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David Thomson, Journaliste français spécialiste des jihadistes : «Il y aura des attaques terroristes de plus en plus souvent dans plusieurs pays»

Auteur du livre de référence Les Français jihadistes , David Thomson, qui travaille actuellement à RFI, connaît bien la Tunisie où il était correspondant de France 24. Ses constats, fondés, sont alarmants.
L'Observateur du Maroc : Y a-t-il eu coordination des attaques survenues le 26 juin, journée qu'on appelle désormais le vendredi noir ?
David Thomson : A mon avis, il n'y a pas de coordination entre les attaques, comme le faisait Al-Qaida à l'époque. Il y a une coïncidence, notamment, parce que ces attentats ont été décidés par des branches de l'EI qui ne sont pas les mêmes.
Cette vague meurtrière survient trois jours après l'appel de l'Etat islamique (EI), incitant les musulmans à mener des opérations contre les « mécréants » durant le ramadan. Est-ce que ce sont des attentats commandités ou sont-ils le fait d'individus ayant décidé de passer à l'acte juste après l'appel de l'EI ?
Il y a les 2 scénarios. Si on prend les opérations menées en Tunisie ou au Koweit, celles-ci ont été directement commanditées, préparées et menées de façon méthodique par l'EI. Un communiqué officiel a été diffusé. Il a été élaboré avant l'attaque, ce qui confirme qu'il y avait une préparation puisqu'il montre une photo du tueur qui a été prise dans le but d'être diffusée pour la revendication après l'attentat.
Je précise qu'en Tunisie, il semble que c'est la branche libyenne qui ait commanditée l'opération. Je pense que cela répond au communiqué du porte-parole de l'EI, Abu Muhammad al-Adnani, qui a appelé à faire de ce Ramadan un mois extrêmement sanglant.
En France, on est dans un cas différent. Selon les différentes sources de l'EI que j'ai pu contacter hier (ndlr, mardi 30 juin 2015), ils m'ont dit que l'attentat a été commandité par l'EI. Mais il a surtout été fortement incité par un combattant français qui est actuellement en Syrie. Mes sources de l'EI ont confirmé ce qu'a dit le procureur de Paris, François Molins, en conférence de presse. Donc, dans un cas, il y en a qui ont été entraînés sur les bases de l'EI et dans l'autre cas en France, c'est quelqu'un qui a été imprégné par les valeurs et les discours de l'EI qui appelle depuis septembre 2014 à tuer par tous les moyens possibles des ressortissants français en représailles aux frappes de la coalition.
Il faut juste réaliser que les attaques terroristes sont de plus en plus fréquentes. Il y en aura de plus en plus souvent et plusieurs pays seront touchés.
Vous avez rencontré beaucoup de jihadistes quand vous étiez en Tunisie pour votre livre, les experts disent qu'il n'y a pas de «profil type», mais qu'est-ce que les terroristes ont-ils en commun ?
C'est vrai qu'il n'y a pas de profil type, mais il y a beaucoup de points communs. En ce qui me concerne, tous les terroristes que je connais étaient dans ce qu'ils appellent la «jahiliya» (ndlr, paganisme préislamique). Pour certains, ils ont donc décidé un retour vers l'islam et pour d'autres leur conversion était très récente. J'avais rencontré plusieurs fois le rappeur Emino que je connais bien au moment de sa «jahiliya». La dernière fois que je l'ai vu, c'était dans son studio. Il était entouré de bouteilles de Jack Daniel's et de mégots de joints. Deux ans après, il a rejoint l'EI et il a diffusé un communiqué de soutien pour féliciter le terroriste de Souss. C'est un cas représentatif de cette nouvelle génération de jihadistes, âgés d'une vingtaine d'années, qui ont rejoint Daech. Ce sont des gens qui ont en commun «une vie d'avant». Certains étaient dans la délinquance, d'autres dans la musique. Il y a beaucoup d'anciens rappeurs. D'autres avaient une vie de fêtard. Pour eux tous, il y a dans cette idéologie jihadiste quelque chose de rédempteur. Ils sont persuadés de se laver de leurs péchés, de leur vie d'avant et de se faire pardonner. Ils ont tous la conviction que c'est un raccourci vers le paradis. Ils en sont convaincus et c'est pour cela qu'ils acceptent de mourir pour cette cause. Pour d'autres encore, c'est un moyen de se réaliser socialement. Un jeune qui rejoint l'EI et qui n'est rien en France, croit devenir quelqu'un là-bas. Il est intégré dans le groupe des «puissants». En somme, il y a un tas de facteurs. Mais, malgré les points communs, les profils sont nombreux et différents. En tout cas, en France et en Tunisie, que je connais bien, la majorité des jihadistes est issue du milieu populaire. Mais ils ont parfois un travail, ont fait des études... Je rappelle que, selon le ministère tunisien de l'Intérieur, 30% des jihadistes arrêtés en Tunisie étaient des étudiants. En revanche, le rappeur Emino vient de la classe moyenne. Sa mère est employée au ministère tunisien de la Justice. Malgré les différences, le point commun entre les terroristes, c'est qu'ils ont tous fait un retour récent vers la religion.
