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Parution
Publié dans Le temps le 09 - 09 - 2009

1999-2009. Dix ans. Un chiffre tout rond. Depuis son accession au trône en juillet 1999, Mohammed VI a dévoilé une partie de ses secrets. Depuis la mort de Hassan II, l'énigme a cédé la place à l'exercice
du pouvoir. L'historien Pierre Vermeren livre, dans Le Maroc de
Mohammed VI, un premier bilan d'étape qui revient largement sur les réalisations, les espoirs, les permanences et les mutations du “Maroc
en transition”. Plutôt qu'une charge contre le pouvoir, le livre propose une lecture sereine et méthodique des transformations de la société marocaine. Qu'est-ce qui a changé ? Que nous réserve l'avenir ?
Pour premiers éléments de réponse, Le Temps Maroc & Monde livre une lecture des bonnes feuilles de la dernière parution* de l'historien français, accompagnée d'un entretien exclusif.
Dix ans de règne l'heure des bilans
Authenticité et modernité
“À l'instar d'un Lyautey qui, à partir de 1912, a subverti la tradition pour projeter l'ancien empire dans les Temps modernes, les dirigeants du Maroc tentent, un siècle plus tard, d'asseoir la sacralité et l'aura du Commandeur des croyants, afin de mieux encadrer une modernisation sociale par ailleurs redoutée. Comme si, une fois encore, il fallait peser sur le cours d'une évolution à hauts risques”.
Sarkozy, l'infidèle
“Le Makhzen, qui a intégré le départ de J. Chirac, constate le changement d'époque lorsque le nouveau président (ndlr : Sarkozy) choisit l'Allemagne comme première destination de ses visites à l'étranger. Pire, lors d'une mini-tournée au Maghreb à l'été 2007, c'est après avoir été reçu en Algérie et en Tunisie que le président français prévoit de faire escale pendant quelques heures au Maroc. Le roi se dérobe, au prétexte d'autres obligations, incitant l'Elysée à programmer un voyage d'Etat à l'automne”.
Absolut Roi
“Si la transition marocaine a sur de nombreux points bousculé le vieux royaume conservateur, l'empreinte, la stature et l'autorité du roi sont restées intactes. (…) Le nouveau pouvoir doit trouver à concilier, d'un côté, une sincère aspiration aux libertés individuelles, doublée d'une détestation de l'intégrisme religieux, de l'autre, l'impossibilité d'enraciner une orientation libérale dans les institutions sous peine d'engager un processus révolutionnaire, politique ou religieux. Exit donc l'option d'une movida à l'espagnole permettant à la société d'entrer dans la sécularisation et l'individualisme, sous le regard d'un roi bienveillant au statut symbolique. (…) C'est le roi seul, grâce à son appareil d'Etat sur mesure, qui décide et commande”.
La fibre sociale
“Depuis les débuts de son règne, Mohammed VI préfère la visite des déshérités aux réunions internationales. (…) Sans minimiser la dimension de communication politique que ces initiatives revêtent, il faut convenir que la tendance persiste. Elle exprime une empathie brisant l'image d'un père dur et distant, qui se montrait peu préoccupé par ces considérations. Ce souci se matérialise à travers la création de fondations mi-publiques mi-privées, auxquelles les grandes sociétés sont priées de verser leur écot. Il s'agit d'une charité organisée en faveur de certaines populations”.
Un style propre
“Mohammed VI apparaît comme une personnalité complexe. Peu intéressé par le champ politique, il est tout de même parvenu en dix ans à neutraliser les principales menaces pesant sur son Trône (Driss Basri à l'Intérieur, la “vieille garde” des officiers, l'USFP, les islamistes du PJD, la déstabilisation djihadiste, les mafias du Nord, etc.). Il est discret sur sa vie privée, mais met en scène son épouse et la famille royale. Il n'aime pas les médias, mais use de stratégies de communication complexes qui façonnent le visage du “roi des pauvres”.
Anticonstitutionnellement
“Le roi est un monarque au pouvoir absolu (“la personne du roi est inviolable et sacrée”, article 23). Nanti de son prestige politique et religieux, de l'aura millénaire du sultan, de son charisme personnel et de la baraka chérifienne, le malik se situe au-dessus des pouvoirs, ce qui revient à les contrôler et à les diriger. Certaines limites et règles sont certes inscrites dans la Constitution. Mais l'article 19 dit bien que la bonne volonté du prince et sa conception personnelle des affaires du royaume sont les principales limites de sa puissance, compte non tenu des devoirs d'une fonction exercée avec une telle charge symbolique et religieuse”.
Récup' politique
“Conformément à la tradition du Makhzen, la séduction succède à la répression. Il faut trouver des honneurs et des rétributions aux cadres et militants qui ont bravé en vain le palais. (…) Il y a longtemps que l'Etat a fait taire ces voix virulentes qui vouaient la “bourgeoisie compradore” et sa “monarchie féodale” aux gémonies. Mais ces chevau-légers sont très précieux s'ils prêtent leur voix au Makhzen contre ses ennemis (islamistes, berbéristes, “parti de l'étranger”, etc.), ce que les jeunes technocrates issus des “bonnes familles” ne savent pas faire. Encore faut-il les accueillir et leur laisser carte blanche. De surcroît, ces hommes ont de solides amitiés à gauche, en Europe. Associés aux affaires, ils donnent du crédit à la “démocratisation” marocaine, notamment dans des milieux a priori hostiles”.
Le PAM, espoir de la gauche ?
