« Une équipe vient de réussir un tour de force au Maroc. Dans son film, André Zwobada met son œil au trou de serrure d'un lieu obscur à force de soleil, d'un lieu qui ne possède ni porte, ni trou de serrure : le désert. Il va surprendre, on dirait… sans qu'elle s'en doute, cette mer effrayante de sable pâle, où les oasis, les palmeraies s'appellent des ponts. Ô, vous tous, habitués aux films de poursuites d'automobiles, de coup de revolver et de crimes passionnels, ayant la patience des âmes de sables, laissez ce film étrange entrer lentement et sûrement dans votre cœur ». C'est en ces termes que le cinéaste et poète français, Jean Cocteau, s'adressait au public au début film « Noces de sable » (1968) d'André Zwobada. Les malheurs d'une princesse orientale et de son aspirant le prince. Amours contrariées par le destin, la méchanceté d'un bouffon, les malentendus. Tous deux trouvent la mort, mais de leurs bouches jaillit une bienfaisance source qui donne la richesse au pays. Tel est le contenu de ce film qui se veut d'abord un conte de fées, tourné dans les décors pittoresques de la région de Tata au Sud du Maroc. Riche par son décor et ses costumes traditionnels admirablement choisis par l'artiste-ethnographe Jean Besancenot qui collabora étroitement au film depuis l'écriture. « Noces de sable » fasciné par la linéarité de l'histoire, la spécificité des personnages, la discrétion des moyens et le romantisme du récit. Après « La septième porte » (1947), Zwobada confirma sa supériorité quant au repérage des lieux susceptibles d'ajouter une tonalité originale à la matinée du film. Jamais des scènes de début, de tempêtes, de chameaux, de souks, n'ont été si merveilleusement portées à l'écran. Zwobada est resté fidèlement attaché aux éléments laconiques qui traduisent la spécificité de l'histoire et son curieux dénouement. Mélange de réalisme, de romantisme, de surréalisme et de rêves sans que l'œuvre de Zwobada perde de sa crédibilité et de son pouvoir à intégrer les cœurs. Combien de films évoquant des histoires d'amour n'ont laissé que des vagues souvenirs. « Noces de sable » marque les mémoires par la force des propos comme par la signification de l'image située elle-même dans un cadre stimulant mille rêves et d'interminables évasions. Le film d'André Zwobada avait marqué le cinéma au Maroc des années 40 comme il se distingue comme une œuvre à part du cinéma français. D'abord, parce que le capital marocain a participé potentiellement à cette entreprise par le biais de Mohamed Laghzaoui, ex-directeur de l'Office Chérifien des Phosphates (OCP) et ex-directeur de la Sûreté Nationale, et fondateur en 1947 de la société de production Maghreb-Film. Ensuite parce que les producteurs se sont contentées d'une seule version en langue française sans dialogues, au lieu de film à double version comme ce fut le cas de « La septième porte » du même acteur.