Vous avez aussi suivi la guerre en Libye. Cette guerre explique-t-elle selon vous la montée du terrorisme en Tunisie ?
Le pouvoir politique tunisien pointe toujours un doit accusateur vers la Libye. Or la Tunisie est un facteur de déstabilisation pour la Libye, au même titre que la Libye est un facteur de déstabilisation pour la Tunisie. Par exemple, le commando responsable de l'assassinat de Chokri Belaïd a fondé un camp d'entraînement dans la région de Syrte et de Sabratha. C'est dans ces camps qu'ont été formés les jihadistes qui ont attaqué le musée Bardo et Souss. Ce sont des Tunisiens.
La Tunisie est actuellement le premier «exportateur» mondial de jihadistes. Les autorités ont-elles conscience du problème ?
Il faut être clair. En Tunisie, depuis 2011, que ce soit la transition, les islamistes d'Ennahda, la troïka ou l'actuel gouvernement de Nidaa Tounes, il y a toujours eu un déni total de cette question. Au sein de la population et de la classe politique, on dit que ce n'est pas tunisien, que ça ne peut pas exister en Tunisie. Pour eux, leur pays est juste l'héritage de Bourguiba, avec les valeurs modernistes, les droits de la femme,... Mais en vérité, les Tunisiens parlaient de «fausses barbes». Ils étaient persuadés qu'il y avait un complot qui se tramait. Jusqu'à il y a six mois, la population pensait que c'était une manipulation du ministère de l'Intérieur pour faire revenir les anciens du régime au pouvoir. Le déni est passé au refus de reconnaître la réalité parce que Nidaa Tounes a fait campagne sur l'échec d'Ennahda dans le domaine de la sécurité. Même si aujourd'hui les attaques sont encore plus spectaculaires, il n'y a pas de retour de la sécurité et ils refusent de se l'avouer.
Comment assurer un retour à la sécurité ? En Egypte, par exemple, malgré un régime répressif envers les islamistes, l'EI continue de mener des actions terroristes...
Effectivement, en Egypte, les attentats sont de plus en plus nombreux et surtout depuis l'arrivée d'al-Sissi au pouvoir.
Etant la plus touchée en Europe par le terrorisme, la France serait-elle la cible première de l'EI?
C'est une cible prioritaire de l'EI. La France c'est le pays qui compte le plus grand nombre de combattants occidentaux, pas en proportion de sa population mais en nombre. De ce fait, la menace pour la France est plus grande. La France est aussi un symbole. C'est aussi un pays membre de la coalition qui frappe l'EI en Irak. Il est également le pays de Charlie Hebdo, de la laïcité. Sans oublier que c'est, en outre, le pays qui a interdit le voile intégral. Pour toutes ces raisons, la France est ciblée par les terroristes.
Dans la lutte anti-terroriste, faut-il continuer à se concentrer sur les jihadistes qui partent en Syrie ?
La menace principale provient quand même de la Syrie et de l'Irak parce qu'il y a un nombre important de combattants français sur cette zone, depuis plus de 3 ans, et ils ont l'intention de revenir. Mais Al Qaida est toujours là, ce sont de grandes organisations.
Je tiens à souligner que la menace d'un groupe comme AQPA (Al Qaïda dans la péninsule arabique) avait été oubliée à la fois dans les médias et aussi au niveau sécuritaire. Sur Charlie Hebdo, il y a eu une revendication d'AQPA. Par contre, pour Coulibaly, l'attentat a été revendiqué par l'EI. Aucune de ces organisations ne se laisse marcher sur les pieds. Chacune assume sa part de responsabilité. Sur l'Isère, il y a eu un cafouillage parce que ce n'est pas une opération qui a été commanditée par l'EI. Enfin, elle a surtout été incitée par un combattant.
Quelle est la différence entre l'EI, Al-Qaïda et les autres groupes terroristes ?
La stratégie privilégiée par toutes les organisations est celle qu'on appelle le jihad individuel d'un combattant. Ce dernier mène, seul ou en binôme, une action qui vise à durer pour maintenir longtemps l'attention médiatique. C'est le cas avec les Chebab (ndlr, Branche d'al-Qaïda en Somalie) dans le Westgate à Naïrobi, mais aussi avec les frères Kouachi pour AQPA en France... Ce sont des combattants qui ne sont pas là pour mener des attaques de masse, comme le faisait Al Qaïda par le passé, mais pour mener régulièrement des attaques en vue de provoquer le sentiment d'insécurité au sein de la population. Leur objectif n'est plus le nombre de morts, mais l'instauration de la peur.