“Le choix du secrétaire général (ndlr : le Sahraoui et très makhzénien Mohamed Cheikh Biadillah) et le congrès ont tenté de sortir le PAM de ses errances initiales, en particulier la décision de s'appuyer sur d'anciens hommes et femmes de gauche, opposants des “années de plomb” ralliés au régime (un choix décalé dans le Maroc actuel). Par ailleurs, les sorties très musclées d'El Himma contre les islamistes et les berbéristes ont montré que les accommodements n'étaient pas à l'ordre du jour. (…) La ligne politique n'est pas claire, même si des proches d'El Himma souhaiteraient une bipolarisation de la scène politique partisane entre une gauche dirigée par le PAM et une droite commandée par l'Istiqlal. Cet étonnant rêve d'une “monarchie progressiste” confrontée à une “droite nationale et religieuse” aurait l'avantage de faire disparaître islamistes, socialistes et berbéristes… Mais il y a loin de la coupe aux lèvres”.
Transition à la marocaine
“Les observateurs sont perplexes face à l'apparente contradiction entre un volontarisme modernisateur, qui prend en compte les carences du développement, et la volonté manifeste de réserver le pouvoir à une oligarchie sous tutelle monarchique. Pour le régime, la nature de la “transition” ne fait aucun doute : elle est démocratique. Mais, derrière les mots, les convictions réelles du personnel politique makhzénien contredisent cette affirmation. La volonté du roi et du palais de partager et de séparer les pouvoirs ne s'est pas manifestée. Quant aux convictions démocratiques de l'élite nationale, elles sont prises en tenaille entre le monopole exercé par le palais et la menace d'une “subversion” populaire, dont le visage est aujourd'hui islamiste”.
Un islamisme de combat
“Réputé inexistant au Maroc, ainsi qu'a voulu le suggérer Hassan II, l'islamisme s'est imposé en puissante force sociale et idéologique dans les villes, jusque dans les périphéries berbérophones (Souss ou Rif). Au plan des partis politiques, la monarchie contient sa progression, le PJD fonctionnant comme un sas assez étroit entre la mouvance islamiste et le Makhzen. Un combat oppose avec vigueur l'appareil d'Etat (associé aux élites francophones) aux classes populaires et moyennes des villes et leurs périphéries. Cette situation rappelle celle de l'Europe méditerranéenne au XXème siècle. On compare de manière inappropriée, en France, démocratie chrétienne et islamisme politique. Avec sa radicalité, son “messianisme”, son aspiration révolutionnaire à changer l'ordre social et sa capacité à fédérer les déracinés du monde rural, l'islamisme aurait peut-être davantage à voir avec le communisme du milieu du siècle”.
Le règne du Bling-bling
“Il fut un temps où les élites cultivées marocaines suivaient avec avidité les cours des grands professeurs parisiens (ou égyptiens), où le personnel politique et le souverain aimaient à se lier d'amitié avec des intellectuels connaisseurs du Maroc. Parmi les grandes figures politiques du pays, Abdellah Ibrahim s'honorait d'avoir fréquenté Paul Éluard, Ahmed Balafrej et Abderrahim Bouabid entretenaient de vivants échanges avec le pétillant Edgar Faure. Mohammed V aimait à converser avec Jean Lacouture ou Charles-André Julien. (…) Sous Mohammed VI, le miroir aux alouettes médiatiques renvoie d'autres images, faites d'argent et de frime. Les riches Marocains de Casablanca et Rabat sont de gros consommateurs de la presse “people”. (…) Les princes, princesses et leurs amis, friands de mondanités, séjournent volontiers dans les palaces parisiens. L'admiration du roi pour Johnny Hallyday est connue, mais n'est pas un cas isolé. (….) Sous Mohammed VI, les autorités veulent insérer le Maroc dans le circuit de la jet-set, tout au moins celle de Paris”.
Élites en vase clos
“Le système de pouvoir, bâti sur des élites technocratiques formées en France, suppose leur retour au pays après une première expérience professionnelle. Or, pour de multiples raisons, de moins en moins de diplômés rentrent au pays. (…) Désormais, une minorité de ces diplômés se rapatrient, à l'exception des filles mariées avec un compatriote – parfois par leur famille –, qui entament la belle carrière qu'on leur a préparée, et des fils de dignitaires ou de grands patron, promis à de hautes responsabilités. À 35 ou 40 ans, certains sont déjà “ministres technocrates”. Dès 1999, Mohammed VI et ses conseillers sont préoccupés par cette question. (…) Ces jeunes francophones maintiennent des liens solides avec l'Europe et sont un contre-poids idéologique et culturel aux élites islamistes. Parmi eux se recrutent les quelques dizaines de milliers de lecteurs de la presse francophone libérale (TelQuel, Le Journal hebdomadaire, Économia, etc.), vitrine du régime du fait de son non-conformisme et de sa visibilité en France”.
Un avenir incertain
“Le Maroc et son roi font face à une conjoncture très sensible. Pendant une dizaine d'années encore, les facteurs de déstabilisation hérités du passé vont peser de tout leur poids : accroissement démographique (augmentation de 25% de la population en quinze ans), exode rural et croissance urbaine, poids du fondamentalisme religieux sous l'effet de la mondialisation et de l'urbanisation et dépolitisation délétère de l'espace public. (…) Une réforme constitutionnelle consacrant de vrais pouvoirs parlementaire et gouvernemental, ainsi qu'une certaine autonomie de l'appareil judiciaire, pourrait certainement remédier à cette situation. Mais il est probable que l'appareil d'Etat n'en a nullement le désir. (…) Dès lors, le problème qui se pose au Maroc, comme à ses voisins, se présente sous la forme d'une équation à deux inconnues : quelles sont les conséquences à ne pas agir plus vite ? Et combien de temps encore la jeune génération acceptera-t-elle d'avoir devant elle un avenir bouché ?”.
Éditing le temps Maroc & Monde


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