Le Canada a décidé de limiter le nombre d'autorisations d'études délivrées aux étudiants étrangers, laissant sentir une crainte chez les Marocains désirant poursuivre leur cursus universitaire dans ce pays. Voici les tenants et les aboutissants de cette décision analysés par les experts. Le Canada qui s'est taillé une place de chef de file mondial pour ce qui est de l'accueil des migrants, a décidé de resserrer les mailles de son filet accueillant pour instaurer un plafond temporaire sur l'octroi des permis d'études pour les étudiants étrangers, dont le nombre a explosé ces dernières années. En 2024, le pays prévoit d'octroyer 364.000 permis d'études internationaux, un chiffre en baisse de 35% par rapport à 2023. Cette nouvelle restriction, valable pour une période de deux ans, ne s'applique que sur les nouvelles demandes de permis. Ceci dit, les étudiants étrangers déjà inscrits dans les universités canadiennes ne seront pas concernés. Par conséquent, les écoles de trois provinces, à savoir : l'Ontario, la Colombie-Britannique et la Nouvelle-Ecosse pourraient voir leurs effectifs d'étudiants étrangers s'étioler. Pour justifier cette décision inattendue, le gouvernement canadien évoque la nécessité de relâcher la pression sur le logement Une problématique qui s'est accentuée, ces dernières années, se traduisant par une augmentation du coût moyen du loyer. « La moyenne nationale a augmenté de 8% cette année pour un appartement de deux chambres », nous détaille Mohamed Berrada, journaliste spécialisé dans l'enseignement supérieur au Canada. Le journaliste qui suit de plus près les enjeux de l'enseignement dans le pays nous explique, par ailleurs, que le logement est un enjeu central pour les prochaines élections de 2025. Cette démarche intervient en réponse aux critiques reprochées au premier ministre canadien, très bas dans les sondages, par le parti Conservateur. Même son de cloche auprès de l'expert en politique éducative, Mohammed Guedira. Lequel estime que cette décision « aléatoire » résulte des guerres intestines politiques dans le pays. « A l'approche des élections, chaque parti tire de son côté pour se démarquer même par des décisions en déphasage avec la politique générale du Canada », note-t-il (lire trois questions).
Colère des universités canadiennes
Le gouvernement canadien dit vouloir lutter contre les pratiques douteuses menées par certaines écoles privées, exploitant les espoirs et les portefeuilles des étudiants étrangers. Ces établissements sont accusés d'exploiter des campus dépourvus de ressources et d'imposer des frais de scolarité élevés, tout en augmentant de manière considérable le nombre d'étudiants étrangers qu'ils accueillent. Cependant, les universités peinent toujours à avaler cette démarche et déplorent, par ailleurs, le manque de soutien gouvernemental pour la construction de logements universitaires afin de satisfaire les besoins des étudiants étrangers, de plus en plus nombreux.
Migration ciblée Connu pour être un symbole d'accueil, le Canada est en quête d'équilibre entre ouverture et durabilité. Le pays cherche, ainsi, à promouvoir une immigration ciblée selon les besoins de chaque province. La preuve en est la décision du gouvernement fédéral de conserver son seuil de 500 000 nouveaux arrivants en 2025. « Ottawa veut mieux sélectionner ces nouveaux Canadiens, histoire de combler la pénurie de main-d'œuvre tout en respectant la capacité d'accueil des provinces », explique Mohamed Berrada, qui s'attend à des rebondissements à l'approche des élections. En réalité, le pays de plus d'un million d'étudiants étrangers est loin de décider une fermeture totale du moment que l'immigration constitue toujours la sève nourricière de l'économie canadienne.
Quel impact sur les étudiants marocains ? L'annonce de cette restriction inattendue a donné froid au dos aux étudiants marocains désirant poursuivre leurs études sur le sol canadien. « J'ai programmé de postuler pour une université canadienne, mais avec ce plafond je crains de ne pas avoir suffisamment de chance pour être sélectionnée », s'inquiète une élève du baccalauréat qui aspire à faire une carrière en infirmerie au Canada. De leur côté, les observateurs estiment encore trop tôt pour mesurer l'impact d'une telle décision sur les étudiants marocains. Ces derniers se dirigent en grande partie vers le Québec, qui ne sera pas drastiquement touché par cette décision et qui mène ses propres pourparlers avec le gouvernement fédéral concernant l'immigration. Par ailleurs, l'impact de cette décision varie selon le type d'établissements. Les étudiants internationaux, notamment marocains poursuivant les études dans les universités publics, ne pourront plus sponsoriser leurs conjoints ou conjointes pour les ramener au Canada s'ils sont toujours au premier cycle. Désormais, seuls les étudiants en master ou en doctorat bénéficieront de cette facilité, selon les détails fournis par le journaliste expert en enseignement supérieur au Canada. Toutefois, les Marocains qui choisissent de poursuivre leurs études dans des établissements privés seront inévitablement touchés par cette décision, du moment que ces établissements sont épinglés par l'Exécutif pour irrégularité et manque de soutien aux étudiants, comme souligné précédemment. Ainsi, les étudiants poursuivant leurs études dans ces établissements privés pourront avoir des difficultés pour bénéficier d'un permis de travail et la résidence permanente après l'obtention de leur diplôme, selon les informations fournies par notre interlocuteur. Il est à noter que chaque année, plus de 5 000 étudiants marocains partent dans ce pays pour étudier dans une université ou un collège canadien. D'autres décident même d'y faire une carrière compte tenu du besoin important en capital humain au Canada. Trois questions au Pr Mohammed Guedira : « Le Canada aura toujours besoin de la compétence étrangère notamment marocaine » Le gouvernement canadien a décidé de plafonner le nombre d'étudiants étrangers au Canada. Comment expliquez-vous cela ?
Le Canada est en situation de besoin en termes de main-d'œuvre dans plusieurs domaines et cherche, en même temps, à réduire le nombre d'arrivés étrangers sur son sol. Ce sont deux constats qui se contredisent complètement. Je crois que le pays est, aujourd'hui, le terrain de guerres intestines politiques où chaque parti tire de son côté pour se démarquer dans les élections. Ceci se traduit bien évidemment par des décisions aléatoires.
De surcroit, les éléments d'analyse disponibles à ce jour nous permettent de dire que cette décision ne serait pas prise pour le moment, car elle est en déphasage avec la politique d'ouverture du pays. L'Exécutif canadien justifie cette décision par la crise de logement que connaît le pays ces dernières années. Qu'en pensez-vous ?
La crise du logement n'est qu'un prétexte à mon sens. Car toute la politique canadienne est construite autour de l'immigration intellectuelle et professionnelle à très grande valeur ajoutée.
Dernièrement, le pays, notamment la province du Québec, a acté une réduction importante des frais de scolarité pour encourager l'arrivée d'étudiants francophones sur le sol canadien. Ceci fait de cette nouvelle mesure plutôt un slogan électoraliste qu'autre chose. Se dirige-t-on alors vers la même orientation française à ce propos ?
(Silence). C'est un délire. Je ne crois pas que cette décision va égaler l'orientation française du moment que les Canadiens attestent toujours d'un besoin d'une main-d'œuvre bien formée.
Le Canada a besoin d'ici 2026 d'un million d'immigrés. Raison pour laquelle, le pays aura toujours besoin de la compétence étrangère notamment marocaine. De ce fait, les autorités concernées ne peuvent pas mettre en contrôle l'arrivée des étudiants étrangers et ouvrir les portes aux immigrés ayant un niveau d'étude très modeste.