Y a-t-il une surenchère de l'horreur entre ces groupes, comme on pourrait le déduire des derniers attentats perpétrés ?
En Tunisie, il y a des groupes armés officiellement affiliés à Al Qaïda et d'autres affiliés à l'EI. Ces groupes ont d'ailleurs publié un communiqué pour dire qu'ils n'étaient pas en concurrence. Mais ce qui est vrai en Tunisie, est faux pour la Syrie. Jabhat Al-Nosra et EI sont en guerre ouverte et non pas seulement en concurrence. L'EI considère cette branche d'Al Qaïda comme un assemblement d'apostats. Dans les décapitations en série des combattants de Jabhat Al-Nosra. Au niveau mondial, je suis pas certain qu'il existe une surenchère entre ces organisations. Il y a une concurrence pour le leadership mondial. Du coup, on joue à qui commet l'attentat le plus spectaculaire.
Pour les groupes djihadistes à travers le monde, l'EI est-il désormais la référence?
Oui. Dans l'esprit de la jeune génération, le leadership d'Abu Badr Al Baghdadi a totalement éclipsé la figure d'El Zawahiri d'Al Qaïda. Les jeunes jihadistes disent que ce dernier ne dit plus rien. Ils font aussi remarquer qu'il n'est pas sur les champs de bataille. Pour eux, la légitimité charismatique de Baghdadi est réelle. Il est vu comme étant quelqu'un qui combat et qui conquiert des territoires. Il parle beaucoup plus à la nouvelle génération que ne le fait Al Qaïda. Dans tous les pays du monde où cette organisation s'active, il y a des groupes qui ont fait allégeance à l'EI, à l'exception des Chebabs. Cependant, Al Qaïda n'a pas non plus disparu, ses «franchises» sont toujours là.
Quel est le niveau d'implantation de l'EI en Afrique ?
La principale implantation, c'est la Libye où il y a eu plusieurs allégeances en octobre qui ont été acceptées, en décembre. A partir de là, il y a eu des conquêtes rapides. L'EI s'implante dans des zones qui étaient autrefois contrôlées par d'autres groupes jihadistes, à la faveur de l'allégeance comme à Syrte. Mais ils l'ont reperdue récemment contre Al Qaïda. C'était la première grande défaite de l'EI en Afrique. Des combattants de l'EI en Syrie ont aussi été envoyés en Libye pour faire fructifier l'organisation. Il y a eu aussi l'allégeance de Boko Haram qui est une force militaire. Ce groupe résiste malgré les communiqués des pays de la région.
Il y a aussi l'allégeance en novembre d'un groupe pour l'EI dans le Sinaï qui inflige des pertes très importantes à l'armée égyptienne et qui mène de plus en plus d'actions. Sans oublier les groupuscules qui ont prêté allégeance à l'EI. C'est le cas en Algérie où des dizaines de combattants ont été pointés du doigt par le gouvernement après l'assassinat de Hervé Gourdel. En Tunisie, aucun des groupes qui a prêté allégeance n'a encore été reconnu par l'EI en Syrie et en Irak
Depuis la prise de Mossoul et l'auto-proclamation du califat il y a un an, le territoire de Daech ne cesse de s'étendre. Peut-on dire que la coalition menée par les Américains est pour le moment impuissante ou du moins inefficace ?
La coalition gène l'EI en Irak. Mais elle ne l'empêche pas de regagner des villes peu de temps après les avoir perdues. La ville de Kobané, par exemple, a été effectivement reprise, mais elle est entièrement rasée. La coalition a pendant quatre mois concentré 70% de ses bombardements sur cette ville. Aujourd'hui, cette cité n'existe plus. L'EI y a encore mené des actions récemment. Du reste, l'EI a perdu Tal Abyad ces derniers jours, qui a été repris par les Kurdes, aidés par la coalition. Mais l'EI est aujourd'hui en passe de reprendre ce poste-frontière. D'après l'armée irakienne, la période prévue pour le lancement d'une opération de contre-offensive pour reprendre Mossoul est aujourd'hui à milles lieues. Au lieu de lancer l'offensive sur cette ville, ils ont perdu Palmyre. De plus les frappes de la coalition sur l'EI ont aussi joué en faveur de Jabhat Al-Nosra en Syrie et d'autres combattants qui infligent des revers sérieux au régime syrien. Les raids de la coalition n'ont clairement pas empêché l'EI de prospérer.


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