Hadjadi Hamdane est un universitaire algérien qui n'a de cesse de répandre, en pédagogue inspiré et scrupuleux, la connaissance de la langue arabe. C'est ainsi qu'il a publié des ouvrages didactiques d'une grande clarté destinés à familiariser efficacement les apprenants sans les intimider. Vivant désormais en France, il a bien pris en compte les spécificités de l'enseignement de l'arabe à des élèves qui sont, éventuellement, de vrais débutants. Mais son œuvre de pédagogue passe aussi par la transmission, via la traduction et l'explication, de textes littéraires dont il fournit, par dilection, une version attayante en français sans qu'elle soit infidèle au texte d'origine. On appréciera particulièrement de fréquenter, en chantonnant si l'on peut, son Florilège de la poésie andalouse au féminin que les éditions Bachari (sises à Paris) publièrent en 2009. Rien d'étonnant dans la réussite de cette traduction, car Hadjadji Hamdane est un récidiviste passionné qui avait déjà donné, outre un ouvrage intitulé Ibn Khafâdja : l'amateur des jardins de l'Andalousie – Sa vie, sa poésie (en 2006, aux éditions Al Bouraq) en 2002, aux éditions El Ouns, une Anthologie bilingue arabe-français concoctée avec André Miquel ou encore, en 2000, Ibn Ammâr al andalousi : le drame d'un poète, une anthologie bilingue arabe-portugais avec Adalberto Alvès qui parut à Lisbonne. La bibliographie de ce travailleur infatigable est si abondante qu'il nous faut mettre un terme à son énumération, mais on signalera tout de même que sa Méthode d'arabe moderne, bilingue pour adultes, accompagnée d'un CD audio, écrite en collaboration avec Haouria Kadra fut publiée en 2004 chez Ibis Press avant, des mêmes auteurs, L'arabe moderne par les textes littéraires (Al Bouraq, 2006). Mais comment passer sous silence Les grands Maîtres algériens du Cha'bî et du hawzî (coédition El Ouns-Unesco, 1996), dont Hadjadji Hamdane est l'un des coauteurs. Un ouvrage d'une grande richesse, où était largement soulignée l'influence des grands maîtres marocains du Cha'bî sur leurs voisins ? Les frontières de la musique et de la poésie sont bel et bien impossibles à fermer. Quant à la poésie andalouse, elle défie le temps comme le prouve Florilège de la poésie andalouse au féminin. La calligraphie de Salah Moussawy ornant la couverture est délicieusement expressive : Les lettres dessinent un luth : il n'y a plus qu'à chanter. Mais l'Histoire est plus violente ainsi que nous le rappelle une longue introduction précédant la traduction d'extraits des poèmes de Wallada, laquelle « a été malmenée, sans relâche avec la volonté de la faire tomber dans l'oubli pour toujours ! ». C'était sans compter sans la persévérance d'un certain nombre d'érudits… L'intention de l'universitaire algérien s'affirmait, de fait, dès le choix des vers en épigraphe : « Quand sera brisé l'infini servage de la femme / Quand elle vivra pour elle et par elle / Elle sera poète elle aussi ». (Arthur Rimbaud) Le renversement, par les Abbassides, de la dynastie omeyyade fondée par Mu'awiya en 661 à Damas, entraîna le départ pour Kairouan de Abd er Rahman ad Dâkhil, dont le rêve, nous dit l'auteur de Florilège de la poésie andalouse au féminin « était de faire revivre, à travers son émirat, la dynastie de ses ancêtres avec pour capitale Cordoue, qui serait à l'image de Damas ». Parmi ses successeurs Abderrahmane II, qui accueille Ziryâb, « musicien de génie » et inspirateur du savoir-vivre des Andalous. Vint l'apogée de la dynastie omeyyade à Cordoue avec Abd er Rahman III, avant qu'Al Hakam II, féru de sciences et de lettres, ne contribue puissamment à la splendeur de Cordoue. Le Florilège débute donc avec Wallada (née à Cordoue en 1001) trompée par son amant avec une servante et aussi avec un mignon. Les liens rompus par Wallada avec Ibn Zaydun, celui-ci connut une telle déroute qu'il dut fuir à Séville. On voudrait vous faire profiter de tout le contenu de ce Florilège de la poésie andalouse. Lisez au moins, sous la plume de Wallada : « Ce que j'éprouve pour toi, si la pleine lune l'éprouvait elle n'apparaîtrait plus, si c'est la nuit qui l'éprouvait, elle ne surviendrait plus, si c'est les étoiles qui l'éprouvaient, elles cesseraient d'évoluer dans les cieux ». Il vous restera à découvrir Nazhum al Qal'iyya, femme aussi savante que libertine, Hafsa Bint al-Hadj ar-Rakuniyya (née à grenade vers 1136) : « Si je t'enfouissais dans mes yeux jusqu'au Jour du Jugement dernier, je resterais encore insatisfaite », la princesse Buthayna, Hamda Bint Zyad al-Yahudiyya, dont le père fut Premier ministre du prince berbère de Grenade. Le Florilège de la poésie andalouse au féminin se clôt avec Ummu Lhana écrivant dans l'attente de l'amant : « Accueillez-le avec le sourire le jour de son arrivée, et laissez les larmes pour la nuit de son départ ».