Le Soir échos a rencontré à Alger Mohcine Belabbas, nouveau président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD). Ce parti, qui avait à sa tête Saïd Sadi, l'homme qui avait tenté de mobiliser la rue algérienne dans le sillage du Printemps arabe, est le seul parti à avoir décidé de boycotter les législatives. Mohcine Belabbas, nouveau président du Rassemblement pour la culture et la démocratie. Saïd Sadi vous a laissé sa place à la tête du RCD, pourquoi l'a-t-il décidé ? Eh bien c'est très simple. Nous avons organisé notre Congrès ordinaire, durant lequel nous avons dû renouveler nos instances, renouveler notre programme pour l'adapter à la conjoncture actuelle. Saïd Sadi a décidé de lui-même de ne pas se présenter pour un autre mandat, car il a voulu laisser la nouvelle génération prendre les choses en main. Il ne faut pas faire l'erreur des dirigeants de notre pays et dans d'autres pays arabes, c'est à dire conserver son fauteuil jusqu'à la mort. N'a-t-il pas fait son choix à cause de l'échec des marches de protestation qu'il a voulu initier en 2011 ? Non, ça n'a rien à voir. Les marches initiées en 2011 par le RCD ont été une réussite, même si elles n'ont pas connu une grande mobilisation, pour une raison très simple : le pouvoir algérien avait mobilisé plus de 30 000 policiers pour empêcher ces marches, une première en Algérie depuis l'indépendance ; le pouvoir a aussi essayé de créer des affrontements entre les populations pour faire peur aux citoyens, en attirant leur attention sur ce qui se passe en Libye. Toutefois, en termes d'objectifs politiques, nous avons obtenu des résultats: l'état d'urgence a été levé, bien que ce ne soit que formel, car dans la réalité, la répression s'est accentuée et la présence policière s'est accrue ; de même que le pouvoir a été contraint de mettre la main à la poche et verser plus de 30 milliards de dollars pour acheter la paix sociale. Le pouvoir a de même cédé à travers le discours du président de la république qui annonçait une série de réformes (révision de la Constitution, accréditation de nouveaux partis politiques, invitation d'observateurs étrangers). Il y a bien eu donc des résultats. Malgré ces avancées, vous avez quand même décidé de boycotter les élections législatives ! Nous avons décidé de boycotter parce que le pouvoir a cédé dans la forme, mais en réalité il n'a pas cédé, il n'a fait que gagner du temps. Le RCD a demandé des élections transparentes, et c'est depuis 2004 que l'on demande l'arrivée d'observateurs étrangers, en masse et en qualité. En Algérie, nous avons plus de 57 000 bureaux de vote, nous sommes dans un pays où l'administration a toujours été partielle. Toutes les élections tenues en Algérie depuis 1962 ont été entachées de fraudes électorales, et ça a été reconnu par le chef de l'Etat lui-même dans un discours adressé à la nation, il y a six mois de cela. Toutes ces raisons nous ont poussés à exiger l'arrivée des observateurs internationaux, mais nous voulions qu'ils soient présents 6 mois avant le scrutin, ce que le pouvoir a refusé : car pour l'essentiel, la fraude électorale commence bien avant le jour J. Nous avons aussi demandé l'assainissement du fichier électoral par un organisme indépendant du ministère de l'Intérieur, chose qui n'a pas été faite. L'autre raison qui nous a poussé à boycotter les législatives est la conjoncture régionale. Dans le monde arabe et en Afrique du nord, les jeunes sont en train de se révolter pour demander les changements du régime. Participer à cette élection reviendrait à accepter l'alibi démocratique du régime, ce que nous n'acceptons pas. Beaucoup de gens vous accusent d'élitisme, et prétendent que vous n'avez pas de base populaire. Que répondez-vous à cela ? Je ne suis pas d'accord avec ça. Ce sont les services de renseignements algériens qui émettent ce genre de propos. Ils ont toujours agi de la sorte, faire croire aux citoyens que tout le monde est pareil, que tous les partis sont pareils, et essaient aussi d'induire en erreur l'opinion internationale en disant que tel ou tel parti politique est un parti régional. Mais en réalité, le pouvoir algérien, dans l'essentiel de ce qu'il fait sur le plan politique, le fait en réaction aux propositions du RCD. Si le pouvoir algérien a accepté de ramener des observateurs étrangers c'est que notre parti l'a demandé, et aucun autre. Il ne faut pas non plus oublier que les médias ne nous aident pas, ils sont entre les mains du pouvoir. Il faut savoir que le RCD est interdit d'antenne depuis plus de dix ans. Une partie de la presse algérienne a qualifié la campagne des législatives de morose. Partagez-vous cet avis ? Je partage cet avis. J'irai même plus loin, je dirai que c'est la pire campagne que l'Algérie ait connue depuis l'indépendance. C'est la première fois qu'on a vu des citoyens décider, d'eux-mêmes, de perturber des meetings, d'empêcher des candidats de faire leurs activités, de déchirer les affiches électorales, de s'organiser de manière à boycotter un meeting. Tout cela est nouveau. Passons aux relations algéro-marocaines. Les frontières entre les deux pays sont toujours fermées, pensez-vous que c'est une situation qui perdurera encore longtemps ? C'est une situation qui ne doit pas perdurer. Notre parti politique a toujours demandé l'ouverture de ces frontières. Nous avons beaucoup de partenaires au niveau du Maroc. Nous sommes le seul parti algérien qui, à chaque fois qu'il organise une activité importante, fait appel à nos amis marocains, de l'USFP, du PAM, ou du Mouvement populaire. Et pareil de mon côté, je suis régulièrement invité aux activités des partis marocains. Et à chaque fois, la question des frontières est abordée. C'est une situation qui ne peut pas duré, même si, il faut le dire, les deux pouvoirs sont responsables, bien qu'ils se renvoient la balle. Au niveau du RCD, on pense qu'il faut aller vers l'ouverture de ces frontières, il faut régler tous les problèmes s'y attachant, il faut dialoguer pour aller de l'avant. * Tweet * * *