Le président égyptien Hosni Moubarak, confronté à une contestation et à des violences meurtrières, a dit jeudi qu'il souhaitait démissionner mais redoutait le chaos dans son pays, à la veille de nouvelles protestations de masse prévues pour réclamer son départ. Au pouvoir depuis 29 ans, M. Moubarak a assuré qu'il en avait "assez d'être président et aimerait abandonner le pouvoir maintenant, mais qu'il ne pouvait le faire de peur que le pays ne sombre dans le chaos", a déclaré Christiane Amanpour, de la chaîne ABC, qui l'a rencontré pendant 20 minutes au Caire. Le président égyptien, dont l'annonce mardi qu'il ne briguerait pas un 6e mandat à la présidentielle de septembre n'a pas satisfait les protestataires, a aussi dit qu'il ne voulait pas voir "les Egyptiens se battre entre eux". Il s'exprimait en présence de son fils Gamal, selon la chaîne américaine. Les manigances de Washington Les Etats-Unis discutent avec des responsables égyptiens des modalités d'un départ immédiat du président Hosni Moubarak et du transfert du pouvoir à un gouvernement de transition dirigé par le vice-président Omar Souleimane, rapportait jeudi le New York Times. Bien que M. Moubarak ait refusé de démissionner du poste qu'il occupe depuis près de 30 ans, des responsables américains et égyptiens réfléchissent à un scénario dans lequel M. Souleimane, soutenu par les militaires, engagerait immédiatement un processus de réforme constitutionnelle, ajoute le New York Times. Le quotidien américain cite des responsables de l'administration Obama et des diplomates arabes. Le projet est destiné à recueillir le soutien de l'armée égyptienne. Par ailleurs, le Sénat américain a adopté jeudi soir à l'unanimité une résolution à la portée symbolique exhortant le président égyptien à former un gouvernement intérimaire, sans toutefois demander la démission d'Hosni Moubarak. L'un des deux auteurs du texte, le sénateur démocrate John Kerry a indiqué avant le vote à des journalistes que la résolution, non contraignante, se voulait délibérément vague sur le rôle que pourrait jouer M. Moubarak dans ce futur cabinet. "Il pourrait en faire partie, ou non. Tout dépend de ce sur quoi les Egyptiens se mettent d'accord", a indiqué M. Kerry. Mercredi, pourtant, l'autre auteur de la résolution, l'influent sénateur républicain John McCain, avait écrit dans un message publié sur Twitter: "C'est regrettable (mais) le temps est venu pour le président Moubarak de démissionner et de lâcher les rênes du pouvoir". John Kerry a ajouté que l'objectif du texte était de faire en sorte que l'Egypte "commence à répondre aux aspirations de son peuple". Bruxelles à la traîne De leur côté, les dirigeants européens ont mis en garde vendredi les autorités égyptiennes contre de nouvelles violences visant les manifestants, lors d'un sommet consacré plus largement à repenser leur stratégie très critiquée à l'égard du monde arabo-musulman. "Si nous voyons aujourd'hui dans les rues du Caire de la violence orchestrée par l'Etat ou un recours à des voyous pour s'en prendre aux manifestants, alors l'Egypte et son régime perdront le reste de crédibilité et de soutien dont il dispose de la part de l'Occident, y compris de la Grande-Bretagne", a averti à son arrivée à un sommet de l'UE le Premier ministre britannique David Cameron. Fondamentalement, les Européens jugent que le passage de témoin à la tête du pays traîne trop en longueur. "Franchement, les mesures prises jusqu'ici n'ont pas répondu aux aspirations de la population égyptienne", a estimé M. Cameron, tandis que la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, a jugé "absolument essentiel" que les autorités égyptiennes démarrent sans tarder le dialogue avec l'opposition. L'Europe peine toutefois à faire entendre sa voix sur un dossier où elle apparaît depuis le début à la traîne des Etats-Unis, comme auparavant lors de la révolution tunisienne. Moscou hostile aux solutions importées La Russie a exprimé sur l'Egypte son hostilité de principe à toute solution "importée" par les Occidentaux, mais elle s'inquiète tout autant que l'Europe et les Etats-Unis d'une déstabilisation du monde arabe qui pourrait profiter aux islamistes, estiment des analystes. Dans sa première réaction jeudi aux événements d'Egypte, le président Dmitri Medvedev a appelé à "un règlement pacifique et dans le cadre du droit". Mais alors que les capitales occidentales, en particulier Washington, ont multiplié ces derniers jours les mises en garde au régime égyptien et sont présumées négocier une transition avec le président Hosni Moubarak, Moscou a déclaré jeudi son hostilité de principe aux ingérences. "Nous n'estimons pas positif d'imposer de l'extérieur de quelconques solutions, de décréter des ultimatums. Ce sont les forces politiques égyptiennes qui doivent se mettre d'accord", a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov.