Dans son dernier long-métrage, Faouzi Bensaïdi nous sert une chronique tragique où se croisent des destins brisés. Un film profondément noir qui procure un attrait paradoxalement fou au malheur. Mort à vendre» est une histoire d'amitié et de trahison. Malik, Allal et Soufiane, trois copains tétouanais aussi égarés les uns que les autres, vont voir leurs destins basculer. Rongés par leur condition de jeunes délinquants vivotant de vols à l'arraché, ils essaient de s'en sortir… chacun à sa façon. Fraîchement remis en liberté, Allal veut prendre sa revanche sur la vie en se convertissant en un puissant dealer de drogue. Tandis que Malik, grand rêveur, essaye de toutes ses forces de sauver Dounia, sa dulcinée prostituée. Soufiane, le benjamin de la bande, lui, au bout d'un larcin mal mené, finit dans les filets d'un groupe intégriste. Enrôlé, il ne pense plus qu'à expier ses précédents péchés. Tous les trois croient trouver leur salut dans une ultime opération : le braquage d'une bijouterie tenue par un Espagnol. C'est, en gros, l'essentiel de l'intrigue du troisième opus signé par le talentueux Faouzi Bensaïdi. Après «Mille mois» et «What a wonderful world », le cinéaste revient avec la même structure fétiche : des destins croisés qui révèlent, au fil des événements, des personnages désespérément humains. Avec des psychologies aussi complexes que leurs vécus, les protagonistes de «Mort à vendre» mûrissent sous l'oeil bienveillant de leur créateur. La caméra, volontairement voyeuriste, zoome sur la laideur comme sur la beauté de personnages complexes meurtris dans les tréfonds de leur âme. Les décors d'un Tétouan hivernal avec son ciel engrossé de mauvais présages, rajoutent à cette sensation d'oppression qui pèse sur les protagonistes. Bensaïdi, réalisateur à la technique redoutable, parvient à plonger le spectateur dans l'ambiance foncièrement noire de ce conte urbain. Si l'approche esthétique du réalisateur embellit la laideur dans une approche baudelairienne, le film n'en devient pas plus optimiste. Aucune lueur d'espoir. Les bas fonds de la ville n'ont rien de charmant et Bensaïdi est suffisamment lucide pour ne pas s'aventurer à maquiller la réalité… Si ce n'est à travers les sorties comiques des personnages qui viennent apostropher la violence régnante. Une lourde tâche que le cinéaste partage avec un casting convaincant. A commencer par le trio Fehd Benchemsi, Fouad Labiad et Mouhcine Malzi. Benchemsi porte fidèlement le costume de Malik, le rêveur de la bande, tandis que le jeune Fouad Labiad joue avec justesse son rôle du bon vivant converti en fondamentaliste religieux. La révélation reste toutefois Mouhcine Malzi, alias Allal. L'acteur crève l'écran avec son charisme scénique. Enfant des planches, le comédien a su en effet offrir à son personnage cinématographique toute l'épaisseur nécessaire pour lui donner vie sur grand écran. Nazha Rahil, la compagne du réalisateur, de son côté, réussit à insuffler une âme au rôle secondaire de la soeur de Malik. Si d'une manière générale, on peut considérer «Mort à vendre» comme un film à voir, on peut toutefois lui reprocher quelques ratages. A commencer par l'accent des dialogues. L'intrigue est censée se dérouler au nord du Maroc, à Tétouan précisément… sauf que personne ne parle «chamali». C'est un argot casaoui triomphant qui règne tout au long du film. Autre exemple: la scène représentant la sortie de Soufiane, tout sourire et couvert du sang du bijoutier qu'il vient d'achever, est invraisemblable. A vouloir montrer le fanatisme sous son visage le plus sadique, le cinéaste tombe quelque peu dans le cliché. Des «erreurs» que l'on pardonne volontiers à un cinéaste doué qui fait ses preuves à l'échelon national et international. Dernière consécration en date : le Prix du Jury qu'il vient de remporter au prestigieux Festival de Berlin pour son nouvel opus. Pas d'articles associés.