Mustapha Ramid ne va pas par quatre chemins pour dire ce qu'il pense de la conjoncture actuelle. Interview. Que pensez-vous des manifestations que connaît le Maroc ? J'ai été parmi les participants aux différentes manifestations organisées par le mouvement des jeunes du 20 février. Les manifestations du 20 février et du 20 mars se sont déroulées dans le calme. Malheureusement celle du 13 mars a été un vrai fiasco surtout en ce qui concerne l'intervention musclée des forces de l'ordre. J'estime que les services de sécurité ont commis une grave erreur en s'en prenant violemment aux manifestants. Ces derniers n'aspirent pas au renversement du pouvoir, seulement à plus de liberté et d'équité. Que pensez-vous de la Commission consultative de la réforme de la Constitution ? Cette commission est certes composée d'experts en matière de droit constitutionnel et de personnes compétentes de divers horizons, mais j'aurais aimé qu'elle intègre également des personnalités représentant la société civile et représentant le citoyen lambda. Vous avez déclaré qu'aucune démocratie «n'est possible sans une monarchie parlementaire». Pensez-vous que les conditions sont réunies pour avoir un tel mode de gouvernance ? Effectivement, je l'ai dit et je le répète : aucune vraie démocratie n'est possible sans une monarchie parlementaire. Cette phrase a d'ailleurs été brandie comme un slogan lors de la marche du 20 mars dernier. Il ne faut pas se voiler la face. Au Maroc le roi dispose de larges prérogatives qui ne font l'objet d'aucun contrôle. Cette situation doit changer si l'on veut réussir un réel décollage démocratique. Estimez-vous que les manifestations doivent continuer dans notre pays malgré le discours du 9 mars ? Le processus de changement vient à peine de commencer. Le discours royal du 9 mars n'est que le début de ce processus de démocratisation du Maroc. Les citoyens ont plusieurs doléances aussi bien économiques, sociales ou politiques. L'Etat doit rester à l'écoute des attentes des citoyens et faire en sorte que les souhaits de la masse populaire soient exaucés. J'estime que les manifestants doivent continuer sur leur lancée jusqu'à l'obtention de leurs droits légitimes. On parle d'une crise au sein de votre parti… Il existe un désaccord au sein du PJD autour des manifestations qui ont débuté le 20 février dernier. Il existe deux courants principaux dans ce conflit. Le premier dit qu'il faut soutenir la jeunesse du parti et les jeunes marocains, le deuxième estime qu'il faut que les instances du parti privilégient la sagesse surtout dans la conjoncture actuelle nationale et régionale. En somme, il s'agit de divergences de points de vue, et non d'une crise. Propos recueillis par Mohcine Lourhzal Chronique Si les structures partisanes ne sont pas des espaces facilitant le changement, alors il faut avoir le courage, la capacité et la légitimité de créer un parti politique. Trêve de balivernes ! Je crois que les personnes qui sont sorties le 20 mars ont le droit d'exprimer leur opinion même si l'on ne peut être d'accord sur les modalités de cette expression. Je crois que les revendications sont légitimes pour beaucoup, peu compréhensibles pour d'autres et à revoir pour certains. Je crois que cette expression n'a de spontanée que le déliement des langues silencieuses car le contexte régional et international, les limites d'une résistance chronique au Maroc et le rôle des réseaux sociaux et des médias sont largement explicatifs de ce que nous avons vécu et vivrons. Je crois que les personnes qui ont marché depuis le 20 février et dont il faut accepter la démarche ne sont pas représentatifs de la population marocaine ni des jeunes Marocains, mais représentatifs d'une idée, de la conceptualisation, d'un modèle et d'une frange de la population. Je crois que la liberté d'expression s'arrête là où commence celle des autres et que c'est la majorité qui décide pour l'ensemble et non pas la minorité. J'insiste sur cet aspect, à savoir que dans toutes les démocraties 50% plus une voix constitue la majorité et par voie de conséquence la minorité doit s'y plier. Je crois fermement que le Maroc a réalisé de nombreux projets. Il serait restrictif de les citer tous, car aussi bien les grands projets structurants que les actions communautaires dans les villages les plus reculés ont fait que notre pays ait franchi des pas socio-économiques et humains qu'il faut avoir l'honnêteté de reconnaître. Je crois qu'il y a un avant 20 février et un après 20 février 2011. Mais il faut permettre à la majorité des Marocains et de la communauté internationale de penser également qu'il y a un avant 9 mars et qu'il y a un après 9 mars 2011. Je ne suis pas aveugle ou inconscient des «aspects» qui ne vont pas dans différents cercles du pouvoir y compris ceux qui gravitent autour du roi. Combien d'entre nous ou de nos cercles, tant à l'échelle individuelle, familiale, professionnelle ou communautaire, n'ont pas failli, suffisamment contrôlé, vu et réagi ? Cet homme, ce roi œuvre pour un Maroc meilleur avec nous tous et pour nous tous. Il propose, il oriente, il dicte… c'est à nous, partis politiques, syndicats, société civile, population de participer, proposer et choisir ce qu'il y a de mieux pour le pays et son futur. Est-ce que trois mois pour donner la chance à un processus d'aboutir, est intenable ? Pourquoi sommes-nous pressés ? Pourquoi ne pas donner le temps au temps ? Le Maroc ne mérite-t-il pas cette patience probablement salvatrice ? Agir sur le terrain Reconnaître les acquis, proposer les corrections aux insuffisances, hiérarchiser les priorités et participer, tout cela relève d'une responsabilité qu'il faut assumer. La politique de la chaise vide, le rejet de tout, les risques de mimétismes «inadaptés» (certains mimétismes sont pertinents mais pas tous), se tromper de combat, sont autant de failles qu'il faut décrier et que les pancartes n'ont pas signalé ! Si les structures partisanes ne sont pas des espaces facilitant le changement, alors il faut avoir le courage, la capacité et la légitimité de créer un parti politique… Que ceux et celles qui veulent militer pour un avenir meilleur et des changements structurels, le fassent dans cet espace car la loi sur les partis politiques le permet amplement. S'ils sont vraiment représentatifs des Marocains ou des jeunes, alors la majorité votera pour eux et ils auront le pouvoir légitime du changement. Pourquoi ne le font-ils pas ? Je me permet de les remercier tout de même pour avoir «sensibilisé»la majorité silencieuse, d'avoir accéléré la remise en question au sein des organisations partisanes et probablement de pousser plus «d'élites», de compétences et d'autres citoyens à vouloir s'engager dans la vie publique. Pour cela il faut les respecter et leur laisser la liberté totale d'expression et de pensée. Mais autant je les invite à ne plus s'exprimer au nom des Marocains en général ou des jeunes en particulier, autant je les invite à constituer un réseau commun avec nous- partis, syndicats, société civile et population- non pas sur Facebook mais sur le terrain afin de contribuer à un projet citoyen réaliste, réalisable et répondant aux aspirations légitimes des Marocains. Cela j'aimerais bien le croire. Sincèrement !