La nouvelle Constitution affirme l'amazigh comme langue officielle. C'est la concrétisation d'un souhait longtemps formulé par les adeptes de cette langue, première du pays par son origine. Au point de vue ethnique, chacun de nous, citoyen marocain, porte en lui un grain d'amazighité. Oui, mais quel rapport avec le cinéma analysé habituellement dans cette tribune ? Cette affirmation de l'amazigh comme langue officielle aura, certes, un impact sur le cinéma marocain. Les films parlant amazigh ne constituaient qu'une petite minorité parmi les films et téléfilms produits annuellement. Grâce à quelques cinéastes, autodidactes, revendiquant fièrement leur appartenance, affichant leurs noms au complet dans toutes les tribunes, le cinéma amazigh, ou plutôt parlant amazigh, naît et se développe, lentement mais sûrement. Le clan de ces cinéastes est appelé à se renforcer. Il faut qu'il y ait davantage de cinéastes amazighs des trois ou quatre principales originales. Ils sont censés être formés ou dotés d'un consistant bagage cinématographique en vue de hisser leurs films à des œuvres d'art, ce qui n'est pas tout à fait le cas aujourd'hui. Ils sont appelés à ériger des histoires de portée universelle conformément à la lettre du cinéma en général au lieu de se focaliser sur des anecdotes locales aberrantes. Ils ont intérêt à entourer leur tournage d'un professionnalisme au lieu de se livrer à des styles qualifiés avec raison d'amateurisme débutant. Désormais, il sera attribué plus de budget au film et téléfilms en vue d'accompagner la concrétisation des souhaits. On ne manquera pas, dans cette euphorie linguistique, une part égale en films, arabophones et berbérophones, à la base de la générosité de l'actuelle Constitution, au moins à ce niveau. Cela est défendable à condition que les cinéastes adeptes révisent radicalement leurs approches. Les films amazighs sont généralement mal réalisés et personne ne tient à tendre davantage la corde de la médiocrité. Un nouveau souffle, artistique et esthétique, et même technique est attendu de ces cinéastes. Souffle garanti peut-être par l'arrivée d'une nouvelle génération de scénaristes et réalisateurs, formés et compétents. Cela n'empêche que le cinéma amazigh doit garder sa spécificité. Elle ne se limite certainement pas au seul facteur de la langue. Le rapport à l'espace, la relation avec le mythe, la revalorisation de la mémoire ont constitué jusqu'ici ses points forts autant les canaliser vers l'accomplissement d'œuvres d'art, universellement reconnues. Longtemps négligée et marginalisée, la culture amazigh devrait faire surface à travers les films. L'intérêt porté aux films et aux pièces de théâtre devrait être identique à ce qu'enregistre la chanson amazighe comme succès. La musique du Sud, Souss, Massa, Draâ a toujours réalisé une supériorité sur la musique arabophone, orientée vers la médiocrité du Machreque, exceptionnellement faite pour le Liban, singulièrement. La chanson marocaine, dite moderne, n'a pas su profiter de la musique amazighe, riche, originale et mélodieuse, par mépris ethnique ou ignorance désinvolte. Les adeptes paresseux de Abdelouhab, Latrach ou Keltoum sont les principaux responsables de l'actuelle situation de la musique marocaine d'aujourd'hui, mauvaise et indigeste. Enfin, revenons au cinéma. Avec l'élan politique et social enregistrés actuellement, un grand espoir est porté sur le cinéma amazigh en vue d'ériger des œuvres ancrées dans la réalité marocaine, traduisant un génie longtemps enfoui. C'est le moment ou jamais.