieuses. Censure et autocensure Combien de médias ont été censurés, saisis ou saccagés durant l'année ? demande RSF dans son questionnaire. La presse privée est-elle soumise à une autocensure généralisée ? Des pressions économiques ou politiques empêchent-elles des informations importantes d'être traitées ou publiées ? Dans cette partie du questionnaire, même les pays les plus développés, voisins ou pas, doivent être mal notés. C'est évident. Contrôle des médias On pense à l'Italie évidemment (50), mais « pas que », comme diraient certains… RSF demande s'il existe des télévisions et des radios privées dans « votre pays » . Si elles sont indépendantes (oui, ce n'est pas antinomique pour RSF, et à juste titre). Existe-t-il un accès à l'opposition dans les médias politiques ? Mais existe-t-il au moins une opposition, d'ailleurs, dans certains pays d'Asie, (ndlr) ? Pressions administratives, judiciaires et économiques ? Existe-t-il une utilisation du boycott publicitaire ?, demande RSF. Ou un usage abusif ou injustifié d'amendes ? Le questionnaire demande aussi s'il existe des cas de violation du secret des sources (on pense à la France, là, mais « pas que »)… Enfin, l'avenir des médias passe indiscutablement par le Net. Et RSF demande si l'Etat exerce un contrôle direct ou indirect sur les fournisseurs d'accès à Internet ou s'il existe des cyberdissidents/blogueurs emprisonnés (au moins) plus d'une journée . Cela doit arriver de temps en temps à travers le monde. En Chine notamment (171). Le Maroc, avec une note de 47,40 est donc à deux places de l'Algérie (47,33), bien devant la Corée du Nord (104,74 points), mais loin derrière la Finlande, l'Islande ou encore les Pays-Bas, qui sont tous très bas dans leur notation, avec zéro point au compteur chacun. La note maximale. saïd lahlou