Les gardiens du temple entrent en scène. Le débat sur la nature des réformes constitutionnelles, notamment sur la Commanderie des croyants, a eu le mérite de sortir le Conseil supérieur des oulémas (CSO) de sa torpeur légendaire. Mercredi, le CSO a publié un communiqué dans lequel il précise que l'institution « Imarat Al Mouminine » et le statut de « Amir Al Mouminine » occupent incontestablement le haut du pavé. Encensoir à la main, les religieux ne tarissent pas d'éloges sur le discours du 9 mars, déclarant être fiers que Amir Al Mouminine ait annoncé que «les réformes prévues se feront en adéquation avec les constantes de la Oumma, notamment sur les deux volets de la religion et de Imarat Al Mouminine». Le document souligne également que «le changement – en tant que l'une des prescriptions de la Charia et partie intégrante de la loi naturelle – doit être le résultat d'un diagnostic lucide des besoins et des attentes de la société. Il comporte un aspect essentiel : la connaissance de ce qui est bénéfique et de ce qui doit être préservé». Justifiant leur sortie médiatique dans une conjoncture marquée par le foisonnement d'idées et de propositions sur les réformes constitutionnelles, les religieux assurent qu'ils comptent, «aujourd'hui comme jadis, parmi les forces sociales influentes». Ils ont donc, de ce fait, une «responsabilité de prédication, de conseil et d'orientation» d'autant plus qu'ils sont » témoins devant Dieu et devant les hommes de ce qui se passe autour d'eux «. L'auto-légitimation Parfaitement cohérents dans leur rôle de défenseurs du conservatisme, les religieux estiment que « la charia ne laisse aucune place à ce qui ne prête aucune attention à la sécurité de l'individu et de la société, d'autant que le préjudice dans la conception islamique ne peut être évité par un autre préjudice ». De là, ils concluent que « le choix démocratique qui fait l'unanimité des Marocains nécessite une protection démocratique globale ». Par conséquent, les oulémas assurent que « la conduite des réformes et l'élaboration des modes de leur mise en application relèvent des compétences d'Amir Al Mouminine, eu égard à sa mission de protecteur de la religion et à ses fonctions politiques. Il est de ce fait garant de l'équilibre de toutes les réformes, aussi bien celles qui se rapportent au vécu quotidien qu'à la religion, dont les Marocains puisent l'essence même de leur vie». Le Conseil supérieur des oulémas estime qu'il est de son devoir de se prononcer sur tout ce qui se rapporte à la vie religieuse des Marocains et à la préservation de leurs choix et de leurs valeurs constantes. Et de préciser qu'il est aussi de son devoir de «se mobiliser et de mobiliser, avec lui, tout le peuple sous l'égide d'Amir Al Mouminine dans toute œuvre réformiste que requiert le parachèvement de l'édifice démocratique, ceci étant la voie qui mène à la justice qui est, elle-même, le socle de la religion ». Quel apport ? Le communiqué des religieux n'est pas sans rappeler celui du mouvement du 9 mars. Les premiers motivent leur sortie par la « défense de la charia » et de « Amir Al Mouminine », alors que les seconds prétendent soutenir le roi. Dans les deux cas de figure, nous sommes face à deux parties qui jouent avec le feu. La majorité des partis sont pour la Commanderie des croyants et pour la monarchie. Et les voix contestataires restent minoritaires. Plusieurs forces de gauche sont pour le maintien de cette institution et sont convaincues que n'eût été la Commanderie des croyants, la nouvelle Moudawana n'aurait pas vu le jour. Pour eux, cette institution est la garante de toutes les dérives extrémistes.