Les réactions des groupes parlementaires, aussi bien de la majorité que de l'opposition, à la déclaration gouvernementale, présentée jeudi par le Chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, devant le parlement, ont oscillé entre appréciation de ses dispositions qualifiées de précises et claires, et critiques quant à son contenu, considéré comme «très généraliste». Dans des déclarations à la MAP, des membres des deux chambres ont apporté des lectures très variées allant de l'adhésion franche à «un programme clair et global», à la dénonciation d'une «déclaration d'intentions». Dans ce cadre, M. Reda Benkhaldoun, membre du groupe parlementaire PJD à la chambre des représentants, a estimé que le chef de gouvernement «a veillé dans sa déclaration à mettre en avant la corrélation entre l'exercice de la responsabilité et la reddition des comptes, et a mis un accent particulier sur la bonne gouvernance dans les secteurs sociaux». Pour ce qui est des critiques soulevées autour de l'absence de chiffres et indicateurs dans le texte de la déclaration, M. Benkhaldoun a indiqué que «la Constitution marocaine stipule que le chef de gouvernement doit notamment présenter les grandes lignes de son programme», relevant toutefois que «les politiques sectorielles déclinées par M. Benkirane comportent des objectifs chiffrés». Il a, à cet égard, cité des chiffres significatifs portant notamment sur la réduction à 8 pc du taux de chômage et la réalisation d'une croissance de 5,5 pc, outre le déficit budgétaire, soit des indicateurs très importants. De son côté, M. Nourdin Moudian, président du Groupe istiqlalien de l'unité et de l'égalitarisme à la chambre des représentants, a qualifié le programme gouvernemental d'»ambitieux et porteur de plusieurs chantiers de réforme sur la base d'une approche participative», permettant ainsi de conférer une nouvelle dynamique aux relations entre le gouvernement et le parlement, ainsi que les différentes sensibilités politiques. La déclaration gouvernementale comporte la majorité des axes contenus dans le programme électoral du Parti de l'Istiqlal, et s'inscrit donc dans la continuité de l'action de l'ancien cabinet, avec de nouveaux apports aux plans économique et social, a-t-il estimé. Pour sa part, le président du Groupe de la mouvance, M. Mohamed Moubdi a souligné que «le programme gouvernemental est ambitieux et volontariste et comporte des engagements, des chiffres et des mesures claires», formant le voeu que toutes les potentialités soient mobilisées pour le mener à bien. Le succès du gouvernement «serait aussi celui du processus de réforme et d'ouverture politique que connaît le Royaume, mais également celui de tous les chantiers lancés par SM le Roi Mohammed VI», a-t-il ajouté. M. Rachid Roukbane, président du Groupe du progrès démocratique a, quant à lui, affirmé que «le programme gouvernemental comporte des indicateurs très forts, en phase avec les attentes et les aspirations des citoyens, en particulier aux niveaux économique et social». Le Groupe du progrès démocratique procèdera à une évaluation de la déclaration en vue de prendre une décision définitive, a-t-il dit, soutenant qu'il s'acquittera de son devoir législatif et de contrôle, en mettant en avant les points forts du programme sans en omettre les lacunes. Par ailleurs, dans le cadre des réactions de l'opposition, M. Salaheddine Mezouar, président du Rassemblement national des indépendants (RNI) a estimé que la déclaration présentée n'est qu'»une déclaration d'intentions». Selon lui, le programme aurait dû contenir «des chiffres, des objectifs et les moyens de les réaliser, outre les mesures à mettre en oeuvre pour réaliser le taux de croissance et les réductions des taux de déficit et de chômage». «Le programme gouvernemental ne contient aucun engagement, ce qui entrave l'application du principe annoncé de corrélation entre l'exercice de la responsabilité et la reddition des comptes», a-t-il conclu. Pour M. Mezouar, le programme «a omis de prendre en compte la conjoncture et les mutations à l'international, tout comme il n'a pas communiqué sur sa décision quant à la poursuite des chantiers engagés par les équipes précédentes». De son côté, M. Ahmed Zaidi, président du Groupe de l'union socialiste des forces populaires, a affirmé que son groupe, qui ne s'oppose ni aux objectifs nobles ni aux bonnes intentions contenus dans la déclaration, s'attèlera à une étude approfondie du texte. Il sera procédé à l'examen de tous les engagements et leur applicabilité sur le terrain, a-t-il ajouté, estimant qu'il «est prématuré d'émettre un jugement sur ce programme». M. Abdelmalek Aferiate, membre du groupe fédéral de l'unité et de la démocratie à la chambre des Conseillers, a indiqué que la déclaration