Le bilan est terrible pour Bachar el-Assad. Si le dictateur damascène a reconquis la quasi-totalité de son territoire, il a perdu son indépendance. Après sept ans d'une terrible guerre civile, 350.000 morts et des destructions sans fin, Damas ne décide plus de son avenir. Comme hier le Liban, la Syrie n'est plus que le laboratoire où ses voisins, et la Russie, dessinent leurs nouveaux rapports de force. Sans lui demander son avis. Dernier exemple en date. Alors que le monde entier retenait son souffle devant la perspective d'un écrasement de la province d'Idlib, 3 millions d'habitants, sous les bombes et les barils de chlore syriens, Russes et Turcs s'accordaient à Sotchi, sur les bords de la mer Noire, pour créer une zone démilitarisée entre les troupes de Damas et la dernière zone du pays où survit encore la rébellion, celle des forces démocratiques et celles des djihadistes. Les civils sont, au moins momentanément, sauvés. Bachar el-Assad n'était pas à Sotchi. Vladimir Poutine lui a permis de conserver son trône. Le président russe décide désormais l'avenir de Damas, en fonction des intérêts russes. Dès les premières années de la guerre syrienne, le président russe avait rapidement compris le parti qu'il pourrait en tirer. Disposant à Tartous, depuis l'époque soviétique, d'un point d'appui naval, Moscou en a fait une base importante qui lui a permis de reprendre pied en Méditerranée orientale. Devenue le gendarme, l'arbitre et le juge du pays, la Russie a oublié son statut de nain diplomatique qui, hier, humiliait tant Vladimir Poutine. La Turquie et l'Iran sont les deux autres grands acteurs régionaux qui n'entendent pas céder leur place en Syrie. S'ils ne sont d'accord sur rien, comme l'a montré le processus d'Astana de mai 2015, ils s'entendent pour affirmer qu'ils ont un rôle à jouer dans la Syrie de demain. Le président Erdogan garde des troupes au nord de la Syrie, vers Idlib et dans la région d'Afrin qu'il a repris aux Kurdes. Il est inquiet de l'accord que ces derniers ont passé avec le régime de Damas pour bouter les troupes turques de Syrie. Un rapprochement syro-kurde encouragé par les Russes qui veulent s'appuyer sur les Kurdes pour chasser les derniers djihadistes du nord du pays. L'Iran a d'autres préoccupations. Avec l'aide du Hezbollah, il a aidé Bachar el-Assad à récupérer son territoire pour obtenir une ouverture sur la Méditerranée et consolider son influence dans la région. Suscitant l'inquiétude des Israéliens, les voisins du sud. Depuis, à bas bruit, l'aviation israélienne bombarde, en Syrie, des dépôts de munitions appartenant au Hezbollah ou aux Gardiens de la révolution (quelques 200 raids en 18 mois). Benyamin Netanyahou veut obtenir le départ des milices iraniennes de Syrie. Sans grand succès, mais Israël montre qu'il reste vigilant. Derniers acteurs d'une Syrie impuissante : les Occidentaux. Américains, Français et Britanniques n'ont plus la main mais maintiennent des forces spéciales vers Raqqa, l'ex-capitale de Daech, et la frontière irakienne, où sévissent encore des djihadistes. Ils veulent aussi protéger leurs alliés kurdes des attaques turques. Sept ans de guerre ont redistribué les cartes dans la région. Les vrais perdants ? Les Syriens qui, en 2011, rêvaient de choisir leur destin.