Ettadhamen est un quartier déshérité de Tunis qui sert de baromètre du mécontentement social en Tunisie. Ces jours-ci, il bouillonne et résonne de slogans réclamant « Travail, liberté et dignité ». En Tunisie, la situation économique délicate que traverse le pays, fortement endetté, donne lieu à des scènes de mécontentement grandissant de la population ces derniers jours. Des manifestations nocturnes et des affrontements avec la police ont aussi éclaté. Le ministre des Affaires sociales tunisien s'est déplacé sur place lundi 26 septembre pour tenter d'apaiser la situation. Les slogans de protestation ne cessent de s'élever en Tunisie ces jours-ci, atteignant leur paroxysme dimanche soir dans une scène semblable à l'époque de la révolution tunisienne. en décembre 2010. Douar Hicher dans le gouvernorat de la Manouba, le district de Mornag dans le gouvernorat de Ben Arous et le district d'Aqrab dans le gouvernorat de Sfax ont été témoins de manifestations nocturnes, avec des protestations de propriétaires de taxis, de députés et d'autres enseignants, manifestations auxquelles des centaines ont participé. Un observateur tunisien estime que les manifestations surviennent à un moment de crise politique, économique et sociale, et avec une hausse sans précédent des prix de tous les produits y compris les médicaments. Dans la capitale tunisienne, la cité Ettadhamen, quartier déshérité de Tunis qui sert de baromètre du mécontentement social en Tunisie, bouillonne aussi ces jours-ci. Et les slogan « Travail, liberté et dignité », associés à d'autres de la révolution de 2011 résonnent à nouveau dans ce faubourg de Tunis où s'entassent ouvriers journaliers, chômeurs ou encore jeunes rebuts du système scolaire.
Des jours « très difficiles » attendent les Tunisiens
Un journaliste tunisien attribue le retour et l'escalade des protestations à une grande pénuries de plusieurs denrées de base comme le sucre et le café. Les manifestations s'inscrivent aussi avec une recrudescence du chômage et l'absence de perspective d'emploi, d'autant plus que l'Etat a fermé le marché du travail dans la Fonction publique cette année. Alors que l'inflation atteint des records dans le pays, 8,6% le mois dernier et que des pénuries de denrées de base se font ressentir, les habitants de ce quartier, mais aussi d'autres banlieues de Tunis, ont tenu à faire entendre leur mécontentement. Rues bloquées, pneus incendiés et répliques policière au lacrymogène. Le mouvement, sporadique pour le moment, est pourtant révélateur des tensions sociales que connaît la Tunisie. Surendetté, le pays est actuellement en pleines tractations avec le FMI pour obtenir de nouveaux prêts. Peu optimiste sur les mois à venir, le secrétaire général du principal syndicat du pays affirme que des jours « très difficiles » attendent les Tunisiens. Les manifestants, eux, ont prévu de poursuivre leur mouvement dans les jours à venir.
Abdel Latif Derbala, analyste politique estime que si « les manifestations surviennent à la lumière d'une atmosphère socialement chargée en raison de la crise économique et financière de l'Etat, il n'empêche qu'il s'agit de mouvements quand bien même se nourrissant de ces frustrations, n'en sont pas générées par elles ».
Grande ébullition et risque d'explosion
Pour l'analyste, les protestations fréquentes sont circonstancielles et liées dans leurs causes apparentes à des évènements accidentels. Par exemple, à Sfax, la contestation s'est déclenchée en raison de la recrudescence des discours sur l'ouverture définitive de la déchetterie dans la région. A la Manouba et à Mornag, elle a été liée aux suicides de vendeurs ambulants, au sentiment d'injustice sociale et l'abus de l'administration ou de l'autorité. Pour Derbala, la fréquence des troubles ne signifie pas actuellement un état de colère et de protestation directe contre l'autorité de Kais Saied ou ses tendances et sa politique générale... Mais la crise économique créée par la politique de Saied et son incapacité à résister à la perte et à la pénurie des produits de première nécessité, à la hausse folle des prix et à la cherté de la vie l'affectera en réalité, et fournirait, dans la durée, un environnement propice à l'interaction avec d'éventuelles crises ou incidents sociaux, humanitaires ou sécuritaires à venir, et le déclenchement d'un état général de troubles et de protestations. Le sociologue Sami Nasr verse dans la même conclusion. "Les mouvements d'aujourd'hui sont attendus. Toutes les indications suggèrent un état de grande ébullition qui va exploser. En d'autres termes, les gens sont dans le cas d'un volcan en ébullition, indiquant l'explosion avec les raisons les plus simples, et non on peut le nier". Des partis politiques boycottent les élections législatives
A trois mois des élections législatives tunisiennes, prévues le 17 décembre 2022, le nombre de partis politiques ayant décidé de boycotter cette échéance ne cesse de s'accroître pour dépasser, à ce jour, plus d'une dizaine.
Le dernier parti politique à annoncer sa décision de ne pas respecter cette échéance électorale est le Courant démocrate. Le parti s'est dit "profondément préoccupé par la détérioration de la qualité de vie des Tunisiens faute d'abondance des besoins les plus élémentaires". Tout récemment, le Parti socialiste tunisien a confirmé que son Conseil central avait tranché en la matière, annonçant le boycott des élections législatives anticipées du 17 décembre 2022, malgré sa conviction que les élections "représentent toujours un outil essentiel pour le changement de la vie politique et la passation pacifique du pouvoir". Afaq Tounes (Perspectives de Tunisie), a annoncé son boycott des élections législatives, trois jours avant le démarrage officiel de la période électorale pour ce scrutin. Auparavant, le Front de salut national (principale alliance de l'opposition), qui regroupe Ennahdha, Cœur de la Tunisie, le Parti Amal, la Coalition Dignité et le Mouvement d'initiative démocratique, boycotterait aussi les prochaines législatives. Le parti destourien libre (PDL) ne participerait pas aux prochaines législatives pour des motifs liés à tout le processus qualifiés de "contraires aux normes internationales".