gouvernementale «n'a apporté que des généralités, sans données chiffrées qui permettent de mesurer son adéquation avec les attentes des citoyens». En sa qualité de représentant des travailleurs au niveau de la chambre, M. Aferiate a relevé que «le programme ne comporte pas de signaux forts quant à l'institutionnalisation du dialogue social», soulignant que le mutisme du chef de gouvernement concernant l'augmentation du SMIG, un sujet abordé auparavant, donne à s'interroger quant à la crédibilité de la déclaration». Pour sa part, le président du groupe constitutionnel à la chambre des représentants, M. Abdeslam Chaoui Belassal, a qualifié la déclaration de «mixage d'anciens programmes, ne comportant pas de chiffres ou d'indicateurs, ni les mesures de sa mise en ¿uvre». «C'est un ensemble de promesses et de slogans, inapplicables sur le terrain», a-t-il dit, soulignant que la déclaration «ne reflète pas l'identité des partis de la majorité et ses idéologies». Mme Milouda Hazib, du Parti de l'Authenticité et de la Modernité (PAM), a indiqué que la déclaration «représente une régression par rapport au programme électoral qui a avancé un taux de croissance de 7 pc, alors que le texte présenté devant le parlement ne parle que de 5,5 pc». Pour Mme Hazib, le PAM est «sceptique quant à la capacité du gouvernement à mettre en oeuvre un programme qui change la situation de la société». Présentant la déclaration gouvernementale, le chef de gouvernement avait affirmé que cette dernière est fondée sur cinq principaux axes, à savoir l'identité nationale, la consécration de l'Etat de droit et la bonne gouvernance, la consolidation des assises économiques, le développement et la promotion des programmes sociaux et le renforcement de l'interactivité positive avec l'environnement régional et international du Royaume. Ces fondamentaux, a-t-il dit, constituent une feuille de route pour le gouvernement pour les cinq années à venir. Des députées apostrophent le chef de gouvernement sur la présence féminine au sein de l'Exécutif Au moment où le chef de gouvernement, Abdelilah Benkirane, présentait le programme de son cabinet, jeudi sous la coupole de l'Hémicycle, des députées l'ont brièvement interrompu pour protester contre la faiblesse de la présence féminine au sein de l'Exécutif. Représentant les différentes formations, à l'exception du Parti de la Justice et du Développement (PJD), les parlementaires protestataires ont réclamé, en brandissant des écritaux, l'application du principe de la parité, instituée par la Constitution (article 19). Dans des déclarations, elles ont qualifié de «machiste» l'actuel gouvernement qui «a éliminé la moitié de la société en passant outre les acquis accumulés par les femmes en termes de représentativité politique». L'Istiqlalienne Khadija Zoumi, membre de la Chambre des conseillers, a estimé qu'»on ne peut accepter, en cette étape qu'on souhaitait moderniste par excellence, que les femmes perdent leurs acquis et que le gouvernement ne compte qu'une seule ministre chargée, de surcroît, du secteur des femmes, ce qu'on peut considérer comme une double marginalisation». Les parlementaires visent, à travers cette action, à exprimer leur protestation contre les partis et le chef de gouvernement, qui «devait rejeter toute liste des ministrables ne contenant par des noms de femmes», a-t-elle dit. La députée USFP, Rachida Benmassoud, a fait part de «la stupéfaction» et de «la déception» des «composantes de la société» en ne voyant qu'une seule femme au sein de la nouvelle équipe gouvernementale, notant que la Constitution a consacré les droits politiques, civiles, économiques et culturels de l'ensemble des citoyens, dont les femmes, et a appelé à ¿uvre pour l'instauration du principe de la parité. La députée RNI, Naima Farah, a estimé que cette situation «constitue une violation de l'article 19» de la Constitution, s'interrogeant ce qui a pu empêcher le chef de gouvernement, qui jouit désormais de larges attributions, d'exercer des pressions sur les partis pour garantir une représentativité appropriée des femmes. Interrogée sur le geste de ses collègues, une députée PJD, Jamila Moussali, a souligné qu'elles ont le droit d'exprimer leur mécontentement, conformément au principe de pluralisme et des pratiques démocratiques, estimant que sa formation a fait des signes à l'égard des femmes, en nommant l'une de ses membres à la tête d'un département ministériel, alors que les autres formations n'ont fait aucune proposition dans ce sens. Dans le même état d'esprit et à l'appel du Mouvement pour une démocratie paritaire, des acteurs de la société civile ont observé, dans la matinée, un sit-in devant le siège du Parlement, avant le début de la présentation du programme gouvernemental.